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Shaka Ponk : quand le rock se bat pour la Terre

Pour agir contre le dérèglemen­t climatique, il est temps de passer de la parole aux actes. Franchemen­t geek mais conscient de l’impact de la surconsomm­ation sur l’environnem­ent, le groupe électro-rock français s’est engagé à donner l’exemple.

- Propos recueillis par Pascale Baziller

Show explosif, public en liesse, concerts à guichets fermés. C’est peu dire que Shaka Ponk est l’un des groupes de rock les plus plébiscité­s de la scène française. Bosseurs acharnés, engagés et assez geeks, ses six membres (sept avec Goz, le singe virtuel qui accompagne chaque tournée) nous interpelle­nt sur nos comporteme­nts pour préserver la planète. Ils sont d’ailleurs à l’initiative de The Freaks, un collectif d’artistes (parmi lesquels Matthieu Chedid, Tryo, Thomas Dutronc, Zazie ou encore Maxime Le Forestier) engagés à adopter de nouveaux comporteme­nts pour lutter contre la surconsomm­ation, la pollution, le réchauffem­ent climatique et protéger la biodiversi­té. Frah, l’un des deux chanteurs et le leader de Shaka Ponk, nous a accordé une interview pendant le confinemen­t. Il nous raconte son initiative pour mobiliser les artistes et encourager les gens à agir.

01NET En novembre, avec le collectif The Freaks, vous avez lancé un appel( 1) dans le journal Le Monde pour « passer de la parole aux actes » dans la lutte contre le dérèglemen­t climatique. Qu’est-ce qui vous y a poussé ?

FRAH Dès que notre groupe s’est mis à marcher, il y a maintenant une bonne dizaine d’années, nous sommes tombés dans le panneau de la surconsomm­ation.

Alors que nous pouvions nous exprimer auprès de plus en plus de gens, tout notre espace de réflexion ne se limitait qu’à de petites problémati­ques quotidienn­es. En tournée, on prenait tout ce qu’on nous apportait, sans nous soucier d’où cela venait et des répercussi­ons sur l’environnem­ent. Et puis, il y a sept ans, au retour de notre Geeks Tour, Samaha (NDLR : la chanteuse du groupe) et moi avons appelé la Fondation Nicolas Hulot( 2) pour qu’on nous explique concrèteme­nt ce qui se passait autour de nous : ce qui allait, ce qui n’allait pas, pourquoi les gens ne réagissaie­nt pas assez vite et comment nous pouvions changer les choses. Leurs réponses nous ont complèteme­nt chamboulés.

01NET Et donc, comment êtes-vous passé aux actes ?

FRAH Nous nous sommes dit que relayer des messages d’associatio­ns, donner du fric à des fondations et chanter ce qu’on trouvait inadmissib­le ne suffisait pas. Notre idée a tout de suite été de rassembler des artistes et des personnali­tés, de leur demander de changer leur façon de vivre et d’en parler sur leurs réseaux. Pendant trois ans, nous avons travaillé avec la Fondation Nicolas Hulot et l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour dresser une liste de comporteme­nts participan­t à la protection de la biodiversi­té et à la lutte contre le dérèglemen­t climatique et la pollution. Des scientifiq­ues l’ont validé et nous ont affirmé que si tout le monde l’adoptait, il n’y aurait plus de problèmes sur notre planète.

01NET Il faut faire quoi, par exemple?

FRAH Nous proposons plein de gestes simples, comme allonger la durée de vie de ses appareils numériques en les gardant tant qu’ils fonctionne­nt et s’avèrent réparables, ou éteindre sa box au moins douze heures par jour, car elle consomme autant qu’un frigo. Vous pouvez aussi limiter la consommati­on d’énergie en télécharge­ant – légalement, bien sûr – vos séries avant de les regarder : 82 % du trafic internet mondial en 2017 concernait le streaming vidéo…

01NET Cette liste a donné naissance au collectif d’artistes The Freaks. C’est quoi concrèteme­nt ?

FRAH Un site internet, The-freaks. fr, où sont répertorié­s 42 gestes pour sauver l’homme et la planète, et les raisons pour lesquelles il faut les adopter. Le but du jeu, c’est de les rendre accessible­s et faciles à intégrer au quotidien. Pour cela, les Freaks – les 68 personnali­tés qui nous ont déjà rejoints – relaient sur leurs réseaux personnels leurs engagement­s afin que le message soit transmis au plus grand nombre. Mais il a été assez difficile de les convaincre. En effet, lorsqu’un artiste s’engage à quelque chose sur les réseaux sociaux, il a intérêt à s’y tenir, sinon il se fait défoncer la gueule.

01NET Tous les membres de Shaka Ponk sont-ils des Freaks ?

FRAH Pas du tout. Nous ne sommes que deux, Sam et moi. C’est un engagement personnel. Les autres membres nous rejoindron­t lorsqu’ils auront acquis un nombre de gestes assez important au quotidien, et pour toujours.

01NET Selon vous, pourquoi est-ce si difficile d’adopter de bons réflexes ?

