LA SOCIÉTÉ TELLE QU’ELLE EST L’agriculture s’invite en ville
Les fermes urbaines se multiplient, sur le toit des immeubles ou en sous-sol. Mais pour cultiver sur des parcelles qui cumulent les contraintes, il faut faire preuve d’audace.
Parkings, voies de chemin de fer, toits d’immeubles… Les fermes urbaines se multiplient partout, et avec audace.
UNE DEMANDE CROISSANTE DES CITADINS : DES PRODUITS LOCAUX ET SANS PESTICIDES
Le 1er juillet ouvre à Paris, sur le toit du hall 6 du Parc des expositions de la porte de Versailles, la plus grande ferme urbaine du monde : Nature Urbaine*. Il s’agit d’une surface de 14 000 m² (4 500 m² exploités dès aujourd’hui) consacrée à la culture de fruits, de légumes et de plantes aromatiques, lesquels seront vendus prioritairement aux restaurateurs de la capitale. En parallèle, au même endroit, 135 parcelles seront destinées aux jardiniers amateurs pour y cultiver leur minijardin, et des ateliers seront organisés pour ceux qui hésitent à se lancer.
Cette ferme urbaine n’est pas la première du genre. Ces dernières années ont vu fleurir, en France comme ailleurs, des initiatives similaires sur des toits d’immeubles de bureaux ou de grands magasins, dans des parkings souterrains ou au coeur de friches urbaines (lire encadré p. 29). Et ce, pour répondre à une demande croissante des citadins : avoir accès à des produits locaux et sans pesticides.
UNE TECHNIQUE ANCESTRALE. Comment produire plus et mieux sur des parcelles limitées en taille et dans des villes où le prix au mètre carré est bien plus élevé qu’en zone rurale ? Traditionnellement, doubler la densité des plantes au mètre carré implique de partager des ressources telles que la lumière, les nutriments et l’espace pour les racines. Or, ça n’est pas rentable partout. Il faut donc ruser : cultiver sans terre et prendre de la hauteur. Pour un nouveau type de jeunes entrepreneurs écolos qui ont fait des fermes urbaines leur spécialité, l’agriculture verticale s’impose donc naturellement.
Compte tenu de ces contraintes, l’hydroponie et l’aéroponie sont les solutions idéales pour assurer aux plantes un développement optimal. La première est une technique ancestrale que l’on assimile aux jardins suspendus de Babylone (et qui a inspiré d’ailleurs la seconde). Les racines des végétaux sont alignées dans un substrat neutre et inerte comme le sable, l’argile ou la fibre de coco, et les plantes grimpent le long de fils tendus sur des structures en bambou. L’irrigation apporte les nutriments nécessaires tels que les sels minéraux et les oligo-éléments. En aéroponie, les racines des plantes grandissent sans terre, à l’air libre ou dans un substrat. Et elles sont nourries non plus par une irrigation mais par un brouillard (ou un goutte-à-goutte) enrichi en nutriments.
AUCUNE DÉPERDITION D’EAU. À Nature Urbaine, où l’installation et la gestion de la ferme sont réalisées par la société Agripolis, chaque pied de fraise ou d’herbes aromatiques, chaque laitue vient prendre sa place naturelle dans les alvéoles de colonnes qui mesurent chacune plus de deux mètres de haut. C’est au coeur de ces structures que
l’eau et les nutriments indispensables à la croissance de la plante sont diffusés verticalement. Dans une seule colonne, dont l’implantation au sol est de seulement quelques centimètres carrés, plusieurs dizaines de pieds peuvent se côtoyer. Et comme le système d’arrosage et de nutrition fonctionne en circuit fermé, il n’y a aucune déperdition d’eau. Ce principe permet même d’en économiser 90 % !
Pour veiller à la bonne croissance de la plante, surveiller la qualité de l’eau (son pH), la bonne distribution des nutriments (le niveau de concentration des sels nutritifs) ou la température, des sondes sont disséminées dans les différentes structures. À la moindre anomalie, l’ordinateur qui veille sur le système peut sonner l’alerte. Tout est donc sous contrôle, ou presque. Car une ferme urbaine installée sur le toit d’un immeuble reste tributaire des aléas météorologiques. Un orage de grêle, un coup de vent ou une subite vague de froid peuvent stopper la plante dans sa croissance, voire condamner une production exactement comme en zone rurale. En outre, la saisonnalité
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