Ce qui se trame dans les labos
En à peine une semaine, deux sites antiques majeurs ont été exhumés en Italie et au Mexique sans remuer un seul lopin de terre, grâce aux technologies d’imagerie radio et laser.
- L’archéologie sans pelles ni truelles. - Une innovation dans le traitement des maladies neurologiques.
- Un blindage pour revêtement superhydrophobe.
« Ce programme est incroyable. Si ça continue, dans quelques années, on aura même plus besoin de creuser », lance le technicien au professeur Grant, dépité, alors que s’affiche sur le moniteur l’image d’un vélociraptor obtenue avec un radar à pénétration de sol (RPS). Sacrément prémonitoire, cette scène du film Jurassic Park, sorti en 1993.
LE PLAN DÉTAILLÉ D’UNE CITÉ ROMAINE ENFOUIE. Car c’est précisément en utilisant un RPS qu’une équipe de scientifiques des universités de Cambridge (Royaume-Uni) et de Gand (Belgique) a annoncé le 9 juin, dans la revue Antiquity, avoir mis au jour l’intégralité d’une cité romaine sans donner le moindre coup de pioche. Monté sur un chariot motorisé, le radar a sondé les profondeurs en envoyant des impulsions électromagnétiques réfléchies à chaque obstacle.
Ainsi, les archéologues ont reconstitué en quelques semaines seulement un plan d’une formidable précision, ce qui, en temps normal, aurait demandé des années de travail. Et les résultats sont spectaculaires. Situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Rome, le site de Falerii Novi a été occupé de 240 av. J.-C. à 700 ap. J.-C. et s’étend sur une surface de 30 hectares. Les scientifiques ont découvert que la cité, malgré sa taille relativement modeste, comptait un large bâtiment (dont la fonction reste à déterminer), un théâtre, deux temples, un marché, des bains et de vastes demeures de patriciens. La précision des images est telle qu’ils ont même pu distinguer un complexe réseau de conduites d’eau. Jusqu’alors, jamais l’utilisation du RPS n’avait été faite à une si large échelle.
UN VASTE COMPLEXE MAYA PASSÉ AU LASER. À 10 000 km de là, dans le Yucatan, au Mexique, c’est une autre technologie, le lidar, qui a permis de découvrir le plus ancien site attribué à la civilisation maya, Aguada Fenix.
Son fonctionnement ressemble à celui du RPS, à la différence près que ce sont des impulsions laser qui sont envoyées dans le sol par aéronef à la place des ondes radios. Le nuage de points obtenu avec la réflexion de ces impulsions lumineuses est ensuite converti en image 3D par voie logicielle. L’avantage du lidar, c’est qu’il traverse la végétation la plus dense pour dévoiler ce qui se cache en dessous. En effet, lorsque l’avion, ou le drone, traverse la zone à cartographier, le lidar envoie des milliers d’impulsions sous des angles différents. Même si la plupart sont réfléchies par le couvert végétal, certaines passent entre les feuilles pour atteindre le sol. Et c’est ce qui a permis de modéliser l’apparence de ce site grandiose, dont la construction remonterait à 1000 av. J.-C.
Dans l’étude publiée dans la revue Nature, le 3 juin, l’équipe internationale à l’origine de la découverte, menée par un chercheur de l’université de l’Arizona (États-Unis), déclare avoir identifié une plateforme rectangulaire orientée nord/sud, mesurant 1 413 mètres de long sur 399 mètres de large pour 15 mètres de haut, et prolongée de part et d’autre par deux autres plateformes. Le complexe d’Aguada Fenix est si vaste que les habitants de la région ont toujours cru qu’il s’agissait d’une formation naturelle !
Le lidar a également dévoilé un ensemble de constructions de dimensions un peu plus modestes, reliées les unes aux autres par des chaussées, la principale dépassant 6 km de long. L’absence de palais ou de monument dédié aux élites semble suggérer qu’à l’origine, la civilisation maya était plus égalitaire et moins hiérarchisée qu’elle ne le deviendrait quelques siècles plus tard. Mais pour en savoir plus, les chercheurs devront tout de même creuser, au grand plaisir du professeur Grant. ●