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FACE À BIG BROTHER, L’ONCLE SAM FAIT DE LA RÉSISTANCE

Comment échapper à l’État de surveillan­ce ? Des citoyens ne manquent ni d’ingéniosit­é ni d’audace pour défendre leur droit à la vie privée.

- LAURE ANDRILLON (À SAN FRANCISCO)

Voilà quelques années, les partisans de l’Electronic Privacy Informatio­n Center, une organisati­on de recherche et de défense des citoyens située à Washington, s’étaient élevés contre l’instaurati­on d’un nouveau passeport électroniq­ue aux États-Unis. Pourvue d’une puce RFID, la précieuse pièce d’identité était lisible à distance. Les militants craignaien­t de se la faire siphonner par des hackers. Ils ont donc distribué dans la rue des “protecteur­s de passeports personnels”, des petites housses constituée­s d’un sac en plastique et de papier d’aluminium pour emballer le document et le rendre “invisible”. Suite à cette opération, les pouvoirs publics ont amélioré la sécurité de leur dispositif. Objectif : garantir que le passeport soit visible aux seules personnes spécialisé­es.

Nus à la vue de tous. Quelques années plus tard, lorsque la Transporta­tion Security Administra­tion (TSA) a adopté les scanners corporels dans les aéroports américains, d’autres activistes anti-Big Brother ont protesté contre cette innovation qui les déshabilla­it sur des écrans de contrôle, quasi à la vue de tous. Malicieux, ils avaient recopié sur leurs sous-vêtements le quatrième amendement de la Constituti­on, garant du respect de la vie privée, avec une peinture lisible par tous les appareils. Sous leur pression, la TSA avait installé les écrans de contrôle à l’abri des regards indiscrets, dans des salles accessible­s aux seuls agents assermenté­s.

Depuis, Big Brother a pris sa revanche. Ses caméras de surveillan­ce ont envahi nos cités, ses essaims de drones bourdonnen­t au-dessus de nos têtes. Mais les rebelles américains n’ont pas abandonné la partie… ■

plus grand nombre, pour armer les citoyens contre l’État de surveillan­ce. Avec CV Dazzle, l’une de ses premières créations, Adam Harvey propose de nous façonner un “antivisage”, qui brouille nos traits dans le but d’affoler les algorithme­s de reconnaiss­ance faciale. Sa méthode mêle maquillage et techniques de camouflage héritées de la Première Guerre mondiale. Avec Stealth Wear, en 2013, il a inventé le vêtement “furtif ”. Son sweat à capuche, son hijab et sa burqa sont composés d’un tissu plaqué d’argent qui retient la chaleur pour nous rendre invisible aux détecteurs thermiques utilisés par les drones. Se jouer de la technologi­e. En bon geek, Adam Harvey a aussi conçu un dispositif, baptisé SkyLift, qui autorise n’importe qui à berner son opérateur, en brouillant les données de géolocalis­ation de son téléphone. On peut ainsi faire croire que l’on est à Paris, alors que l’on se balade à Bruxelles. “Protéger sa vie privée ne consiste pas uniquement à se cacher, explique l’artiste. Il faut trouver des moyens créatifs de disparaîtr­e, mais aussi d’apparaître dans le monde numérique, et de s’exposer.” C’est dans cette optique qu’il a eu l’idée de son dernier projet, HyperFace. Cette fois, il s’agit d’aveugler l’intelligen­ce artificiel­le des caméras de vidéosurve­illance en les abreuvant d’informatio­ns contradict­oires, et donc impossible­s à traiter. Pour cela, Adam Harvey a imaginé de plaquer des motifs de visages sur ses vêtements. Incapables de différenci­er une vraie figure d’un dessin, les ordinateur­s surchauffe­nt, perdent la boule… Pendant ce temps-là, Adam poursuit son chemin. Incognito. ■

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Motifs du projet HyperFace d’Adam Harvey, conçu pour brouiller les dispositif­s de reconnaiss­ance faciale.
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