LES SATELLITES, ÂGE D'OR OU FAR WEST ?
Plus simples à concevoir, moins chers à fabriquer, les satellites de nouvelle génération trouvent toujours plus d’acheteurs et se multiplient autour de la Terre. Mais la réglementation internationale peine à suivre…
Il y en a de plus en plus autour de la Terre, ils sont plus simples et moins chers à fabriquer, on en trouve même en kit sur internet.
Il n’y a plus une seule école d’ingénieur digne de ce nom qui ne propose pas dans son cursus une formation à la fabrication de satellites », affirme Christophe Bonnal, expert du Centre national d’études spatiales (Cnes), mondialement reconnu dans les domaines des lanceurs et des débris spatiaux. Il est même désormais possible d’acheter son satellite en kit sur internet. Le site de la société néerlandaise Isis, par exemple, vend tous les composants (panneau solaire, ordinateur de bord, antennes…) ainsi que les logiciels de conception et d’exploitation nécessaires à leur fonctionnement. « Vous pouvez également procéder à son lancement, en particulier si vous n’avez pas d’exigences strictes en matière d’orbite, et bénéficier d’infrastructures au sol pour communiquer avec vos engins orbitaux », renchérit Alex da Silva Curiel, responsable du développement des affaires internationales de Surrey Satellite Technology Limited, société anglaise spécialisée dans la réalisation et la gestion de petits satellites. « L’infrastructure ne coûte que quelques milliers d’euros environ, et il suffit ensuite de s’adresser à un courtier pour l’intégrer dans un CubeSat (un nanosatellite en forme de cube mesurant dix centimètres de côté) », précise Christophe Bonnal.
Mille engins par an mis sur orbite
Ces petits satellites à bas coût, rapides à fabriquer et aux performances sans cesse accrues, inaugurent donc une nouvelle ère spatiale. Ils s’imposent dans le cadre du développement des systèmes de positionnement (Galileo, GPS) ou de communication comme l’internet par satellite, au point de former des mégaconstellations: des milliers de satellites qui travaillent de concert pour former une couverture. C’est le coeur du projet Starlink (lire encadré p.27), initié par la société Space X d’Elon Musk.
D’après un expert qui souhaite garder l’anonymat, la société du milliardaire américain en met une soixantaine sur orbite tous les quinze jours pour un coût de lancement unitaire qui pourrait être de l’ordre de seulement 500 000 dollars ! « Au début de l’aventure spatiale, un satellite nécessitait deux à trois ans de fabrication et son prix se calculait alors en milliards de dollars », rappelle Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique et auteur de l’ouvrage Le nouvel âge spatial (CNRS éditions, 2017). Selon Alex da Silva Curiel, « même la Nasa a fini par
adopter les petits satellites afin d’accumuler de l’expérience, de la fiabilité et des connaissances en vue de missions utilisant de gros satellites et plus gourmandes financièrement ». Le nombre total d’engins mis sur orbite annuellement est ainsi passé « d’une centaine il y a une dizaine d’années à environ mille aujourd’hui, et cela, alors que le nombre de lancements est resté relativement stable, autour d’une centaine par an », d’après Luisa Innocenti, cheffe du programme Clean Space à l’Agence spatiale européenne.
SpaceX, Amazon, OneWeb… À la conquête de l’espace orbital
À l’échelle mondiale, « un peu plus de 70 pays sont désormais propriétaires d’au moins un satellite en orbite », constate Xavier Pasco, contre une soixantaine il y a deux ans. Les budgets consacrés à l’espace augmentent à nouveau dans les agences spatiales des treize pays capables de fabriquer leurs propres lanceurs et d’accéder à l’espace de manière autonome. Ainsi, le Royaume-Uni, peu enclin historiquement à braver ce type de défis et dont l’agence spatiale ne dépensait « que » quelques centaines de millions de livres annuellement, compte désormais investir massivement, à coups de milliards dans les satellites. Le Brexit et sa sortie du programme de GPS européen Galileo n’y sont pas étrangers.
L’offre s’est aussi considérablement élargie, parce que « les sociétés capables de fabriquer des satellites se comptent désormais par centaines », remarque Xavier Pasco. Dès lors, les quelque deux mille satellites actifs que comptent les différentes orbites spatiales à l’heure actuelle vont voir leur nombre augmenter de manière exponentielle. SpaceX s’est ainsi vu accorder l’autorisation par la Commission fédérale des communications américaine de lancer, dans les années qui viennent, pas moins de… 42 000 satellites ! OneWeb, société
POUR MIEUX CONNECTER LE MONDE À INTERNET, des entreprises privées couvrent l’orbite terrestre de mégaconstellations de nanosatellites