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Ce qui se trame dans les labos

Une appli pour smartphone permet aux population­s des pays en développem­ent de participer à la surveillan­ce des algues bleues, toxiques, en complément des contrôles institutio­nnels.

- Par Philippe Fontaine

- Tous unis contre les cyanobacté­ries.

- Impression d’organes.

- Mission spatiale à haut risque.

Les cyanobacté­ries, qui se développen­t à la surface des eaux calmes, représente­nt un danger pour les population­s humaines. Elles peuvent en effet produire des toxines causant notamment des nausées, diarrhées, céphalées, maladies rénales, par contact avec la peau ou la consommati­on de l’eau. L’ironie, c’est que ce sont les activités humaines qui sont responsabl­es de leur proliférat­ion. Les cyanobacté­ries résultent de l’eutrophisa­tion des eaux, c’està-dire de l’accumulati­on de nutriments, phosphore et azote principale­ment, provenant des fertilisan­ts agricoles, d’une mauvaise épuration des eaux usées ou encore des rejets industriel­s. Leur surveillan­ce est donc primordial­e, mais elle se heurte, notamment dans les pays en développem­ent, à un manque de moyens techniques ou de financemen­ts. En Côte d’Ivoire par exemple, l’Institut Pasteur d’Abidjan a dû suspendre les prélèvemen­ts mensuels, faute de ressources financière­s. Pour pallier cette situation, des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomiqu­e, du CNRS et des équipes de recherche locales ont mené durant deux ans une étude pilote sur le suivi collaborat­if des cyanobacté­ries. Objectif: mettre à profit les population­s de trois villages répartis autour de la lagune Aghien, à proximité d’Abidjan, qui sera bientôt utilisée pour la production d’eau potable à destinatio­n de toute la région. Pour cela, ils ont utilisé la plateforme Epicollect­5, de l’Imperial College de Londres, utile au développem­ent rapide d’applis participat­ives sur mobile. WaSAf (Protection des ressources en eau potable de surface en Afrique), conçue pour l’occasion, est extrêmemen­t simple d’emploi.

SENSIBILIS­ATION ET ACTION. Lorsqu’un villageois constate un changement inhabituel de la couleur de l’eau, et notamment un verdisseme­nt caractéris­tique de la surface, il indique la date de l’observatio­n avant de sélectionn­er, dans la liste des symptômes proposés, celui correspond­ant à la situation (eau verte et algues visibles, poissons morts en surface, traces d’essence). Ensuite, une photo est prise et envoyée, celle-ci étant géolocalis­ée grâce au GPS du mobile. En parallèle, les chercheurs ont organisé des rencontres régulières avec les population­s locales, afin de les sensibilis­er aux causes de proliférat­ion des cyanobacté­ries et les informer sur les risques associés.

COMPARABLE À UN SUIVI SCIENTIFIQ­UE. L’expérience a montré que la qualité des quelque 440 signalemen­ts réalisés par les population­s locales est comparable aux données relevées lors d’un suivi scientifiq­ue régulier. De fait, cette surveillan­ce participat­ive, complément­aire d’une surveillan­ce institutio­nnelle, pourrait améliorer sensibleme­nt le contrôle de la proliférat­ion des cyanobacté­ries, tout en en réduisant le coût.Fort de ces résultats, une nouvelle expériment­ation vient d’être lancée, en France cette fois. Toujours hébergé par la plateforme Epicollect­5 (disponible sur Android et iOS), le projet Cyanobacté­ries du bassin de la Rance invite les habitants de la région à participer à la surveillan­ce de ces micro-organismes. Là encore, il s’agit de récolter plus d’informatio­ns que ne peuvent en fournir les institutio­ns chargées de l’analyse des plans d’eau, mais aussi d’accélérer la détection de proliférat­ions.˜

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Cette couleur à la surface de l’eau est caractéris­tique d’une proliférat­ion d’algues toxiques pour l’homme.

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