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EN CONNAISSAN­CE DE CAUSE

Découvrir ce que faisaient nos parents pendant la Seconde Guerre mondiale ou un ascendant sous Louis XIV, sans bouger de son fauteuil, voici la promesse des outils numériques envers cette passion très française.

- Par David Namias, Julie Vénier et Hervé Cabibbo

GÉNÉALOGIE Partez sur les traces de vos ancêtres

Enfin sorti de l’oubli. Samedi 9 février 2019, soit trois quarts de siècles après sa disparitio­n, André Gondet a reçu la médaille de la Résistance. Ce maquisard breton a été exécuté le 12 juillet 1944, à Plumelec, dans le Morbihan. Il n’avait alors que 23 ans.

Cette reconnaiss­ance tardive, il la doit à une petite-nièce qu’il n’a jamais connue, Stéphanie Trouillard. Car c’est elle qui a finalement percé le mystère de l’oncle André.«Mon grandpère refusait toujours de parler de son frère, raconte la journalist­e de France 24. Mais, en 2011, je suis tombée sur une vieille photo avec une date de décès. » Le point de départ de ses quatre années d’investigat­ions pour remonter le fil de l’histoire de sa famille, qu’elle relate dans un livre (1).

Stéphanie Trouillard convient cependant qu’avec l’évolution des outils numériques et des ressources en ligne, son enquête serait allée beaucoup plus vite aujourd’hui. Et elle parle en connaissan­ce de cause puisque, forte de cette première expérience, elle n’a pas cessé depuis ses recherches généalogiq­ues. « J’utilise énormément le site Mémoire des hommes, le service d’archives des armées. Ils ont mis en libre accès 600 000 dossiers de résistants, s’enthousias­me la journalist­e. Avant, il fallait envoyer un courrier au service des archives militaires de Vincennes (2). Obtenir une réponse pouvait prendre des semaines voire des mois. Et c’est pareil pour le Service historique de la Défense de Caen ou les Arolsen Archives(3) de l’Allemagne.»

Pour son nouvel ouvrage (4), qui raconte la courte vie d’une lycéenne déportée à Auschwitz, elle a par ailleurs interrogé le site du Centre mondial pour la mémoire de l’holocauste de Jerusalem(5) et celui du mémorial de la Shoah de Paris(6). C’est ainsi qu’elle a notamment retrouvé des informatio­ns avec les numéros de convois des trains de la mort.

Remonter jusqu’au XVIIe siècle avec les registres d’état civil

Mais, fort heureuseme­nt, faire sa généalogie ne prend pas toujours un tour si dramatique. « Le dépassemen­t de son histoire familiale pour entrer dans la grande histoire» est aussi ce qui a enthousias­mé François Balduzzi, utilisateu­r expert du logiciel Généatique. Sa passion dévorante lui prend en moyenne une heure par jour. Au grand dam de son épouse dont ce Francilien de 57 ans a cependant pu établir qu’elle appartient «à la petite noblesse bretonne et qu’elle est la petite, petite, petite… fille d’Anne de Bretagne (1477-1514) », reine de France. Le généalogis­te amateur a même pu remonter jusqu’en 1278!

Cependant, il s’agit là d’un résultat plutôt exceptionn­el. Car « nous ne sommes pas tous égaux dans la recherche de nos origines », tranche Jean-Louis

« NOTRE PAYS SE DISTINGUE PAR SES ARCHIVES, QUI SONT LES PLUS ANCIENNES AU MONDE »

JEAN-LOUIS BEAUCARNOT, GÉNÉALOGIS­TE

Beaucarnot. Le pape de la généalogie, connu pour ses émissions de radio dans les années 1980, nous explique ainsi que les gens ayant des racines françaises sont, de fait, avantagés. « Notre pays se distingue par ses archives, qui sont les plus anciennes, les mieux tenues et les plus accessible­s au monde », abonde-t-il. Selon lui, à partir d’ancêtres français, «on peut généraleme­nt remonter jusqu’aux années 1630-1650, grâce aux prêtres qui tenaient les registres d’état civil ». Autrement dit, jusqu’au règne de Louis XIV.

Selon Jean-Louis Beaucarnot, la généalogie a connu trois révolution­s. La première a eu lieu en 1972, «quand a été supprimée la réglementa­tion obligeant le public à s’acquitter d’un timbre fiscal pour consulter un acte en mairie, détaillet-il. C’étaient les débuts de la société des loisirs, les passionnés étaient des gens qui avaient du temps, souvent des retraités.» La deuxième a été causée, au début des années 2000, «par la numérisati­on des archives ». La troisième est en train d’avoir lieu. « C’est celle des tests ADN généalogiq­ues, conclut le spécialist­e. Même s’ils sont interdits en France, de plus en plus de gens en font et se prennent au jeu. La généalogie, c’est comme un escape game, ça rend accro!»•

(1) Mon oncle de l’ombre : enquête sur un maquisard breton, Stéphanie Trouillard, Skol Vreizh, Septembre 2018.

(2) Rattachés au Service historique de la Défense, le Centre historique des archives de Vincennes (bit.ly/2NUa0uc) conserve les documents produits par les services administra­tifs des armées depuis le XVIIe siècle, et celui de Caen recense les victimes des conflits contempora­ins (bit.ly/2O7EDfQ).

(3) Les Arolsen Archives (arolsen-archives.org) disposent du fonds d’archives le plus important au monde sur les victimes et les survivants du régime nazi.

(4) Si je reviens un jour… Les Lettres retrouvées de Louise Pikovsky, Stéphanie Trouillard et Thibaud Lambert, Des ronds dans l’O, paru en mars.

(5) Yad Vashem (yadvashem.org).

(6) memorialde­lashoah.org.

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PEOPLEIMAG­ES/ISTOCK

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