Au Moyen Âge, les fabricants d’automates risquaient le bûcher
Ce n’était certes qu’une humble servante. Mais elle était sacrément efficace. Dès qu’un convive lui présentait sa coupe, cette zélée domestique s’empressait de la remplir de vin, coupé d’eau. Philon de Bysance n’était pas peu fier de cet automate qu’il avait fabriqué… au IIIe siècle avant J.-C. ! Un robot chez les Grecs ? Eh oui, et il y en aurait même eu d’autres avant cet antique “droïde” !
“Un siècle plus tôt, le pythagoricien Archytas de Tarente, grand ami de Platon, avait conçu une colombe de bois”,
révèlent Agnès Guillot et Jean Arcady-Meyer dans leur ouvrage La bionique–Quand la science imite la nature (éditions Dunod). Cet ancêtre de nos drones était capable de voler une centaine de mètres grâce à des jets d’air comprimé expulsés par une vessie d’animal placée à l’intérieur de l’oiseau factice. On pourrait remonter plus loin encore. “Dans l’Égypte antique, dès 800 avant J.-C., une statue du dieu Amon bougeait son bras pour désigner le nouveau pharaon”,
note Jean-Claude Heudin dans son essai intitulé
Les créatures artificielles–Des automates aux mondes virtuels, édité par Odile Jacob.
Cordes et poulies.
À l’époque, c’est la religion qui motive la conception de ces drôles de machines. Reposant souvent sur un ingénieux assemblage de cordes et de poulies, leurs mécanismes dissimulés dans des statues servaient aux oracles pour mettre en scène des manifestations divines afin d’accroître leur emprise sur le peuple. Malgré tout, ces appareils nécessitaient encore une intervention humaine. Il fallut tout le génie de Ctésibios d’Alexandrie, un Grec qui précéda de quelques années Philon de Bysance, pour les rendre autonomes. Passionné d’hydraulique et de mécanique, ce fils de forgeron se fit la main en inventant une horloge à eau si précise que son cadran faisait exactement un tour par année solaire. Les travaux de Ctésibios furent compilés quatre siècles plus tard par un autre Grec, Héron d’Alexandrie. Il dressa, entre autres, les plans d’un distributeur d’eau automatique – et payant – destiné aux libations, avant de rédiger un traité consacré à la réalisation d’automates. Les Arabes furent les premiers à appliquer ses principes, qui exploitent notamment la force élastique et motrice des gaz sous l’effet de la chaleur et de la pression. À Bagdad, vers 800, les jardins du calife Harun al-Rachid étaient peuplés d’oiseaux et de créatures mécaniques se promenant dans la verdure.
Ces dispositifs d’agrément influenceront les Européens dès la Renaissance. En attendant, au Moyen Âge, leur fabrication s’avère une activité à haut risque. Pour le clergé, la création de la vie est l’apanage de Dieu. Ceux qui prétendent s’attribuer ce pouvoir, même si ce n’est que pour animer des personnages artificiels, encourent le bûcher. Les ayatollahs en soutane finiront par les adopter pour s’épargner les corvées d’angélus. C’est ainsi qu’au milieu du XIVe siècle naissent les jaquemarts, ces personnages de plomb qui font tinter les cloches à la place des curés. En France, le premier d’entre eux se perche sur le clocher de Notre-Dame de Dijon, dès 1383. À la Renaissance, les automates représentent un signe extérieur de richesse. Dans la galerie de son château d’Hesdin, en Picardie, le duc d’Artois divertit ses convives en les invitant à se promener au milieu d’oiseaux, de musiciens et autres personnages qui les arrosent ou leur soufflent de la farine au visage. Léonard de Vinci se passion ne aussi pour cette discipline. En 1495, juste avant de peindre La Cène, il dessine les plans d’un chevalier capable de s’asseoir, de se redresser, de bouger les bras et la tête. L’âge d’or de ces machines ne survient pourtant qu’au XVIIIe siècle. Les inventeurs du siècle des Lumières s’en inspirent pour chercher à