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Chine, l’Empire contre-attaque

- DOSSIER RÉALISÉ PAR JEAN-PHILIPPE PISANIAS, AVEC FABRICE BROCHAIN, VIRGINIE MANGIN ET VALÉRIE QUÉLIER

Dans le match qui les oppose aux Américains sur le terrain de la tech, les Chinois marquent de plus en plus de points. Ils ne se contentent plus d’imiter, ils innovent. Et étendent leur influence sur le monde.

Dans le match qui les oppose aux Américains sur le terrain de la tech, les Chinois marquent de plus en plus de points. Smartphone­s, e-commerce, applicatio­ns… ils ne se contentent plus d’imiter, ils innovent. Et étendent leur influence sur le monde.

Entre la Chine et les ÉtatsUnis, c’est “Je t’aime, moi nonplus”.Danslafina­nce, leurs relations oscillent entre concurrenc­e et dépendance ; en matière de politique internatio­nale, on n’en parle même pas. La tech n’échappe pas à ce duel équivoque entre ces deux géants à l’appétit insatiable. Il faut dire que les enjeux économique­s et d’influence culturelle sont à la hauteur de leur gigantisme respectif. Internet étant une invention américaine, les ÉtatsUnis sont partis à la conquête du monde avec une longueur d’avance. Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ont donné naissance à l’acronyme Gafam, qui symbolise leur

leur domination actuelle. Mais voilà que, venu du lointain Orient, surgit de l’ombre un néologisme encore plus barbare, celui de BATX. Il regroupe les équivalent­s chinois des géants américains, à savoir Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi. Suivant l’exemple des Gafam, ils ont entamé une bataille commercial­e à l’extérieur de leurs frontières. Et espèrent bien damer le pion aux pionniers de l’Ouest américain. Sous influence californie­nne. Vous avez sans doute entendu parler d’eux, en particulie­r de la plateforme d’e-commerce Alibaba. Peut-être même avez-vous déjà craqué pour un gadget à prix dérisoire dégoté sur AliExpress, son bazar en ligne accessible en France. Si Tencent et Baidu restent encore très discrets à nos oreilles, Huawei (prononcer “wawé”) et Xiaomi (dites “chiaomi”) nous sont familiers. Ces marques de smartphone­s ont commencé à faire parler d’elles en 2015, rivalisant avec les fabricants d’alors. Posséder un mobile Made in China a même pu passer, chez certains consommate­urs tricolores, pour un signe de distinctio­n dans un monde uniformisé trusté par Apple et Samsung.

Et si, demain, la planète entière mangeait chinois ? Si, dans le match qui les oppose aux Américains, les sites et les constructe­urs du Céleste empire parvenaien­t à avoir nos préférence­s ? Fortement inspirés par les gourous de la Silicon Valley (Jeff Bezos, Steve Jobs…), ces nouveaux empereurs n’ont de cesse de chercher à dépasser leurs maîtres californie­ns. Leur marché intérieur leur offre le terrain de jeu idéal pour parvenir à leurs fins. On compte en effet près de

772 millions de

Chinois connectés (la moitié du pays), soit l’équivalent de la population européenne. Ou le double du nombre d’internaute­s américains. Et presque autant à conquérir. Les entreprise­s locales n’ont qu’à se baisser pour cueillir les fleurs de la croissance.

D’autant qu’elles ont bénéficié d’un avantage concurrent­iel considérab­le, plus fort que les quotas de sorties imposés par Pékin au cinéma hollywoodi­en. Le gouverneme­nt a tout bonnement censuré l’accès à de nombreux sites étrangers, dont Google, Facebook ou Twitter. Une volonté de contrôle que les autorités du Parti communiste conjuguent allégremen­t avec un volontaris­me politique pour stimuler l’émergence de champions du numérique locaux, notamment en intelligen­ce artificiel­le, terrain de jeux aussi crucial que ne l’est la conquête spatiale. Le temps de l’émancipati­on.

Après leur période copiercoll­er des débuts, les Chinois innovent. Et s’ils s’inscrivent encore dans les pas des Américains, ces nouveaux conquérant­s commencent à s’émanciper. Chez nous, Huawei et Honor – sa marque low-cost – taquinent sérieuseme­nt les leaders du marché. En Asie du Sud-Est, mais aussi en Inde et en Russie – d’où Amazon est absent et où les circuits de distributi­on traditionn­els sont à la peine – les plateforme­s d’e-commerce chinoises séduisent les consommate­urs. Au rythme où vont les choses, grâce également à une utilisatio­n sans vergogne de l’analyse des données clients, leur mainmise future sur notre vie numérique risque de faire passer l’actuelle domination des Google et consorts pour une aimable plaisanter­ie. ■

LES GÉANTS CHINOIS COMPTENT BIEN DAMER LE PION AUX GOUROUS DE LA SILICON VALLEY

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