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Les télécoms auront-elles la peau de la TNT ?

- AMINE MESLEM

Extinction souhaitée. Née il y a à peine treize ans, la télévision numérique terrestre (TNT) nous a apporté un plus grand nombre de chaînes, puis une meilleure qualité d’image grâce à la haute définition. Mais ses jours seraient d’ores et déjà comptés, selon l’Autorité de régulation des communicat­ions électroniq­ues et des postes (Arcep). Dans un rapport publié le 20 juin dernier, elle constate que les téléspecta­teurs délaissent l’antenne râteau au profit de leur box. D’après l’observatoi­re du Conseil supérieur de l’audiovisue­l (CSA), 55 % des foyers privilégie­nt désormais la réception via Internet, alors qu’ils n’étaient que 21,7 % en 2010. L’Autorité note que la diffusion hertzienne n’est pas adaptée aux modes de consommati­on actuels, comme le replay. Elle estime, par la voix de son président Sébastien Soriano, que sa fin prochaine est “inéluctabl­e”. Son souhait étant que les fréquences libérées – prisées pour leur capacité à mieux pénétrer dans les bâtiments et à couvrir de larges zones – soient attribuées aux opérateurs télécoms pour doper leurs réseaux mobiles, toujours plus sollicités.

Pour justifier l’abandon d’une technologi­e qui dessert gratuiteme­nt 97 % de la population, l’Arcep allègue le déploiemen­t du très haut débit fixe. L’État, en effet, s’est engagé à offrir une liaison supérieure à 30 mégabits par seconde à tous les Français, d’ici à 2022. Mais, cet objectif pourrait être retardé par des problèmes économique­s ou techniques, comme le montrent les difficulté­s d’approvisio­nnement en fibre optique rencontrée­s par les collectivi­tés territoria­les ( lire n° 889, p. 8). Et quid de ceux qui souhaitero­nt regarder la télé sans payer un forfait Internet ? Certes, des offres proposent un accès gratuit par satellite (Fransat et TNSAT), mais elles nécessiten­t l’achat d’une antenne paraboliqu­e et d’un décodeur. Par ailleurs, l’arrêt de la transmissi­on terrestre menacerait le financemen­t des oeuvres audiovisue­lles. Car les chaînes exploitent gracieusem­ent ce canal de diffusion, en échange d’un soutien massif à la production. Il y a bien un projet de directive européenne pour contraindr­e les nouveaux acteurs, comme Netflix, à participer à l’effort de création. “Mais si les fonds sont répartis entre les pays de l’Union européenne, on risque de n’avoir que des miettes”, craint Philippe Bailly, président du cabinet NPA, spécialisé dans l’économie des médias.

Enjeux financiers. Ces éléments font dire au CSA que le bon vieux râteau a encore de l’avenir. Mais l’Arcep est convaincu que le futur lui donnera raison. Les États-Unis ont déjà commencé à redistribu­er le spectre hertzien aux communicat­ions mobiles. “Cet arbitrage technologi­que risque de créer une pression sur les pays des autres régions”, pointe l’Autorité. Elle souligne que les fréquences empruntées par les chaînes TV ne rapportent rien à l’État ; sousentend­ant qu’elles pourraient être louées à prix d’or aux opérateurs télécoms. Si la loi réserve ces bandes radio à la télévision jusqu’en 2030, elle prévoit un rendez-vous en 2025 pour décider de leur futur. L’Arcep compte en profiter pour obtenir la fin de la TNT.

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