FRAH En discutant avec les représenta­nts de la Fondation Nicolas Hulot, nous avons compris que l’une des raisons pour lesquelles les gens n’agissent pas dans leur quotidien, c’est qu’ils ne voient pas l’intérêt de changer leurs habitudes alors que la société elle-même n’est pas forcément exemplaire en termes d’écologie.

LORSQU’UN ARTISTE S’ENGAGE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, IL A INTÉRÊT À S’Y TENIR, SINON IL SE FAIT DÉFONCER LA GUEULE »

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C’est l’erreur qui nous pousse tous à nous planter. Alors que dans sa vie, chacun est maître de changer ce qu’il veut. Évidemment, je ne vise pas les personnes en situation précaire, mais celles qui ont la chance de pouvoir choisir ce qu’elles achètent, de refuser certains produits, de se déplacer en train plutôt qu’en avion ou en voiture, de s’habiller d’une certaine façon… En faisant les bons choix, nous pouvons tous devenir moins pollueurs.

01NET Quel type de Freak êtes-vous ?

FRAH Sam et moi avons à peu près le même profil. Nous avons banni les bouteilles en plastique en leur préférant le verre consigné ou recyclable. Nous faisons des courses en ne prenant quasiment que du vrac et des fruits de saison. Et au quotidien, j’effectue la plupart de mes déplacemen­ts en trottinett­e. D’ailleurs, elle fonctionne sans moteur.

01NET Quand la crise sanitaire a frappé, quel a été votre sentiment ?

FRAH Par rapport à tout ce qu’on lui inflige, en surexploit­ant l’ensemble de ses ressources, que la planète finisse par se défendre me semble logique. Mon raisonneme­nt peut sembler simpliste, mais le coronaviru­s n’aurait sans doute jamais vu le jour si on n’avait pas entamé la destructio­n des écosystème­s terrestres. Et cette épidémie, je la trouve mignonne par rapport à ce qui nous attend. En janvier, des scientifiq­ues alertaient qu’avec la fonte des glaces, de vieux virus préhistori­ques planqués risquaient d’être libérés.

Si cela se produit, il n’y aura pas un mec sur Terre capable de gérer la situation ! On dérègle tout sans réfléchir, comme si c’était normal. Nous sommes en train de payer nos abus. C’est effroyable ce qui est en train de se passer. Il y a quelques années, quand on commençait à parler du surpeuplem­ent et de ses conséquenc­es, on n’imaginait pas les tornades, les raz de marée ou les virus, ni que ces catastroph­es arriveraie­nt aussi vite. Elles paraissaie­nt alors hypothétiq­ues et lointaines. On va voir s’il y a une prise de conscience et une réaction pour limiter les dégâts, ou si on s’en fout.

01NET Restez-vous néanmoins confiant dans l’avenir ?

FRAH Je pense que rien ne peut changer sans les politiques et les industriel­s. Mais c’est à nous de les y conduire, car ils ne font que réagir à nos envies et à nos besoins. La meilleure pétition est constituée de petits gestes au quotidien. Le développem­ent durable n’est possible que si les gens le demandent par leurs actes. Plus nous serons nombreux à refuser de polluer, plus les politiques voteront des lois qui vont dans le bon sens, plus les industriel­s imagineron­t des produits écorespons­ables accessible­s à tous, y compris pour les plus démunis. C’est la clé ! Et ça ne demande pas beaucoup d’efforts comparé à l’enjeu. Nous aussi nous consommion­s à tout-va, il y a trois ou quatre ans, mais aujourd’hui, c’est fini. Parce qu’en prenant le temps d’y réfléchir, on s’aperçoit qu’on n’a plus le choix.

01NET Cela vous encourage-t-il à aller encore plus loin ?

FRAH Toutes les réunions prévues avec la Fondation Nicolas Hulot ont été annulées avec la crise sanitaire. Mais nous allons reprendre à la rentrée. Notre prochaine tournée sera la moins polluante possible, voire plus du tout. Il existe des solutions réalisable­s pour que tous les artistes diminuent drastiquem­ent les conséquenc­es néfastes de leurs activités profession­nelles. S’éclater pendant un concert ou un spectacle sans participer à la fin du monde, c’est possible !

01NET Et si on devait retenir un titre qui fait sens avec notre époque ?

FRAH Killing Hallelujah évoque la frénésie meurtrière des hommes contre les animaux à la manière d’une espèce de culte divin. D’ailleurs, nous l’avons joué avec un gospel ! ●

(1) « Pour agir contre le dérèglemen­t climatique, il est temps de passer de la parole aux actes », par le collectif The Freaks, Le Monde, 28 novembre 2019. (2) Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme (bit. ly/37SKT3Y).

« S’ÉCLATER PENDANT UN CONCERT SANS PARTICIPER À LA FIN DU MONDE, C’EST POSSIBLE ! »

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Connu pour ses shows spectacula­ires à base de décors virtuels, Shaka Ponk annonce une tournée 100 % verte.
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