Chine, l’Empire contre-attaque
Dans le match qui les oppose aux Américains sur le terrain de la tech, les Chinois marquent de plus en plus de points. Ils ne se contentent plus d’imiter, ils innovent. Et étendent leur influence sur le monde.
Dans le match qui les oppose aux Américains sur le terrain de la tech, les Chinois marquent de plus en plus de points. Smartphones, e-commerce, applications… ils ne se contentent plus d’imiter, ils innovent. Et étendent leur influence sur le monde.
Entre la Chine et les ÉtatsUnis, c’est “Je t’aime, moi nonplus”.Danslafinance, leurs relations oscillent entre concurrence et dépendance ; en matière de politique internationale, on n’en parle même pas. La tech n’échappe pas à ce duel équivoque entre ces deux géants à l’appétit insatiable. Il faut dire que les enjeux économiques et d’influence culturelle sont à la hauteur de leur gigantisme respectif. Internet étant une invention américaine, les ÉtatsUnis sont partis à la conquête du monde avec une longueur d’avance. Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ont donné naissance à l’acronyme Gafam, qui symbolise leur
leur domination actuelle. Mais voilà que, venu du lointain Orient, surgit de l’ombre un néologisme encore plus barbare, celui de BATX. Il regroupe les équivalents chinois des géants américains, à savoir Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi. Suivant l’exemple des Gafam, ils ont entamé une bataille commerciale à l’extérieur de leurs frontières. Et espèrent bien damer le pion aux pionniers de l’Ouest américain. Sous influence californienne. Vous avez sans doute entendu parler d’eux, en particulier de la plateforme d’e-commerce Alibaba. Peut-être même avez-vous déjà craqué pour un gadget à prix dérisoire dégoté sur AliExpress, son bazar en ligne accessible en France. Si Tencent et Baidu restent encore très discrets à nos oreilles, Huawei (prononcer “wawé”) et Xiaomi (dites “chiaomi”) nous sont familiers. Ces marques de smartphones ont commencé à faire parler d’elles en 2015, rivalisant avec les fabricants d’alors. Posséder un mobile Made in China a même pu passer, chez certains consommateurs tricolores, pour un signe de distinction dans un monde uniformisé trusté par Apple et Samsung.
Et si, demain, la planète entière mangeait chinois ? Si, dans le match qui les oppose aux Américains, les sites et les constructeurs du Céleste empire parvenaient à avoir nos préférences ? Fortement inspirés par les gourous de la Silicon Valley (Jeff Bezos, Steve Jobs…), ces nouveaux empereurs n’ont de cesse de chercher à dépasser leurs maîtres californiens. Leur marché intérieur leur offre le terrain de jeu idéal pour parvenir à leurs fins. On compte en effet près de
772 millions de
Chinois connectés (la moitié du pays), soit l’équivalent de la population européenne. Ou le double du nombre d’internautes américains. Et presque autant à conquérir. Les entreprises locales n’ont qu’à se baisser pour cueillir les fleurs de la croissance.
D’autant qu’elles ont bénéficié d’un avantage concurrentiel considérable, plus fort que les quotas de sorties imposés par Pékin au cinéma hollywoodien. Le gouvernement a tout bonnement censuré l’accès à de nombreux sites étrangers, dont Google, Facebook ou Twitter. Une volonté de contrôle que les autorités du Parti communiste conjuguent allégrement avec un volontarisme politique pour stimuler l’émergence de champions du numérique locaux, notamment en intelligence artificielle, terrain de jeux aussi crucial que ne l’est la conquête spatiale. Le temps de l’émancipation.
Après leur période copiercoller des débuts, les Chinois innovent. Et s’ils s’inscrivent encore dans les pas des Américains, ces nouveaux conquérants commencent à s’émanciper. Chez nous, Huawei et Honor – sa marque low-cost – taquinent sérieusement les leaders du marché. En Asie du Sud-Est, mais aussi en Inde et en Russie – d’où Amazon est absent et où les circuits de distribution traditionnels sont à la peine – les plateformes d’e-commerce chinoises séduisent les consommateurs. Au rythme où vont les choses, grâce également à une utilisation sans vergogne de l’analyse des données clients, leur mainmise future sur notre vie numérique risque de faire passer l’actuelle domination des Google et consorts pour une aimable plaisanterie. ■
LES GÉANTS CHINOIS COMPTENT BIEN DAMER LE PION AUX GOUROUS DE LA SILICON VALLEY