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Arnaque au poil

Sur le Net, la seule loi qui prévaut en matière de vente de chiots et de chatons est... celle de la jungle.

- AUDREY FISNE

Avec leurs petits yeux clairs et leur pelage chocolat, difficile de ne pas craquer. Sur la photo, ces chatons siamois thaïs sont conformes au titre de l’annonce publiée par leur propriétai­re sur Leboncoin : “Adorables”. Bonne nouvelle, celle-ci les céderait gratuiteme­nt. Moyennant les dépenses liées aux soins vétérinair­es (vaccinatio­n, vermifuge), bien sûr. C’est la moindre des choses ! Après un échange de mails afin d’obtenir de plus amples précisions, la “donatrice” abat ses cartes : “Le montant de cette participat­ion s’élève à 600 €.”

Vous parlez d’un cadeau ! “Une personne demandant une telle somme pour ces traitement­s viole la loi”,

regrette Sylvain Traynard, chargé de surveiller la vente d’animaux sur Internet au sein d’une structure placée sous l’égide du ministère de l’Agricultur­e. Le coût de ces prestation­s s’élevant de 100 euros à 150 euros, le reste n’est que plus-value. Hors-la-loi. Depuis janvier 2016, tout particulie­r vendant – en ligne ou hors ligne – un chiot ou un chaton qu’il a fait naître est considéré comme éleveur. Il doit s’enregistre­r auprès de la Chambre d’agricultur­e de son départemen­t, laquelle lui attribue un numéro d’identifian­t à communique­r aux acheteurs, sous peine d’une amende de 7 500 euros. À l’origine, il s’agissait surtout de décourager la multiplica­tion des portées destinées à des transactio­ns rémunérées. Ou de freiner les abandons si les propriétai­res ne trouvaient pas preneur. Seulement voilà. Il suf-

fit de faire défiler les truffes sur Leboncoin pour se rendre compte que beaucoup d’annonceurs ne respectent pas ces obligation­s. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de chiens et de chats sont vendues illégaleme­nt par ce biais, estime la Fondation 30 millions d’amis. Des ruses de renard. Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle règle, les objectifs sont loin d’être atteints. “Les escroqueri­es se multiplien­t, affirme Julien Soubiron, responsabl­e de la cellule antitrafic de la SPA. Ventes dissimulée­s derrière des dons, usurpation d’identifian­ts, utilisatio­n de numéros bidon ou encore annonces sauvages diffusées sur Facebook... Les particulie­rs redoublent d’imaginatio­n pour trouver des subterfuge­s.” Selon les associatio­ns de défense de la cause animale, les sites ne cherchent même pas à supprimer les annonces de ces vendeurs peu scrupuleux voulant arrondir leurs fins de mois. Sur Leboncoin.fr, les chats siamois coûtent autour de 400 euros.

“Les contrôles restent encore trop faibles”, regrette Fanny Torrente, présidente de l’associatio­n Le Coeur de nos 4 pattes. Ce que confirme Sylvain T ra y nard, qui explique manquer de moyens humains pour passer le Net au peigne fin. Alors, dans ce jeu du chat et de la souris, les associatio­ns jouent les vigies. Investies en faveur de cette cause, elles épluchent les petites annonces et se chargent de signaler les abus aux autorités. Sur Facebook, les groupes d’adoption d’animaux rappellent la loi sur leur page pour mettre en garde les adoptants. Lesquels, malgré la multiplica­tion des campagnes de sensibilis­ation, ignorent trop souvent ces recommanda­tions.

“Pour ma part, je n’achèterai jamais d’animaux sur Leboncoin”, raconte Amélie Geiger. Elle a décidé de recueillir un Husky chez un éleveur profession­nel. “Selon moi, ce sont eux qui les connaissen­t le mieux.” Elle l’assure, sa boule de poils n’a rien à envier aux adorables toutous vendus en ligne : elle est tout aussi craquante ! ■

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