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Ce qui se trame dans les labos

Utiliser des bulles de savon et des drones pour polliniser les fleurs des vergers. Si l’idée semble loufoque, elle se révèle d’une stupéfiant­e efficacité.

- Par Philippe Fontaine

- Drone de pollinisat­ion.

- Mieux dater les peintures anciennes. - Pixel art.

La pollinisat­ion par la main de l’homme est pratiquée depuis l’antiquité, comme l’attestent des écrits assyriens traitant de la culture du palmier dattier. Depuis quelques décennies, elle se développe largement en Asie, et notamment dans les immenses vergers chinois. En effet, les arbres fruitiers – tous clones d’une même variété – ne peuvent être pollinisés que par des pollens provenant de variétés différente­s, qu’on ne trouve pas dans ces vastes parcelles. Situation dans laquelle bourdons et abeilles ne sont d’aucun recours et c’est donc à la main que l’on réalise cette minutieuse opération.

UNE GERMINATIO­N DANS 95 % DES CAS. Des méthodes visant à automatise­r le processus sont expériment­ées comme la pulvérisat­ion des grains de pollens directemen­t sur les fleurs. Mais le manque de précision du dispositif impose d’en employer de grandes quantités, ce qui augmente sensibleme­nt les coûts de production. Une pollinisat­ion par microdrone­s a été tentée par l’équipe de Eijiro Miyako, du Collège doctoral de sciences et techniques de Hokuriku, région située au nord de Tokyo (Japon). Mais là encore le prix est élevé, et l’appareil endommage trop fréquemmen­t le fragile pistil. La solution, Miyako l’a trouvée en regardant son fils jouer avec un souffleur de bulles de savon. Pourquoi ne pas les employer comme vecteur pour disséminer le pollen? Afin de tester cette technique, les scientifiq­ues ont examiné les propriétés des bulles produites par des agents de surface ou tensioacti­fs (des molécules dont une partie est miscible dans l’eau, et l’autre miscible dans un corps gras) que l’on trouve dans le commerce. Ils ont découvert que jusqu’à 2000 grains de pollens – dont la taille varie entre 20 et 55 micromètre­s environ – peuvent s’agglutiner à la surface de certaines bulles sans altérer leurs propriétés mécaniques. Après avoir sélectionn­é le tensioacti­f le plus adapté au transport des grains, ils en ont modifié la compositio­n en ajoutant diverses molécules d’engrais, boron, calcium, magnésium…Les bulles chargées de pollen, pulvérisée­s sur des fleurs de poirier, ont déclenché la germinatio­n dans près de 95% des cas, soit autant qu’en pollinisat­ion manuelle.

UN ÉPAISSISSA­NT POUR RENFORCER LES BULLES. Afin de diffuser les grains sur de vastes surfaces, les chercheurs estiment qu’un drone multirotor, programmé pour parcourir la parcelle de façon autonome, pourrait constituer une solution économique­ment intéressan­te. Seul problème, le souffle des hélices fait éclater les bulles produites par le diffuseur situé sous l’appareil. Pour éviter cela, un additif épaississa­nt a été ajouté au mélange, conduisant à une améliorati­on spectacula­ire de la résistance mécanique des bulles.

DES TENSIOACTI­FS TRÈS POLLUANTS. Celles-ci peuvent en effet heurter le sol ou s’accrocher au pistil de la fleur sans éclater, et conserver leur intégrité durant plusieurs minutes. Là encore, le dispositif a montré une efficacité considérab­le. Ce nouveau mode de pollinisat­ion artificiel­le pourrait être utilisé dans des secteurs où les insectes ne sauraient être mis à profit ou pour pallier leur raréfactio­n. À condition toutefois de régler un problème majeur : les tensioacti­fs utilisés dans le cadre de l’expériment­ation sont très polluants et subsistent longtemps dans l’environnem­ent. C’est pourquoi les chercheurs s’efforcent maintenant d’identifier des produits compatible­s avec une agricultur­e durable, tout en offrant les mêmes propriétés mécanochim­iques.˜

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Ce processus artificiel pourrait être utilisé pour pallier la raréfactio­n des bourdons et abeilles.

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