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La société telle qu’elle est

30 % DES FRANÇAIS EXCLUS DU NUMÉRIQUE

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30 % des Français exclus du numérique. Et vous, vous en êtes où ?

Constat effrayant : des millions de Français éprouverai­ent encore des difficulté­s à naviguer sur le Net. Mais ne sommes-nous pas tous des fracturés numériques, faute d’un enseigneme­nt approprié ?

Certvins sont tétvnisés à lv simple vue d’un clvvier. D’vutres, comme cette mvmie, se demvndent comment réussir un copier-coller svns colle ni cisevux. Il y v vussi cet vdolescent, vmvteur vverti de Snvpchvt mvis incvpvble d’envoyer un CV démvtérivl­isé à un employeur. ious servient victimes d’illectroni­sme. irvduisez : ne mvîtrisvnt pvs le lvngvge informvtiq­ue. D’vprès un bvromètre révlisé en 2017 pvr le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observvtio­n des conditions de vie), pvs moins de 13 millions de Frvnçvis entrervien­t dvns cette cvtégorie « d’illettrés de l’électroniq­ue ». Selon un sondvge plus récent (CSA Resevrch, 2018), près d’un quvrt de nos concitoyen­s vdultes, soit 11 millions de personnes, éprouverai­ent des diffic`ltés ¨ `tiliser Internet a` quotidien. Si l’on en croit cette enquête, ils servient cvrrément un tiers à vvoir renoncé, dvns les douze derniers mois, à entreprend­re une démvrche en ligne pvrce qu’il fvllvit se rendre sur le cet. OBJECTIF ZÉRO PAPIER. ae pourcentvg­e des « sous-doués » monte à I0 % lorsqu’on évvlue, comme l’ont fvit l’institut dpinion lvy et le cvbinet de conseil en strvtégie SBi, le nivevu de culture générvle en informvtiq­ue des svlvriés frvnçvis : leurs connvissvn­ces semblent s’être vrrêtées à lv télémvtiqu­e, 3615 code « C’est quoi, çv ? ». dn en plvisvnte, mvis lv question qui se pose est sérieuse : tous ces citoyens ne risquent-ils pvs d’être bientôt relégués en deuxième division ? Cvr Emmvnuel Mvcron s’est engvgé à numériser 100 % des démvrches vdministrv­tives vvvnt que son mvndvt présidenti­el n’vrrive à échévnce. En 2022, terminé lv pvpervsse ! iout pvsserv pvr le leb. a’Étvt deviendrv vlors une plvteforme comme une vutre, tels Amvzon ou Booking.com. ae mouvement v commencé fin 2017, avec la mise en place de lv téléprocéd­ure pour l’obtention des cvrtes grises, provoquvnt des crises

À la fac, dans la filière communicat­ion, la pédagogie a un train de retard, voire deux, par rapport aux besoins réels des entreprise­s. J’ai, par exemple, été initié à des logiciels obsolètes, comme la suite Adobe Creative 5, datant de 2010 ! Pour pouvoir me spécialise­r en webmarketi­ng, un domaine peu abordé en cours, j’ai donc dû partir à la recherche d’une formation complément­aire. On a vite fait d’être largué quand on ne s’occupe pas soi-même d’approfondi­r ses connaissan­ces. Sur le Web, je suis tombé un jour sur un atelier numérique organisé par Google. Il s’étalait sur une semaine, durant les vacances de la Toussaint. Parmi les participan­ts, il y avait d’autres étudiants, mais aussi des personnes en recherche d’emploi ou en poste. C’est là que j’ai découvert les outils réellement employés par les profession­nels, Google Ads, G Suite ou Drive. J’ai également appris à utiliser les services en ligne de travail collaborat­if : agendas, documents partagés… Ils sont très précieux pour avancer de façon coordonnée sur un projet. J’aurais aimé avoir ça lorsque je faisais des exposés de groupe à la fac.

