Cinq bonnes raisons de lui dégonfler ses pneus
Magnat de la Food Tech, William Shu fait pédaler 35 000 livreurs de repas dans la mouise.
C’EST UN SUPPÔT DE LA FINANCE
Élevé dans le Connecticut, ce fils d’immigrés taïwanais durs à la tâche et âpres aux gains, a décroché son premier job chez Morgan Stanley à New York, puis à Londres comme banquier d’affaires. Puisqu’il bossait plus de soixantedix heures par semaine, son patron lui a accordé un budget quotidien de 25 $ pour se faire livrer ses dîners au bureau. Après ses journées à planifier des charrettes de licenciement dans les entreprises qu’il fusionnait, William Shu avait la dalle. Mais le Double Cheese ou les ailes de poulet commandés n’était jamais assez goûteux pour ses papilles de fine gueule.
SES CUISINES DE QUARTIER MENACENT LES ÉPICERIES
À Paris, où il dit avoir savouré les meilleurs hamburgers du monde, ce magnat de la Food Tech a lancé ses propres cuisines. Ici, pas de table, juste une dizaine de box loués à des marmitons, avec l’équipement pour mijoter de bons petits plats, prêts à être livrés. Les restaurateurs développent ainsi leur activité sans avoir à ouvrir leur établissement. En contrepartie, William Shu s’assure de leur fidélité exclusive, au détriment de ses rivaux Foodora et JustEat. Avec une autre idée en tête : “À terme, notre objectif est de concurrencer traiteurs et épiceries de quartier.”
CE TRENTENAIRE NOUS IMPOSERA BIENTÔT NOS REPAS
Resté proche du terrain, ce célibataire installé dans le quartier de Notting Hill, à Londres, enfourche souvent la bicyclette bleue de Deliveroo pour remettre lui-même les plats à ses clients. William Shu rêve de mieux les connaître et d’anticiper leurs goûts, avec l’apport de l’intelligence artificielle. Depuis qu’il a dépassé le million de commandes, il dispose d’une bonne base de données pour faire mouliner ses algorithmes. “D’ici cinq à dix ans, je devrais être capable de prédire ce que nos clients veulent manger, avant même qu’ils le sachent eux-mêmes”, assure-t-il.
IL FAIT PÉDALER 35 000 LIVREURS DANS LA MOUISE
C’est ce qui a poussé l’affamé du soir à lancer, avec un vieux copain geek, son service de livraison de repas, Deliveroo. Sa recette ? Peu de salariés, pas de syndicat. Il fait trimer 35 000 coursiers indépendants, qu’il paie à la course (moins de 6 $), pour récupérer les commandes dans les restaurants, puis les apporter en trente minutes, à vélo ou à scooter. Depuis qu’il a créé sa startup en 2013, William Shu a levé un milliard de dollars. Il couvre une douzaine de pays, dont la France, son deuxième marché derrière l’Angleterre. Dans l’Hexagone, il dessert une quarantaine de villes.
SON IDOLE PRÔNE LE CHÂTIMENT CORPOREL
William Shu est fasciné par Lee Kuan Yew, l’ex-Premier ministre de la République de Singapour, qui fit de son pays sous-développé un géant économique. Mais a-t-il oublié que son modèle prônait les vertus du châtiment corporel, à l’instar des coups de canne qu’il a lui-même reçus dans sa jeunesse ? “Je n’ai jamais compris pourquoi les éducateurs occidentaux étaient à ce point opposés à ces punitions”, s’étonnait le Singapourien. Hum, hum… Rassurez-nous Mister Shu, vous n’envisagez tout de même pas de fouetter vos coursiers s’ils livrent un repas froid, n’est-ce pas ?