À LA RECHERCHE DE L’ÉNERGIE DU FUTUR
Aujourd’hui, nos batteries rechargeables intègrent la technologie lithium-ion. Mais face à ce choix par défaut, des scientifiques travaillent sur des solutions alternatives. Quatre d’entre elles semblent prometteuses.
C’est le talon d’Achille du high-tech. Alors que la performance de nos processeurs double tous les dix-huit mois, la densité énergétique de nos batteries, elle, augmente à peine de 5 % chaque année. Améliorer leurs rendements relève du défi. Depuis 1991 et sa promotion par Sony, le lithium s’est imposé sous sa forme ionique grâce à sa forte densité énergétique, qui fait encore de la batterie lithium-ion la moins mauvaise option pour alimenter nos smartphones, nos ordinateurs et mêmes nos voitures électriques. Las, ce composant présente aussi de nombreux inconvénients, à commencer par sa grande sensibilité aux variations de température. À zéro degré, un accumulateur lithium-ion perd environ 30 % de sa capacité. À l’inverse, en cas de surchauffe, gare à l’emballement ! Le lithium est très inflammable, comme l’ont rappelé les récentes explosions de mobiles Samsung ou celles, un peu plus anciennes, de portables Apple. Pour réduire les risques, les fabricants intègrent divers dispositifs qui limitent d’autant la quantité d’énergie stockée. Et obligent l’utilisateur à multiplier les recharges.
La fin du lithium ?
Une des pistes envisagées pour lever ces contraintes consisterait à remplacer ce métal alcalin par un autre. Soutenue par des chercheurs du CNRS et du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), la start-up amiénoise Tiamat prévoit ainsi de démarrer la production de batteries au sodium d’ici à 2020. Mille fois plus abondant sur Terre, cet élément minéral, présent dans le sel de mer, contribuerait à allonger l’espérance de vie des batteries jusqu’à dix ans. Seul hic, ces dernières seraient trop massives pour nos téléphones ou nos ordinateurs. Elles devraient donc être réservées aux voitures électriques, avec l’ambition d’augmenter leur autonomie d’au moins 200 kilomètres. La liste des successeurs potentiels du lithium ne s’arrête pas là. Parmi eux, figurent le magnésium ou même... l’oxygène ! Mis au point au MIT, cet accumulateur à oxygène pourrait, d’après ses concepteurs, stocker de l’électricité pour un coût de production cinq fois moindre qu’un accu au lithium. Autre matériau prometteur, le graphène, dérivé cristallin du graphite. Un brevet récemment déposé par Samsung promet une autonomie deux fois supérieure aux modèles actuels, pour un temps de charge divisé par cinq. Nos portables se rechargeraient en moins de vingt minutes et offriraient une autonomie de quarante-huit heures au minimum.
LE DÉFI à relever : AMÉLIORER LE RENDEMENT ET L’AUTONOMIE des accus
Du liquide au solide
Pour d’autres scientifiques, se passer de lithium n’est pas la priorité. Selon eux, le progrès passe par la solidification de l’électrolyte, c’està-dire de la substance qui transporte l’électricité. Dans les accus traditionnels, celle-ci est constituée de lithium liquide ou gélifié. Nombre d’experts proposent de la remplacer par un composé de céramique, de polymère ou de verre, conçu à base de lithium. Non seulement le risque d’explosion disparaît, mais, d’après les spécialistes, ces batteries dites solides offriraient aussi une densité énergétique deux à trois fois supérieure aux modèles lithium ion habituels. En exploitant cette
innovation, le constructeur californien de voitures électriques Fisker vient ainsi de déposer un brevet pour un accumulateur capable de faire le plein d’une berline électrique en une minute, tout en conférant au véhicule une autonomie de 800 kilomètres ! À titre de comparaison, il faut environ deux heures et demie pour remplir le réservoir de la Renault Zoé, dotée d’une endurance de 400 kilomètres…
La superpuissance à la clé
À l’avenir, l’autonomie de nos portables et de nos voitures devrait aussi passer par les supercondensateurs, un nouveau dispositif de stockage de l’énergie électrique basé sur des nanotechnologies. La start-up française Nawatechnologies est l’une des pionnières dans ce domaine. Grâce à leurs électrodes en nanotube de carbone, les batteries hyperpuissantes inventées par ses ingénieurs se rechargeraient mille fois plus vite qu’un modèle classique, de quoi faire un plein en quelques secondes. En plus, leur longévité serait décuplée jusqu’à une vingtaine d’années. Malgré ces qualités, ces condensateurs souffrent d’une grosse lacune : la quantité d’énergie qu’ils parviennent aujourd’hui à conserver reste très inférieure à ce que les batteries lithium-ion actuelles sont en mesure d’ingérer. En attendant que les équipes de chercheurs parviennent à lever ces obstacles, la complémentarité des deux technologies est déjà un progrès. Les batteries s’utilisent pour des applications qui demandent beaucoup d’énergie, mais peu de puissance, à l’inverse des supercondensateurs, intéressants, eux, dans les transports. Lorsqu’un véhicule freine, par exemple, l’excès d’énergie peut ainsi être stocké dans ce type de condensateur, puis se décharger lors du démarrage.
Des ondes à récupérer
Mais une invention nous fera peutêtre oublier ces encombrants accumulateurs. Cet été, six scientifiques de l’université de Washington ont mis au point le premier téléphone portable sans batterie. Ce prototype se recharge grâce aux ondes électromagnétiques émises par les équipements électroniques situés à proximité ou par la lumière du jour. Pour l’instant, l’appareil est assez sommaire, puisqu’il se résume à un circuit imprimé doté d’un clavier, d’un micro, d’un haut-parleur et d’une photodiode afin de capter la lumière ambiante. Mais ces Géo Trouvetou prévoient d’y intégrer un écran. Et leur projet semble suffisamment sérieux pour que Google ait décidé de financer leurs recherches… ■