Après le tout-jetable, bientôt le tout-réparable ?
Indice de transparence. Musclé, endurant et design, le Surface Book 2 de Microsoft est l’un des PC portables hybrides les plus séduisant du moment. Mais n’essayez surtout pas de le démonter en cas de problème. Les techniciens du site iFixit, spécialisé dans les tutoriels de réparation de matériel high-tech, ont souffert pour arriver à l’ouvrir sans l’endommager ; la faute au puissant adhésif utilisé et à la fragilité des câbles reliant l’écran au châssis. Pire, après cette périlleuse opération, ils ont constaté que seul le SSD pouvait être remplacé sans risque. Dur à avaler pour une machine qui vaut, dans sa version 15 pouces, la bagatelle de 2 800 euros ! Cette pratique n’est pas propre à la firme de Redmond. En effet, iFixit épingle régulièrement Apple, Samsung et consorts pour leur propension à concevoir des appareils compliqués à retaper. Cela pousse les consommateurs à racheter de nouveaux équipements, induisant un gaspillage des ressources naturelles et une augmentation des déchets.
Afin d’en finir avec l’ère du tout-jetable, le gouvernement va créer un “indice de réparabilité” qui sera obligatoirement affiché sur les produits électroniques et électroménagers, à partir du 1er janvier 2020. Des experts sont chargés de son élaboration, en concertation avec les industriels et les réparateurs. Ils devraient s’inspirer de l’indicateur de “réparabilité” lancé par le groupe Fnac Darty. Limité aux seuls ordinateurs pour le moment, celui-ci se matérialise par une note sur dix points, calculée selon quatre critères principaux. Le premier s’assure que la documentation fournie donne des instructions claires de démontage, ainsi qu’une aide au diagnostic des pannes. Le deuxième apprécie la facilité d’accès aux composants. “Nous observons le temps qu’il faut pour atteindre les principaux éléments, comme le disque dur ou la mémoire vive, et si on peut se contenter d’outils classiques”, explique Lionel Costa, responsable informatique du Labo Fnac. Le troisième critère jauge les pièces détachées ; notant leur disponibilité dans le temps et la présence (ou pas) de connecteurs standards. Enfin, l’indice évalue la possibilité de réinstaller aisément le système d’exploitation et les logiciels d’origine.
Quid des frais de réparation ? “Cela va permettre aux clients de comparer pour mieux choisir et pousser les fabricants à s’améliorer pour ne pas être mal classés”, apprécie Laetitia Vasseur, déléguée générale de l’association Halte à l’Obsolescence Programmée. Pas sûr pour autant que cet indicateur entraînera une baisse du tarif des réparations. Or c’est bien là le coeur du problème. Si on veut que les Français pérennisent leurs appareils, il faut que le coût de leur remise en état reste inférieur à la somme déboursée pour un modèle neuf. Les réparateurs ont donc proposé, dans une lettre ouverte, diverses mesures, comme d’imposer aux industriels de fournir des pièces détachées à des “prix raisonnables”, ou de mettre en place une TVA à taux réduit pour leur activité. Mais le gouvernement n’en a retenu aucune pour le moment, préférant miser sur la bonne volonté des constructeurs.