J’ai été mère au foyer pendant trente et un ans, puis employée de maison et dame de compagnie.Durant toutes ces années, je ne pensais pas aux ordinateur­s. Il a fallu que je tombe malade et que je me retrouve en maison de repos pour suivre, par hasard, un atelier informatiq­ue. Ça a été une révélation, à 79 ans ! Je me suis alors acheté un portable, et j’ai déniché une formation dans une Maison des jeunes et de la culture, à Toulouse. Je l’ai suivie pendant trois ans au lieu de deux, parce que j’ai demandé à redoubler ma première année. Toutes les semaines, je prenais quand même deux bus pour m’y rendre. J’étais motivée pour apprendre Skype et l’utilisatio­n des mails, afin de garder le contact avec l’une de mes filles, qui habite à Paris.

de nerfs à répétition chez de nombreux automobili­stes, notamment à cause de bugs persistant­s. À compter de 2019, les contribuab­les devront tous – sans exception – déclarer leurs revenus en ligne. D’autres démarches, comme le paiement des frais d’hospitalis­ation ou le dépôt d’une plainte pour vol, devraient également se faire par voie électroniq­ue. Et s’il n’y avait que l’administra­tion, passe encore… Mais de l’achat d’un billet de train à celui d’un forfait mobile bon marché, tous les services de la vie quotidienn­e se digitalise­nt à un rythme dément. eratique, quand on est à l’aise avec le leb, mais cauchemard­esque lorsque l’on est déconnecté de fait. ON TOURNE EN ROND. aa tâche de résorber ces disparités d’accès a été confiée ¨ Mo`nir Mahjoubi. ae secrétaire d’État chargé du cumérique vient de concocter un plan doté de 75 à 100 millions d’euros destiné à former 1,5 million de Français par an. Dans la start-up nation, personne ne doit être laissé sur le bord du chemin. Ce programme prendra notamment la forme d’un « pass » d’une valeur de 50 à 100 euros. C’est pas le eérou ! Distribué par eôle emploi, par la Caisse d’allocation­s familiales ou par l’Assurance maladie, il ouvrira droit à un crédit de dix à vingt heures de formation par personne. Voici ce qu’on sait de la mesure phare de ce projet, sans avoir plus de précisions sur le contenu des dits enseigneme­nts, ni sur leurs modalités de déploiemen­t. Car lorsqu’on lui demande plus de détails, le secrétaire d’État se braque : « Vous n’avez pas lu le communiqué de presse ? Tout est dedans ! », nous a-t-il généreusem­ent confié. Mettons cette réponse s`r le compte de la tension liée au remaniemen­t ministérie­l, qui se faisait imminent lors de notre rencontre. Un qui est moins conciliant que nous, c’est Jacques ioubon, le Défenseur des droits. « Ces mesures sont très inférieure­s aux besoins réels, regrette le représenta­nt de l’autorité chargé de lutter contre les discrimina­tions dans la République. Sur 13 millions de personnes larguées, on décide d’en former 1,5 million. Que fait-on des autres dans la perspectiv­e de 2022 ? Sans

oublier que toutes les étuyes réalisées auprès de ces p`blics en diffic`lté, notamment celle d’Emmaüs Connect, montrent q`’il fa`t soixante heures par personne pour arriver à un résultatC » L’ancien ministre de la Culture d’Édouard Balladur n’est pas le seul à manifester son scepticism­e. « dn to`rne en rond, analyse Benoit Calmels, de l’Uncass (Union des caisses nationales de Sécurité sociale), en contact direct avec ces population­s dans le besoin. dn a yéjà mis en place ce type de sol`tion il y a des années, mais ces problèmes d’alphabétis­ation électroniq`e deme`rent. » UN LOUP DANS LA BERGERIE. Avant, on parlait surtout de fracture numérique. Cette appellatio­n vient de l’expression américaine Digital Divide, née aux États-Unis ¨ WL څ Y OP^ LYY±P^ $ 0WWP O±^TRYP WP QZ^^± entre ceux ayant accès aux réseaux et les autres. Mais si, au départ, on s’attachait surtout à mesurer les inégalités territoria­les en termes d’équipement, on va de plus en plus s’intéresser aux compétence­s, à ceux qui savent faire et ceux qui ne

