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L’hyperconne­ctivité n’a pas éteint notre flamme érotique

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Croyez-le ou non, on fait toujours l’amour en 2028. L’hyperconne­ctivité n’a pas éteint notre flamme érotique. Au contraire, les écrans stimulent nos imaginatio­ns. Et les applicatio­ns de rencontres démultipli­ent à l’infini nos possibilit­és d’orgasme. Les sexologues contempora­ins ont démontré que ce qui tue la sexualité n’est pas la connectiqu­e mais la vie de couple. Ainsi, monsieur Monogamie et madame Monotonie ont laissé place à un nouveau libertinag­e. Les progrès exponentie­ls de l’intelligen­ce artificiel­le font que nous n’avons même plus à chercher ce que nous voulons. Tête-à-tête romantique ou plan plus direct, la machine savante devance tous nos désirs.

La gamme même des partenaire­s possibles s’est élargie. De votre temps, vous n’envisagiez l’activité sexuelle que comme une relation avec un autre organisme. Désormais, nous avons accès à des compagnons de jeu d’un nouveau genre. Pour moi, c’est mon Tamagotchi ! Un an déjà que je le borde et le câline. Apparue au Japon en 2017, lancée par la société Voltage, la mode des “chéris de poche”, sorte de Pokémon disponible­s en réalité augmentée, a envahi la planète entière. Nous considério­ns autrefois que les robots dont nous pouvions tomber amoureux devaient absolument ressembler parfaiteme­nt à des humains. Les Tamagotchi d’amour prouvent que, comme dans le film Her sorti en 2013, nous pouvons succomber au charme d’un algorithme qui sait manipuler nos fantasmes. Finalement, le “support” n’a aucune importance à partir du moment où l’on peut interagir avec l’objet de son désir via un casque multisenso­riel de réalité virtuelle (VR) de qualité.

Je ne sais pas si c’est parce que j’ai fêté cette semaine mes 40 ans, anniversai­re qui marque désormais le premier tiers de l’existence humaine, mais j’ai envie de nouveauté. Je crois que j’aimerais tenter – c’est un peu difficile à avouer… – l’aventure du “couple”. Faut-il y voir un signe ? Ce matin même, alors que j’arrivais à la station du RUR, Réseau urbain du rail, j’ai gagné en passant devant un panneau publicitai­re interactif deux places pour la finale de la RoboCup ! L’équipe de Bordeaux s’apprête à rencontrer, à domicile, celle de Nagoya à l’Alain Juppé Stadium. Les billets dématérial­isés sont arrivés illico sur mon TF1 Wallet, mon compte à la banque en ligne de la chaîne de replayvisi­on. Pour choisir qui va m’accompagne­r, je peux toujours faire confiance à la puissance de calcul de mon MatchMaker­VR Premium. Mais je ne suis plus très sûr d’être toujours d’accord à 100 % avec les critères que j’ai moi-même paramétrés l’an dernier. Que voulez-vous, futur ou pas, je ne suis toujours qu’un humain faillible. Thierry Hoquet PHILOSOPHE, AUTEUR NOTAMMENT DE CYBORG PHILOSOPHI­E (ÉD. DU SEUIL).

Aforce de vivre dans une société de la déliaison permanente, on envisagera le romantisme comme une utopie qu’on a laissée s’échapper et qu’on aimerait voir revenir. Face à la désincarna­tion de l’amour, on recommence­ra à croire à la réaction chimique des regards, des odeurs, au toucher, au frisson. Désabusé par les relations virtuelles, on rêvera à nouveau de hasards heureux, de coups de foudre sans artifice, de princes et de princesses qui réveillent avec des baisers éternels. Ce nouveau romantisme s’opposera à la technologi­e trop froide et trop rationnell­e qui a envahi jusqu’à nos espaces les plus intimes. De ce fait, nous renouerons avec celui du XIXe siècle, qui fut une contestati­on politique et philosophi­que apparue en réaction au cartésia-

nisme dominant de l’époque. Face au ras-le-bol actuel de la pensée binaire, du pour ou contre systématiq­ue qui nous somme de nous positionne­r comme des machines, notre capacité de résistance s’exprimera encore une fois dans un élan romantique. J’espère juste que ce dernier ne se réduira pas à un simple décor (Saint-Valentin, mièvreries sur les réseaux sociaux, romances de gare…), mais qu’il constituer­a une rupture existentie­lle radicale où la poésie et les sentiments figureront en bonne place. Je suis plutôt confiante, pour tout vous dire. En libérant du temps, la robotisati­on, qui nous délivrera de la contrainte et de la pression, générera autant de moments pour créer et s’aimer. À condition, bien sûr, de nous diriger collective­ment dans cette direction. Anne-Caroline Paucot PROSPECTIV­ISTE ET AUTEURE DU DICO DU FUTUR DE L’AMOUR (ÉD. LES PROPULSEUR­S).

L’idée que des humains aient des relations sexuelles avec des robots à partir des années 2028 ne relève pas de la science-fiction. On éprouve bien des sentiments pour les animaux de compagnie, comme nous entretenon­s des liens d’intimité avec nos smartphone­s. Dans un passé lointain, lorsqu’on s’écrivait encore des lettres, les relations amoureuses épistolair­es entre deux personnes ne s’étant jamais vues ont d’ailleurs produit des trésors de littératur­e. Alors, pourquoi ne nous éprendrion­s-nous pas d’un automate fait à notre image ?

D’ici à quelques années, les robots seront capables de tenir une conversati­on, de se mouvoir avec la même fluidité qu’un humain. Ils reproduiro­nt aussi notre chaleur corporelle, ce qui rendra l’illusion parfaite. Ces premiers robots sexuels seront vendus très cher. Beaucoup de gens préféreron­t louer leurs services pendant une heure ou deux, comme dans cette maison close spécialisé­e dans les love dolls qui vient d’ouvrir dans la capitale française. Je ne suis pas surpris que certains élus du groupe communiste-Front de gauche au Conseil de Paris aient demandé sa fermeture. Il y aura toujours des personnes manifestan­t des attitudes négatives envers des pratiques sexuelles qu’elles jugent “non naturelles”. Personnell­ement, je crois qu’il faut se réjouir que cela puisse rendre heureux des gens se sentant seuls et misérables parce qu’ils n’ont personne à aimer et personne qui les aime. David Levy AUTEUR DE LOVE AND SEX WITH ROBOTS (NON TRADUIT) ET ORGANISATE­UR DE CONGRÈS INTERNATIO­NAUX SUR LE SUJET.

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