FACE À BIG BROTHER, L’ONCLE SAM FAIT DE LA RÉSISTANCE
Comment échapper à l’État de surveillance ? Des citoyens ne manquent ni d’ingéniosité ni d’audace pour défendre leur droit à la vie privée.
Voilà quelques années, les partisans de l’Electronic Privacy Information Center, une organisation de recherche et de défense des citoyens située à Washington, s’étaient élevés contre l’instauration d’un nouveau passeport électronique aux États-Unis. Pourvue d’une puce RFID, la précieuse pièce d’identité était lisible à distance. Les militants craignaient de se la faire siphonner par des hackers. Ils ont donc distribué dans la rue des “protecteurs de passeports personnels”, des petites housses constituées d’un sac en plastique et de papier d’aluminium pour emballer le document et le rendre “invisible”. Suite à cette opération, les pouvoirs publics ont amélioré la sécurité de leur dispositif. Objectif : garantir que le passeport soit visible aux seules personnes spécialisées.
Nus à la vue de tous. Quelques années plus tard, lorsque la Transportation Security Administration (TSA) a adopté les scanners corporels dans les aéroports américains, d’autres activistes anti-Big Brother ont protesté contre cette innovation qui les déshabillait sur des écrans de contrôle, quasi à la vue de tous. Malicieux, ils avaient recopié sur leurs sous-vêtements le quatrième amendement de la Constitution, garant du respect de la vie privée, avec une peinture lisible par tous les appareils. Sous leur pression, la TSA avait installé les écrans de contrôle à l’abri des regards indiscrets, dans des salles accessibles aux seuls agents assermentés.
Depuis, Big Brother a pris sa revanche. Ses caméras de surveillance ont envahi nos cités, ses essaims de drones bourdonnent au-dessus de nos têtes. Mais les rebelles américains n’ont pas abandonné la partie… ■
plus grand nombre, pour armer les citoyens contre l’État de surveillance. Avec CV Dazzle, l’une de ses premières créations, Adam Harvey propose de nous façonner un “antivisage”, qui brouille nos traits dans le but d’affoler les algorithmes de reconnaissance faciale. Sa méthode mêle maquillage et techniques de camouflage héritées de la Première Guerre mondiale. Avec Stealth Wear, en 2013, il a inventé le vêtement “furtif ”. Son sweat à capuche, son hijab et sa burqa sont composés d’un tissu plaqué d’argent qui retient la chaleur pour nous rendre invisible aux détecteurs thermiques utilisés par les drones. Se jouer de la technologie. En bon geek, Adam Harvey a aussi conçu un dispositif, baptisé SkyLift, qui autorise n’importe qui à berner son opérateur, en brouillant les données de géolocalisation de son téléphone. On peut ainsi faire croire que l’on est à Paris, alors que l’on se balade à Bruxelles. “Protéger sa vie privée ne consiste pas uniquement à se cacher, explique l’artiste. Il faut trouver des moyens créatifs de disparaître, mais aussi d’apparaître dans le monde numérique, et de s’exposer.” C’est dans cette optique qu’il a eu l’idée de son dernier projet, HyperFace. Cette fois, il s’agit d’aveugler l’intelligence artificielle des caméras de vidéosurveillance en les abreuvant d’informations contradictoires, et donc impossibles à traiter. Pour cela, Adam Harvey a imaginé de plaquer des motifs de visages sur ses vêtements. Incapables de différencier une vraie figure d’un dessin, les ordinateurs surchauffent, perdent la boule… Pendant ce temps-là, Adam poursuit son chemin. Incognito. ■