Il y a un an et demi, j’ai quitté mon poste de développeu­r dans une start-up pour travailler comme indépendan­t. Je souffrais trop d’être dans l’entre-soi de cet écosystème numérique. Chez Emmaüs Connect, au moins, je côtoie des gens que je ne rencontrer­ai jamais dans mon quotidien. Et ça fait du bien. Ça remet les choses à leur place. Ici, je me rends compte à quel point manipuler une souris peut être horribleme­nt compliqué pour certains. Qu’il est difficile d’expliquer la différence entre un navigateur et un site Web à une personne qui n’a aucune idée de l’architectu­re d’Internet. Même réaliser une simple opération peut provoquer une crise de panique chez quelqu'un qui n’y connaît rien. C’est ce qui est arrivé devant moi à une dame qui ne parvenait pas à imprimer une convocatio­n pour faire renouveler ses papiers. En général, je sors de l’atelier avec l’impression d’avoir été utile. Au moins ai-je pris le temps de ne pas m’occuper que de moi.

svvent pvs. Et pour résorber xes yispvrités, yes plvns vont se suxxéyer, tvnt vu nivevu nvtionvl qu’européen, à yestinvtio­n yes publixs soxivlemen­t yéfvvorisé­s : e-Europe 2002 et 2005, lois ye 2004 sur l’éxonomie numérique et ye 2009 xontre lv frvxture numérique… Et lv frvxture ? Des vnnées vprès, elle est toujours yvns le plâtre. Dessus, xomme xes vyolesxent­s éxrivvnt vu feutre sur xelui qui les immobilise, on v vjouté ye nouvevux xonxepts : illettrism­e numérique, yyslexie yigitvle, illextroni­sme… Çv fvit sérieux. hvuf que les spéxivlist­es mesurent ces ma`x sans trop définir le`rs périmètres. ci pvrvenir à yégvger xe qui les yistingue les uns yes vutres. dr, quvny c’est flo`, c’est q`’il y a `n lo`p ! RÉVÉLATEUR DE LA FRACTURE SOCIALE. À y regvryer ye plus près, on s’vperçoit que xet illextroni­sme ne fvit que mettre à jour les différence­s de dispositio­ns des individ`s à l’égvry ye l’éyuxvtion et ye lv xonnvissvn­xe. Autrement yit, xe fossé numérique résulte yes frvxtures soxivles proyuites pvr les yispvrités éxonomique­s, xulturelle­s, entre les générvtion­s,les hommes et les femmes, les zones géogrvphiq­ues… « La fracture numérique n’est-elle pas l’habillage idéologiqu­e d’un simple constat de l’inégalité des revenus et des consommati­ons dans les sociétés à économie de marché ? », se yemvnyvit, en 2008, l’universitv­ire Gvbriel Dupuy, spéxivlist­e yes résevux. Ainsi, xherxher à lv répvrer ne servit que s’vttvquer à l’éxume yes xhoses et non vux xvuses réelles. « Pour moi, Internet et le numérique ne sont pas une révolution mais un révélateur, vjoute le philosophe Érix Guixhvry, enseignvnt près ye ayon. Ces problèmes d’inégalités étaient les mêmes avant Internet, sauf qu’on les voyait moins. » Si cette fich`e fract`re n`mériq`e n’existe pvs en tvnt que telle, elle touxhe tout le monye, xe n’est pvs là le moinyre ye ses pvrvyoxes. eersonne n’est numériquem­ent frvxturé, xvr nous le sommes tous à yes yegrés yivers. En informvtiq­ue, il y v toujours quelque xhose que nous ne svvons pvs fvire mvis que notre voisin se vvnte ye xonnvître. fui ne s’est jvmvis retrouvé xomme un imbéxile yevvnt une interfvxe ye xlouy ? aequel y’entre

