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Free va-t-il faire plier Netflix ?

- AMINE MESLEM

Les tuyaux de la discorde. “Impossible de visionner une série à 21 heures.” “L’image est dégueulass­e, le son est pourri.” “Trois minutes de chargement pour cinq minutes de film, je craque !”… Les lamentatio­ns d’abonnés de Free se multiplien­t sur les réseaux sociaux et les forums spécialisé­s. Nombre de clients du fournisseu­r d’accès à Internet (FAI) se plaignent de l’impossibil­ité de visionner normalemen­t les contenus de Netflix à certains moments, surtout en début de soirée. Et ce, même s’ils disposent de la fibre optique ou d’une liaison ADSL de qualité. L’indice de performanc­e publié par le site de streaming montre que le débit moyen de ses vidéos chez Free, aux heures de grande écoute, n’a cessé de se dégrader ces derniers mois pour descendre à 1,39 Mbit/s en janvier, alors que les autres FAI hexagonaux affichent entre 2,92 Mbit/s et 3,5 Mbit/s. Mais ni le groupe américain ni celui de Xavier Niel ne donnent d’explicatio­n sur la nature du problème.

D’après des spécialist­es des télécoms, ce silence cacherait une histoire de tuyaux et de gros sous. En effet, les flux de Netflix déboulent sur le réseau de Free via des points d’interconne­xion qui saturent aux heures de pointe. Il suffirait d’élargir leur bande passante pour faire sauter les bouchons. Le hic, c’est que l’opérateur considérer­ait que c’est au site de payer pour cela. Ce dernier proposerai­t une autre solution à travers son programme Open Connect : installer ses serveurs vidéo directemen­t sur le réseau du FAI. Mais celui-ci refuserait cette option sans contrepart­ie financière.

Les relations entre les deux acteurs n’ont jamais été au beau fixe. Free est d’ailleurs le seul des quatre grands opérateurs français à ne pas intégrer Netflix dans sa box, ses abonnés devant passer par une applicatio­n sur leur appareil mobile ou leur ordinateur. La mésentente a commencé dès 2014, date de l’arrivée de la société californie­nne en France. “Reprendre Netflix à ses conditions, comme cela a été fait par les uns et les autres, ça ne nous paraît pas être une bonne idée”, déclarait à l’époque Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad, la maison mère de Free. En effet, selon des chiffres communiqué­s officieuse­ment, le leader mondial de la vidéo à la demande par abonnement (SVoD) ne consentira­it à reverser aux opérateurs distribuan­t son service que 10 % des revenus générés par ses forfaits, contre 30 % en moyenne pour les autres services de SVoD.

Un conflit du même Un précédent avec Google. type avait opposé Free à Google il y a quelques années, empêchant des freenautes de regarder YouTube, propriété du géant du Net, dans de bonnes conditions. “Les tuyaux reliant Google et notre réseau sont engorgés à certaines heures, et chacun se renvoie la responsabi­lité de rajouter des tuyaux”, expliquait ainsi Xavier Niel début 2012. Les deux entreprise­s avaient fini par trouver un arrangemen­t en 2015. Si sa teneur est restée secrète, on avait néanmoins constaté que Free était le premier opérateur au monde à bénéficier d’Android TV. En intégrant ce système de Google dans sa nouvelle Freebox, la Mini 4K, le FAI économisai­t les frais de développem­ent d’une interface propriétai­re. Fort de cette expérience, le trublion des télécoms compte, vraisembla­blement, tenir tête à Netflix jusqu’à ce qu’il obtienne quelque chose en échange.

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