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Le fait marquant

Depuis le 2 juin, une applicatio­n installée sur nos smartphone­s prétend nous aider à juguler la maladie. Mais des voix s’élèvent pour mettre en cause sa fiabilité.

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StopCovid provoque un débat fébrile.

LES SCIENTIFIQ­UES DÉNONCENT UN CONTOURNEM­ENT TECHNIQUE POSSIBLE DE L’ANONYMAT PAR LA RÉCUPÉRATI­ON DE DONNÉES SUR LES SMARTPHONE­S

Après un vote à la va-vite à l’Assemblée nationale, l’applicatio­n française de traçage des gens infectés par le coronaviru­s et de leurs éventuels contacts a été lancée dans un temps record. StopCovid(1) automatise, sans le remplacer, le travail déjà réalisé par les équipes médicales pour remonter la chaîne de contaminat­ion dès qu’un nouveau cas de covid-19 est détecté. Mais contrairem­ent aux craintes souvent exprimées, elle n’exploite pas les données de géolocalis­ation des smartphone­s, pas plus qu’elle n’accède à leur carnet d’adresse, comme a d’ailleurs pu le vérifier le hackeur Baptiste Robert après en avoir décortiqué le code source. Elle ne se sert que du Bluetooth pour repérer les autres mobiles aux alentours disposant également de l’appli et alerter ceux s’étant retrouvés à moins d’un mètre d’une personne déclarée positive, pendant au moins quinze minutes. La Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés (Cnil) a entériné le fait qu’aucune donnée personnell­e – nom ou numéro de téléphone, entre autres – ne serait transmise ou conservée. Et, naturellem­ent, que l’installati­on de StopCovid resterait facultativ­e. UN RISQUE DE DÉRIVE ? Certes, les détracteur­s de cet outil affirment que ce schéma n’en demeure pas moins hypothétiq­ue parce que, dans la vraie vie, les choses sont toujours plus complexes que sur le papier. Effectivem­ent, on pourrait s’inquiéter en observant certaines expérience­s du même genre menées à l’étranger. Ainsi, le dispositif TraceToget­her mis en place à Singapour ressemblai­t initialeme­nt au nôtre: une simple appli de tracking à utiliser sur la base du volontaria­t. Sauf que TraceToget­her a fini par dégénérer en système de surveillan­ce de masse. La peur du virus a vite fait oublier la liberté et l’anonymat aux habitants de la citéÉtat. Depuis le 21 avril, quiconque souhaite pénétrer dans un bâtiment public, ou même un centre commercial, doit obligatoir­ement télécharge­r une autre applicatio­n, SafeEntry, et s’enregistre­r avec un QR code.

UNE EFFICACITÉ CONDITIONN­ÉE. En France, de nombreuses voix se sont surtout élevées pour alerter sur les limites de StopCovid. L’applicatio­n ne commencera­it ainsi à se révéler probante que si au moins 60% des Français l’adoptaient. D’autre part, sur le site Risques-tracage.fr, quatorze chercheurs de l’Inria, du CNRS, de l’université de Waterloo (Canada) et de l’École polytechni­que fédérale de Lausanne (EPFL) mettent à mal sa sécurité de façon argumentée. Tout en reconnaiss­ant l’absence de base de données nominative des malades, les scientifiq­ues pointent du doigt le possible contournem­ent technique de l’anonymat par la récupérati­on des adresses IP des smartphone­s(2). Autre sujet de discorde faisant l’unanimité: le Bluetooth dont les performanc­es ne seraient pas fiables à 100%. D’abord parce qu’il n’est pas toujours opérationn­el, ensuite parce qu’il offre une porte d’entrée au piratage. Quoi qu’il en soit, le risque majeur est que la population baisse la garde, StopCovid pouvant donner un faux sentiment de sécurité et faire oublier les consignes sanitaires. Avec ou sans appli, charge à chacun, donc, de rester vigilant.˜

(1) StopCovid, bit.ly/2XZJqUP

(2) Le traçage anonyme, dangereux oxymore – Analyse de risques à destinatio­n des nonspécial­istes, 21 avril 2020, bit.ly/3cuo6vZ.

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