Ce qui se trame dans les labos
Une appli pour smartphone permet aux populations des pays en développement de participer à la surveillance des algues bleues, toxiques, en complément des contrôles institutionnels.
- Tous unis contre les cyanobactéries.
- Impression d’organes.
- Mission spatiale à haut risque.
Les cyanobactéries, qui se développent à la surface des eaux calmes, représentent un danger pour les populations humaines. Elles peuvent en effet produire des toxines causant notamment des nausées, diarrhées, céphalées, maladies rénales, par contact avec la peau ou la consommation de l’eau. L’ironie, c’est que ce sont les activités humaines qui sont responsables de leur prolifération. Les cyanobactéries résultent de l’eutrophisation des eaux, c’està-dire de l’accumulation de nutriments, phosphore et azote principalement, provenant des fertilisants agricoles, d’une mauvaise épuration des eaux usées ou encore des rejets industriels. Leur surveillance est donc primordiale, mais elle se heurte, notamment dans les pays en développement, à un manque de moyens techniques ou de financements. En Côte d’Ivoire par exemple, l’Institut Pasteur d’Abidjan a dû suspendre les prélèvements mensuels, faute de ressources financières. Pour pallier cette situation, des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique, du CNRS et des équipes de recherche locales ont mené durant deux ans une étude pilote sur le suivi collaboratif des cyanobactéries. Objectif: mettre à profit les populations de trois villages répartis autour de la lagune Aghien, à proximité d’Abidjan, qui sera bientôt utilisée pour la production d’eau potable à destination de toute la région. Pour cela, ils ont utilisé la plateforme Epicollect5, de l’Imperial College de Londres, utile au développement rapide d’applis participatives sur mobile. WaSAf (Protection des ressources en eau potable de surface en Afrique), conçue pour l’occasion, est extrêmement simple d’emploi.
SENSIBILISATION ET ACTION. Lorsqu’un villageois constate un changement inhabituel de la couleur de l’eau, et notamment un verdissement caractéristique de la surface, il indique la date de l’observation avant de sélectionner, dans la liste des symptômes proposés, celui correspondant à la situation (eau verte et algues visibles, poissons morts en surface, traces d’essence). Ensuite, une photo est prise et envoyée, celle-ci étant géolocalisée grâce au GPS du mobile. En parallèle, les chercheurs ont organisé des rencontres régulières avec les populations locales, afin de les sensibiliser aux causes de prolifération des cyanobactéries et les informer sur les risques associés.
COMPARABLE À UN SUIVI SCIENTIFIQUE. L’expérience a montré que la qualité des quelque 440 signalements réalisés par les populations locales est comparable aux données relevées lors d’un suivi scientifique régulier. De fait, cette surveillance participative, complémentaire d’une surveillance institutionnelle, pourrait améliorer sensiblement le contrôle de la prolifération des cyanobactéries, tout en en réduisant le coût.Fort de ces résultats, une nouvelle expérimentation vient d’être lancée, en France cette fois. Toujours hébergé par la plateforme Epicollect5 (disponible sur Android et iOS), le projet Cyanobactéries du bassin de la Rance invite les habitants de la région à participer à la surveillance de ces micro-organismes. Là encore, il s’agit de récolter plus d’informations que ne peuvent en fournir les institutions chargées de l’analyse des plans d’eau, mais aussi d’accélérer la détection de proliférations.