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On n’arrêtera pas le progrès

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Vous risquez de tomber des nues. Après avoir digéré les 349 pages d’un essai copieux, le lecteur oscille entre sidération et désenchant­ement. Car Martin Ford, l’auteur de L’Avènement des machines(1), détaille avec une minutie horlogère les mécanismes enclenchés par la science pour donner aux machines, justement, les clés de tous les pans de l’économie. La “quatrième révolution industriel­le”, celle de l’Internet et de la robotique, conduira à un

“avenir sans travail”, prédit ce chef d’entreprise californie­n. Pour appuyer sa thèse, il invoque pléthore de chifres oàciels et démontre de facto la faible résistance des hommes face à l’invasion des robots qui, demain, penseront. Il faut lire dans ce

01net Magazine (p. 32) son compte-rendu sur le travail mené par IBM autour de son intelligen­ce artifciell­e, Watson. Hier, en 1996, celle-ci apprenait tous les coups imaginable­s aux échecs pour battre Garry Kasparov. Avec succès. Dix ans plus tard, elle est devenue un puits de science en ingurgitan­t 200 millions de documents afn de maîtriser le savoir et les subtilités du langage des humains. Pour, cette fois-ci, les ratatiner sur le terrain de la culture générale.

La tête et les bras

Si l’intelligen­ce artifciell­e progresse, la robotique, elle, ne cesse d’améliorer ses capacités motrices. Ainsi, la société Momentum Machines déploie un dispositif de confection de hamburgers prompt à hacher la viande fraîche, à adapter le niveau de cuisson aux exigences du client, à réchaufer les buns (les petits pains) tout en ajoutant les ingrédient­s (tomates, oignons…). Au rythme de six hamburgers par minute ! Diàcile, pour un humain, de suivre cette cadence. Et son inventeur d’avancer que tout cela “n’est pas destiné à rendre ( les) travailleu­rs plus efcaces”, mais à les “remplacer complèteme­nt”. La seule enseigne McDonald’s emploierai­t actuelleme­nt 1,8 million de personnes dans le monde et la restau- ration rapide reste encore un des secteurs absorbant le plus de main-d’oeuvre non qualifée ou estudianti­ne. À l’autre bout du spectre, les courtiers plient sous les assauts des algorithme­s, bien plus véloces qu’eux pour réaliser des opérations boursières. Au début du XXIe siècle, l’efectif des grandes banques de Wall Street s’élevait à 150 000 personnes à New York. En 2013, il avait fondu d’un tiers. Les machines ne crient jamais famine, pas plus qu’elles ne rechignent à la tâche. En période d’uberisatio­n, c’est tout bénef. Aux livreurs à domicile, ceux que l’on croise tard dans les rues des grandes villes, d’en faire, eux aussi, les frais. Sur leur vélo, ils touchent cinq euros par course ( lire p. 36). Maigre pitance, d’où leur grogne. Alors aux États-Unis comme en Angleterre, les confits sociaux se règlent radicaleme­nt : des robots coursiers les remplacent.

Temps modernes

“L’avenir nous tourmente et le passé nous retient. Voilà pourquoi le présent nous échappe”, aàrmait Gustave Flaubert(2). Pour le contredire et freiner ces funestes perspectiv­es, notre auteur avance des mesures à déployer à grande échelle, comme l’instaurati­on d’un revenu universel ou la lutte contre l’évasion fscale. À l’échelle individuel­le, il préconise de s’améliorer en se formant en continu, tout au long de la vie. Histoire de prendre de vitesse les algorithme­s qui apprennent d’eux-mêmes (le deep learning). C’est tout le sens de la démarche des Mooc (lirep.66), ces “formations en ligne massives ouvertes à tous”. Elles promettent autant d’ouvrir le champ des connaissan­ces que d’aider à apprendre de nouveaux métiers. Non seulement ces cours se suivent à distance, mais quand ils ne sont pas gracieusem­ent dispensés, les coûts sont pris en charge par la collectivi­té dans le cadre de la formation profession­nelle. À condition, toutefois, de disposer d’une connexion Internet et d’un ordinateur. Le progrès a encore... des progrès à faire. (1) L’Avènement des machines. Robots & intelligen­ce artificiel­le : la menace d’un avenir sans emploi (Fyp Éditions - 22 €). Sortie en septembre. (2) Lettre à Louis Bouilhet du 19 décembre 1850, dans Gustave Flaubert, Correspond­ance (Édition de Jean Bruneau et Yvan Leclerc, Gallimard, Bibliothèq­ue de la Pléiade ).

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AMAURY MESTRE DE LAROQUE Rédacteur en chef

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