Et voilà que les capteurs nous font les yeux doux
Aujourd’hui, la biométrie mesure nos émotions. Demain, elle dictera nos affects.
Connaissez-vous la dernière “révolution” Apple, la fonctionnalité qui amuse les utilisateurs du nouvel iPhone X ? À l’aide de filtres animés, elle consiste à appliquer sur le visage un masque de lapin, de panda ou de tout autre petit animal. Ce selfie animoji – c’est son nom – reproduit vos mimiques à la grimace près. Et emprunte votre voix dans des vidéos amusantes de quelques secondes que l’on peut s’envoyer par SMS. Cette prouesse, qui marie technologie et anthropomorphisme, est rendue possible grâce à une caméra TrueDepth. Il s’agit d’un capteur biométrique capable de cartographier votre visage à l’aide de 30 000 points invisibles (commissures des lèvres, yeux…) projetés sur celui-ci. Tout comme le font les systèmes de détection utilisés dans les aéroports pour assurer les contrôles d’identité. Sauf qu’ici, ces technologies d’authentification servent des desseins autrement plus futiles.
Intimité connectée... Avant, la biométrie était un truc de policiers, d’agents de sécurité, d’ingénieurs. De scientifiques supersérieux, aussi, occupés à fabriquer des machines imposantes devant lesquelles il faut, en général, montrer papatte blanche sous peine de finir au poste. Aujourd’hui, ces mécanismes se font plus discrets et se nichent dans nos objets familiers. L’empreinte du pouce sert déjà à déverrouiller nombre de doudous-smartphones. Siri, système de reconnaissance vocale, vous parle. Les objets connectés, montres et bracelets, fonctionnent aussi à partir de nos caractéristiques physiques, de nos pulsions cardiaques ou de la température du corps. Depuis l’apparition du Like et des émojis, le Web est désormais affectif. Avec le développement de ces interfaces, la biométrie suit le même chemin, devenant émotionnelle. L’expression neutre de la photo de votre passeport est has been.
... et émotions déchiffrées. Tristesse, colère, joie, dégoût, mais aussi peur et surprise. L’analyse automatisée des pixels sur une image nous classe désormais selon une grille simple, réduite à six émotions universelles. De nos affects digitalisés ainsi mesurés, les marchands du temple vont tirer profit. À tel point que l’on parle aujourd’hui de “capitalisme affectif numérique”. Prenez le constructeur automobile Bentley. Il cherche à traduire les expressions faciales des utilisateurs de son appli iPad via la caméra frontale. Objectif : détecter le modèle le plus adapté à ses acheteurs selon leurs réactions à des images. L’assureur santé américain Aetna, lui, offre une prime annuelle de 500 dollars à ses employés qui soignent leur productivité en enchaînant au moins 20 nuits de sept heures de sommeil sur la foi de leur bracelet Fitbit. Dans certaines villes, Uber propose de filmer les clients pour vérifier