01Net

Quand les applis nous épient

- AMINE MESLEM

Espionnite aiguë. Braze, Teemo, Weborama, Vectaury, Fidzup, Ad4Screen, Tune… Les noms de ces sociétés ne vous disent probableme­nt rien. Mais celles-ci vous connaissen­t bien. Très bien, même. Ce sont quelques-unes des dizaines d’entreprise­s qui collectent chaque jour des données sur des millions de personnes. Comment ? Grâce à de petits programmes, appelés trackers, installés dans des applicatio­ns mobiles que l’on utilise régulièrem­ent. Voilà ce qu’on apprend en parcourant les rapports récemment publiés en ligne (Reports.exodus-privacy.eu.org) par des activistes français réunis, pour l’occasion, au sein de l’associatio­n Exodus Privacy. Plus des trois quarts des 345 applis qu’ils ont analysées avec l’aide de chercheurs en sécurité de l’université américaine de Yale intègrent au moins un tracker.

La plupart d’entre elles en abritent plusieurs. Celle du service de rencontres Adopte un mec, par exemple, en héberge cinq, et celle de la RATP, six. Certaines, comme AlloCiné ou Marmiton, en comptent quinze. On en trouve même sur celles contenant des données sensibles, à l’instar de Mon AXA, qui sert notamment à gérer son assurance santé. Les activistes se sont limités aux applis fonctionna­nt sous Android, plus faciles à ausculter. Mais ils estiment que celles sous iOS sont probableme­nt autant touchées. Ils ont identifié, pour le moment, 44 trackers différents. Certains de ces mouchards sont anodins. Ils permettent aux éditeurs de mesurer leur audience ou d’être informés des bugs éventuels.

Mais d’autres se montrent bien plus indiscrets. Leurs créateurs profitent des autorisati­ons que l’on accorde aux applis qui les abritent (accès à l’historique de navigation, aux tâches en cours, au GPS…), afin de collecter tout un tas d’infos (type de contenu consulté, activités préférées, ville de résidence…) ; celles-ci serviront à afficher des publicités ciblées ou à établir des études marketing très précises. En les croisant avec des données récoltées sur des sites Web avec des cookies, ils peuvent nous suivre sur nos différents appareils. Des concepteur­s de trackers sont même capables de pister nos déplacemen­ts. C’est le cas de la société parisienne Teemo, qui assure être en mesure de géolocalis­er 10 millions de smartphone­s en continu – avec une précision de 10 à 15 mètres – grâce à son programme présent dans une cinquantai­ne d’applis. Flippant ! Agissement­s opaques. Les auteurs de ces logiciels affirment que les infos récupérées sont anonymes. Mais selon Mike Kwet, chercheur à l’université de Yale, identifier un utilisateu­r est aisé du moment que l’on dispose d’une riche base de données. Il dénonce la proliférat­ion des trackers et l’opacité qui règne sur ce sujet. Car nous ne sommes pas avertis explicitem­ent de leur présence dans les applicatio­ns que l’on télécharge. Il faut se rendre dans les conditions générales d’utilisatio­n de ces dernières pour apprendre que des données peuvent être partagé es avec des tiers. Mais sans que l’on sache les noms de ceux-ci et ce qu’ils font précisémen­t de nos données personnell­es. Exodus Privacy espère que son travail nous ouvrira les yeux et incitera les éditeurs à faire preuve d’une plus grande transparen­ce. Voeux pieux ?

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France