ELLE PASSE À L’ACTE
Mieux qu’un homme augmenté, l’impression 3D promet un homme réparé. De la tête aux pieds. Les dernières avancées en matière de fabrication d’outils chirurgicaux et d’implants sur mesure en apportent la preuve.
Sans l’impression en trois dimensions, Louis n’aurait jamais pu s’asseoir. Souffrant d’une grave scoliose évolutive et d’une maladie entraînant une importante faiblesse musculaire (l’amyotrophie spinale), ce jeune garçon de 6 ans ne pouvait échapper à une opération du dos. “Il fallait y fixer des tiges de croissance afin que son dos puisse se redresser progressivement, explique le professeur Richard Gouron, chef du service de chirurgie de l’enfant du CHU d’Amiens-Picardie. Problème, nous devions poser deux vis de 7 millimètres de diamètre dans des couloirs osseux larges... de 8 millimètres.” Une intervention a priori trop risquée. Et pourtant, elle a bien eu lieu, le 28 septembre dernier. Avec succès.
Et pour cause. Le jour J, chaque geste, nécessitant une précision extrême, avait déjà été répété plusieurs fois. Sur deux clones synthétiques de Louis, créés à partir d’un scanner de son corps. C’est le fabricant de modèles anatomiques français Creaplast, qui avait livré à l’hôpital ces mannequins en mousse imitant la texture des tissus humains. Ils renfermaient la réplique exacte de la colonne vertébrale du petit patient, imprimée en 3D. “Nous avons ainsi simulé l’opération dans les conditions du réel, avec le robot chirurgical Rosa, détaille le professeur Gouron. Ce qui nous a aussi servi à vérifier la compatibilité des implants avec la morphologie du patient.” Une première mondiale. Résultat, trois jours après sa sortie du bloc, le garçonnet a enfin retrouvé la position assise.
L’impression 3D n’en finit pas de trouver des débouchés dans le domaine médical. Avec, pour seule limite, l’imagination des chercheurs. “Elle fait désormais partie de notre arsenal thérapeutique”, confirme le professeur Narcisse Zwetyenga, chef du service de chirurgie maxillofaciale du CHU de Dijon. Lui l’utilise, entre autres, pour reconstruire des mâchoires ayant subi un traumatisme. C’est sous son impulsion que le centre hospitalier a acquis sa première imprimante en 2014. Suivie de trois autres. Le chirurgien reproduit ainsi les crânes de ses patients afin d’y étudier leur pathologie. Il imprime également des outils chirurgicaux adaptés à leurs caractéristiques. Des guides de coupe qui épousent parfaitement les formes des os devant être taillés.
Au dixième de millimètre près. “Comme nous sommes plus précis, nous passons moins de temps au bloc opératoire, souligne le professeur Narcisse Zwetyenga. Les zones d’intervention étant déjà étudiées et balisées, l’intervention dure environ une heure de moins.” Le patient, lui, y gagne des cicatrices plus discrètes et une anesthésie moins risquée, puisque beaucoup plus légère. Et surtout des implants parfaitement adaptés à sa structure osseuse, “au dixième de millimètre près lorsqu’ils sortent d’une imprimante laser plutôt que d’un modelage à main levée par le chirurgien”, précise, de son côté, le docteur Jean-Thomas Bachelet, chirurgien maxillo-facial à l’hôpital de la CroixRousse (CHU de Lyon).
De son côté, une équipe du CHU de Brest, en collaboration avec l’Inserm et l’IMT (Institut Mines-Télécom) Atlantique, travaille sur de minuscules capteurs, développés par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Grenoble. Capables de déceler un début d’infection ou un défaut mécanique, ils sont incorporés aux implants. Un projet de prothèse de genou connectée (baptisée FollowKnee) lancé à la fin janvier.
“L’idée, c’est qu’elle s’adapte à son hôte et non l’inverse, explique Axel Dubois, cofondateur de SLS France, l’entreprise bretonne en charge de leur fabrication. Et qu’elle aide à corriger les problèmes avant qu’ils ne surviennent.” En attendant d’arriver, un jour, à régénérer les os endommagés avec de la matière vivante ? C’est ce que laissent présager les recherches en cours en ce domaine.
“Le Graal de la chirurgie, confie Axel Dubois, sera l’impression d’organes complets. Mais pas avant une trentaine d’années.”
Seconde peau. En attendant, au CHU de Toulouse, on a quand même réussi à corriger le rétrécissement de la bronche – et donc des tissus – d’un greffé des poumons. Et ce, grâce à une prothèse trachéo-bronchique en silicone, façonnée à partir d’un moule du conduit respiratoire du patient, puis modélisée et imprimée en 3D d’après des images du scanner du malade. Encore une première mondiale ! Et dans les laboratoires de l’entreprise française de biotechnologie Poietis, on fabrique déjà de la peau. “Mais uniquement à des fins de tests cosmétologiques, précise Bruno Brisson, son cofondateur.
Cependant, un de nos axes de développement est d’arriver à produire des pansements cellulaires pour guérir plaies et brûlures d’ici trois à cinq ans.” Autant dire demain !
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