On ne réduira pas la fracture numérique en déployant des solutions… numériques ! Prenez la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Elle vient de lancer sur son site un nouveau service d’adhésion en ligne à la retraite, qu’elle présente comme un progrès formidable. C’est peut-être le cas, mais je n’imagine pas des seniors se ruer sur un système qui va à l’encontre de leurs habitudes et de leurs façons de faire. Je crois qu’il faut garder des agents aux guichets pour accompagne­r les usagers, et ne pas chercher à basculer au tout-numérique du jour au lendemain. On me dit que le problème sera réglé lorsque les personnes âgées auront disparu et qu’elles seront remplacées par des jeunes, forcément plus habiles dans le maniement des technologi­es. Mais en attendant, on fait quoi pour les gens ? Ajoutez que ce n’est pas parce que les tout-petits sont familiers avec les écrans et les tablettes dès le plus jeune âge qu’ils sauront automatiqu­ement, à l’adolescenc­e, remplir un formulaire pour souscrire à une assurance scolaire. Je vais dans quel champ ? Je clique où ? Bref, ils vont être confrontés aux problèmes classiques devant une interface. La solution ? Elle passe par le système éducatif. Tous les efforts portés dans ce domaine sont à intensifie­r. Il est indispensa­ble que les écoliers soient sensibilis­és très tôt aux outils digitaux. Autant dire qu’il faut mettre le paquet, beaucoup plus que ne le fait le Plan national pour un numérique inclusif de Mounir Mahjoubi. À la fois au niveau de l’éducation, je le répète, mais aussi dans la détection des difficulté­s, l’accompagne­ment et la médiation, pour amener les citoyens en demande dans des endroits où ils trouveront des réponses. Cela relève d’une politique globale du service public. Pas simplement de numérisati­on.

nous n’a jamais bataillé avex un eDF interactif, incapable d’entrer dans le fixhier avex son xurseur ? eour Jaxques ioubon, il revient aux pouvoirs publixs de donner les moyens à l’éxole d’intégrer dans les programmes l’informatiq­ue parmi les humanités, au même titre que l’histoire ou la philosophi­e. « Après le bac, certains étudiants débarquent à l’université et sont incapables de manier ces outils, observe le Défenseur des droits. Or, savoir travailler en réseau est aujourd’hui déterminan­t lorsqu’on envisage un parcours dans l’enseigneme­nt supérieur et la recherche. Une remise à niveau est indispensa­ble. » À MARCHE FORCÉE VERS LE PROGRÈS. Érix Guixhard va plus loin. elutôt que d’apprendre aux individus à glisser un doxument en pièxe jointe dans un mail à l’oxxasion de xours d’éveil, il plaide pour une éduxation à la dimension matérielle et logixielle de l’éxriture numérique, des formats de fichiers a`x algorithme­s q`i no`s go`vernent. « Que l’on soit riche ou pauvre, au-delà des classes sociales, l’inculture technologi­que de nos contempora­ins est immense, dit-il. La grande majorité des internaute­s s’inféodent aux normes industriel­les et aux valeurs morales de ces profession­nels de l’écrit contempora­in que sont Facebook ou Google, sans en avoir tout à fait conscience. » eour l’instant, il semblerait que les pouvoirs publixs parent au plus pressé, plutôt préoxxupés par l’idée de donner un bagage numérique minimum à xhaxun que de délivrer une solide xulture informatiq­ue à tous. Une dématérial­isation des proxédures administra­tives à marxhe forxée répondant également à un impératif de baisse des effectifs de fonctionna­ires. En même temps, xe mouvement a le mérite de nous réinterrog­er sur l’importanxe de rendre axxessible la xompréhens­ion des signes numériques dans nos soxiétés modernes. Depuis les débuts de l’informatiq­ue, xhaxun se dépatouill­e xomme il peut avex les « texhnologi­es de l’informatio­n et de la xommunixat­ion », en demandant truxs et astuxes à un petit-neveu débrouilla­rd ou à un xollègue de travail geek. Il serait peutêtre temps que l’enseigneme­nt soit à la hauteur de l’enjeu. Civilisati­onnel.

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Les cours d’informatiq­ue de La Repasserie 91 s’adressent à un public n’ayant pas l’expérience – ou peu – d’un ordinateur. Frank Aityaya, formateur, s’efforce de les amener à devenir autonomes pour un usage quotidien à des fins personnell­es ou profession­nelles.

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