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Ses paraboles aériennes défient les lois de la gravité

À bord de son Airbus, cet ex-spationaut­e fait léviter stars de Hollywood, enfants handicapés et simples particulie­rs. Une virée en apesanteur à 6 000 € les cinq minutes !

- THOMAS LESTAVEL

À bord de son Airbus, l’exspationa­ute Jean-François Clervoy fait léviter stars de Hollywood, enfants handicapés et simples particulie­rs.

Soulagés du fardeau de leur infirmité l’espace de quelques secondes, les huit enfants handicapés de l’associatio­n Rêves de gosse se sont senti pousser des ailes. Initiés aux joies de la lévitation, ils se sont retrouvés à 8 000 mètres au-dessus du plancher des vaches. “C’était magique. On a même joué au ping-pong avec des bulles d’eau”, s’émerveille encore Jean-François Clervoy, le président de Novespace, qui avait invité les adolescent­s à bord de l’Airbus 310 Zero-G fin août. Zero-G, ça veut dire zéro gravité. L’expérience vise en effet à goûter à la sensation de quasi-apesanteur ressentie par un astronaute sur Mars ou sur la Lune.

Pour dissiper les effets de l’attraction terrestre, l’avion décrit dans le ciel une parabole en jouant sur la trajectoir­e et la poussée des moteurs, afin de compenser la résistance de l’air. Jean-François Clervoy pourrait vous décrire durant des

heures les émotions qu’il éprouve lors de ces vols paraboliqu­es. Cet ingénieur diplômé de Polytechni­que et de Supaero en a fait le sujet de sa thèse et sa vocation terrestre. Depuis 2006, il est à la tête de Novespace, une filiale du Centre national d’études spatiales (Cnes), qui organise des escapades aériennes sans gravité.

Coach d’acteur. Parmi les clients de Jean-François Clervoy figurent des astronaute­s qui se préparent à un vol habité, des scientifiq­ues, mais aussi des particulie­rs prêts à casser leur tirelire pour défier les lois de la gravité. Si vous aussi vous caressez le doux rêve de vous envoyerenl’airàbordde­Zero-G,comptez 6 000 euros pour cinq minutes en ape-

santeur. “Certains économisen­t pendant des années pour vivre cette expérience,

confie le président de Novespace. Nous accueillon­s parfois des millionnai­res qui ont décroché leur billet pour l’espace et qui s’apprêtent à embarquer dans une navette Virgin Galactic, la société de tourisme spatial de Richard Branson.” Voilà quelques années, le Français a même coaché l’acteur américain Tom Cruise sur le tournage de La momie. L’une des scènes d’action du film a été réalisée en apesanteur, sans trucage, à bord de l’Airbus Zero-G, dans le ciel de Mérignac, le fief de Novespace, près de Bordeaux.

L’idole de Pesquet. Le ciel n’a d’ailleurs plus beaucoup de secrets pour cet ex-spationaut­e, expert en robotique spatiale et fin connaisseu­r des logiciels de navigation. Les multiples missions qu’il a effectuées pourl’Agencespat­iale européenne et la Nasa, tout comme ses interventi­onssurMir et Soyouz, la station orbitale et le vaisseau spatial russes, font de ce quasi-sexagénair­e une icône pour les nouvelles génération­s. “Jean-François est un modèle pour Thomas Pesquet, le Français qui a passé cent quatre-vingtseize jours à bord de la Station spatiale internatio­nale (ISS – NDLR) en orbite terrestre”,confirmeYv­es Gourinat, professeur à Supaero, qui côtoie l’ex-spationaut­e depuis une trentaine d’années.

De tempéramen­t joueur et enthousias­te, Jean-François Clervoy a toujours été fasciné par les objets volants. “C’est jouissif de pouvoir déplacer une machine à l’aide d’une simple commande”, confie ce fan d’engins télécomman­dés et de cerfs-volants. Mais c’est encore plus excitant de se propulser soi-même dans l’espace. Un rêve de gamin qu’il a eu l’audace de concrétise­r dans les années 90, en décollant à trois reprises à bord des navettes américaine­s Atlantis et Discovery. Durant les vingt-huit jours qu’il aura passés dans le cosmos au cours de sa vie, Jean-François Clervoy a dû faire preuve

d’une condition physique et mentale à toute épreuve. “Les missions à bord d’une navette sont plus intenses qu’un séjour à bord d’ISS”, explique-t-il. Elles sont aussi très dangereuse­s, comme le rappellent les crashs de Challenger, en 1986, et de Columbia, en 2003, qui coûtèrent la vie aux quatorze passagers.

Sous la mer comme sur la Lune. Comme tous ceux qui ont eu la chance de tutoyer les étoiles, Jean-François Clervoy est passé à travers les mailles d’une sélection impitoyabl­e, grâce à des compétence­s hors du commun. Outre son bagage d’ingénieur aérospatia­l, ce fils de pilote de chasse possède les brevets de plongeur sous-marin, de parachutis­te et de pilote privé. Aujourd’hui encore, il lui arrive de plonger en scaphandre dans les criques des îles du Frioul, au large de Marseille… pour revivre les sensations éprouvées dans l’espace. “Ces fonds marins ressemblen­t à la surface de la Lune, expliquet-il. Et comme en profondeur les poids sont divisés par six, c’est un excellent moyen de simuler l’exploratio­n de l’étoile du soir.” À

59 ans, ce fan de 2001, l’Odyssée de l’espace reste fasciné comme au premier jour par les mystères de la voie lactée, continue de s’émouvoir devant chaque décollage de fusée et ne se lasse pas d’égrener ses souvenirs. Le plus beau ? Cette mission de ravitaille­ment de ses collègues, isolés dans la station Mir. “C’est comme si j’avais retrouvé de vieux copains perdus au milieu du désert”, racontet-il. Il se rappelle aussi la délicate réparation du puissant télescope spatial Hubble et, surtout, des images de la Terre gravées à jamais dans son esprit. “Depuis la navette spatiale ou la station Mir, on passait en quelques minutes des glaciers aux déserts et aux forêts tropicales. Je contemplai­s la poésie de la nature, les couleurs turquoise du phytoplanc­ton, les aurores boréales, évoque-t-il. Vus de làhaut, même les ouragans sont beaux !”

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Jean-François Clervoy, qui a passé vingt-huit jours dans le cosmos, ne se lasse pas des sensations éprouvées lors d’un vol paraboliqu­e.

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