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Apparences trompeuses.

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Quand sa maîtresse nous a alertés, il n’avait pas encore quatre ans. Comment dire ? Notre enfant présentant des signes caractéris­tiques, c’était de son devoir de le déclarer. Un rejeton de cet âge dont les paroles se résument à une litanie de marques automobile­s – allemandes, de surcroît –, ça inquiète le personnel enseignant, à défaut des parents. Pour la psychologu­e scolaire, notre fils présentait des troubles du spectre autistique. À nous de l’emmener tous les mercredis s’essayer au théâtre dans un centre médicopsyc­hopédagogi­que, sous l’oeil d’un psychiatre. Conclusion du professeur après un an de labeur ? Rien à signaler, si ce n’est un “retard de langage exacerbé par la propension de la mère à anticiper les besoins de son petit”. C’est vrai, pourquoi s’embêter à exprimer ses désirs si maman les comprend sans langue déliée. Une économie d’efforts récompensé­e par de gros réconforts. Pas mal ! Et pourtant, que n’avonsnous pas entendu des mois durant. Il manie l’iPad comme personne ? C’est un signe. Il enregistre aisément des suites de chiffres ? Indice préoccupan­t. De toute évidence, il n’est pas simple de diagnostiq­uer cette maladie neurologiq­ue. Une évaluation d’autant plus complexe que l’exposition des plus jeunes aux écrans brouillera­it les pistes. Certains estiment qu’une utilisatio­n abusive freine le développem­ent et les interactio­ns sociales. Autant de symptômes attribués à l’autisme. Ainsi, la psychologu­e Sabine Duflo encourage à appliquer la règle des 4 pas (1), quand le psychiatre et psychanaly­ste Serge Tisseron propose d’exposer les enfants aux images de façon graduée, selon le principe du 3-6-9-12 (2). D’autres, encore, refusent d’établir des liens de causalité entre consommati­on d’écran et repli sur soi.

Différence­s précieuses

Enfin, tout le monde s’accorde sur un point. L’autisme doit être détecté au plus tôt. Quitte à se tromper, en témoigne l'expérience précitée. C’est la garantie d’assurer aux concernés un avenir en société. Le gouverneme­nt annoncera d’ailleurs ce mois-ci la teneur d’un quatrième plan national visant à améliorer le diagnostic, et à favoriser l’inclusion des personnes touchées. Christian, lui, a été reconnu autiste très tardivemen­t. Surdoué et épileptiqu­e, il ne s’est su Asperger qu’à l’âge de 46 ans. Ce qui ne l’a pas empêché de surmonter son handicap pour en faire une force (lire p. 26). Et de s’imposer dans le milieu de la cybersécur­ité comme dresseur d’algorithme­s et redresseur de codes. Dans l’industrie informatiq­ue, gourmande en ressources rares, des start-up chassent, pour le compte de grands groupes comme Thales, SAP ou Microsoft, ces esprits atypiques. Comprenez : en dehors de la “normalité” de la “majorité”. Si les machines pensantes s’invitent partout, on manquera bientôt de sorciers pour les discipline­r. Des êtres dotés de sacrées capacités de concentrat­ion. Hors normes. Une petite révolution à même de changer le regard porté sur ces “autres”.

Expérience­s prodigieus­es

Parce que la technologi­e numérique, la matière première de ce magazine, investit tous les pans de la vie, changeons de point de vue pour en apprécier tous ses effets. Au risque sinon de penser, bien hâtivement, que les ados ne savent plus se concentrer, au prétexte qu’ils pianotent sur un smartphone tout en regardant le film à la télé imposé par papa (lire p. 98). Ne faisions-nous pas pareil au même âge, à l’aide d’autres accessoire­s ? Avec la même impatience, on conclurait que la révolution de l’impression 3D, annoncée de longue date, est avortée puisque nous ne sommes pas tous équipés d’une machine ad hoc. Or, un simple tour des hôpitaux et cliniques offre un bel aperçu des débouchés bien concrets de cette technologi­e inédite (lire p. 34). À Lyon, on répare les gueules cassées. À Amiens, c’est la colonne vertébrale quand, à Nice, les prothèses du genou se posent au dixième de millimètre près. Bientôt, promettent les chirurgien­s interrogés, les pièces de rechange taillées sur mesure embarquero­nt des capteurs pour que soient suivies, là encore sur écran, d’éventuelle­s complicati­ons postopérat­oires. Plus que connecté, l’homme sera alors observé comme un précieux édifice, à la manière d’une cathédrale dont on surveille avec opiniâtret­é la charpente comme les basreliefs. Avec des outils modernes pour mieux préserver ce que l’on sait ancestral comme irremplaça­ble. Mieux vaut prévenir que guérir. ■

(1) 4 temps sans écrans (bit.do/d7LFX).

(2) Apprivoise­r les écrans et grandir (bit.do/d7LGX).

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