LA TERRE VUE DU CIEL
Les nouvelles machines volantes intelligentes de l’Inrae sont capables de surveiller le rendement de chaque plante à des kilomètres à la ronde.
Le drone vient d’arriver à l’extrémité du champ. Il fait demitour, se décale d’un mètre et reprend son parcours autonome, survolant les épis de blé d’un vert monotone. C’est du moins ce qui apparaît à hauteur d’homme. L’immense champ est un laboratoire à ciel ouvert où sont évaluées des milliers de nouvelles variétés, plantées dans des microparcelles individuelles. Le drone est en train de réaliser leur phénotypage, une pratique qui consiste à caractériser tous les traits observables d’un organisme (son phénotype).
LES PLANTES PASSÉES AU CRIBLE. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) développe des algorithmes de machine learning pour automatiser et accélérer le processus. Depuis une demi-douzaine d’années, un robot autonome sur roues bardé de capteurs, la Phénomobile, est employé pour collecter les données qui alimentent l’intelligence artificielle employée dans les nouveaux drones agricoles.
Ces derniers sont maintenant capables de reprendre certaines tâches du robot tout en les effectuant plus vite, pour un coût moindre et une plus grande agilité. L’essentiel des mesures s’effectue grâce aux caméras qui scrutent les végétaux dans le spectre visible et l’infrarouge, avec une précision inférieure au millimètre. Les données sont ensuite traitées par les réseaux de neurones qui extraient les caractéristiques morphologiques de chaque plante, telles que la quantité de feuilles par mètre carré au sol, la hauteur de l’épi ou la masse de grains par rapport à la biomasse totale. L’algorithme est aussi capable de mesurer la résistance au stress hydrique de chaque variété et de détecter toute maladie affectant le feuillage.
UNE IA TOUJOURS PLUS PRÉCISE. Enfin, comme le drone parcourt le champ plusieurs fois par semaine, il est possible de suivre précisément l’évolution du phénotype de chaque plante, à mesure de sa croissance. L’Inrae développe maintenant des applications destinées à l’agriculture de précision, une pratique qui vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en apportant la bonne dose au bon endroit et à accroître la productivité. Par exemple, deux jours d’erreur sur la date du début de la récolte des haricots verts et la qualité comme le prix de vente seront sévèrement impactés. Or la croissance n’est pas uniforme sur l’ensemble de la parcelle. Mais avec les drones, qui surveillent presque au jour le jour le développement, il est possible de définir l’ordre dans lequel chaque zone devra être récoltée afin de garantir un rendement optimal.