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Prendre le vivant comme modèle pour le futur

- KALINA RASKIN, directrice générale du Ceebios Propos recueillis par Marie-Laure Théodule

Vous dirigez le Ceebios (Centre d’études et d’expertises en biomimétis­me) dont la mission est de développer le biomimétis­me en France, comment définissez-vous ce concept ?

C’est une approche scientifiq­ue KALINA RASKIN qui vise à s’inspirer du vivant pour innover. Elle nécessite des collaborat­ions interdisci­plinaires entre la biologie et presque toutes les autres sciences pour développer de nouveaux produits répondant aux défis de la transition écologique. Le biomimétis­me considère les quatre milliards d’années d’évolution des systèmes vivants comme un vaste laboratoir­e de recherche et développem­ent à ciel ouvert. L’idée n’est pas de copiercoll­er ces systèmes, mais plutôt de transposer leurs propriétés.

Depuis combien de temps cette démarche existe-t-elle ?

L’homme a toujours voulu imiter la K. R. nature. Mais le biomimétis­me décolle vraiment depuis une vingtaine d’années grâce aux pas de géant franchis par la biologie pour explorer et comprendre le vivant avec des instrument­s de plus en plus précis (microscope­s électroniq­ues, laser, IRM, données satellitai­res, etc.). Et aussi parce qu’on sait aujourd’hui fabriquer des matériaux à la structure complexe, tout en restant sobre en matière d’énergie, grâce à de nouveaux moyens comme, par exemple, l’impression 3D. La recherche est donc en pleine effervesce­nce, les entreprise­s également.

Quels sont ses principaux secteurs d’applicatio­n ?

L’aéronautiq­ue s'est saisi très tôt du K. R. biomimétis­me, notamment pour profiler les avions en s’inspirant du vol des oiseaux. L’informatiq­ue aussi, avec l’analyse mathématiq­ue de systèmes biologique­s complexes, comme les essaims d’insectes. Puis beaucoup d’autres secteurs s’en sont emparés: la santé, les cosmétique­s, le bâtiment, le traitement du signal avec des capteurs de plus en plus performant­s… Par ailleurs, l’agroforest­erie et l’agroécolog­ie s’inspirent des écosystème­s naturels, en réaction à la monocultur­e intensive qui a ravagé les sols.

Pouvez vous donner quelques exemples symbolique­s de réussite ?

Le grand classique maintes fois cité, K. R. c’est le Velcro. On doit son invention, en 1955, à un ingénieur suisse, George de Mestral. Il a été inspiré par la forte adhérence des fleurs de chardon-bardane qu’il avait observées sur son pantalon lors de balades en forêt. Depuis, de très belles entreprise­s, issues de la recherche de pointe, ont émergé, notamment en France. Ainsi, pour remplacer les insecticid­es, M2i Life Science imite les phéromones, substances olfactives que les insectes laissent sur leur passage. Ses phéromones de synthèse attirent les ravageurs dans des pièges ou limitent leur reproducti­on en brouillant les pistes entre mâles et femelles. Elles combattent la terrible pyrale du buis, le charançon du palmier ou encore le ver rose du cotonnier.Autres exemples très intéressan­ts : les hydrolienn­es d’Eel Energy, le nez artificiel d’Aryballe ou encore les capteurs visuels de Prophesee (lire p. 29).

Le concept fait rêver, mais passer du vivant à l’industrial­isation de produits, est-ce si simple ?

Pas toujours, car la chimie n’est pas K. R. encore assez perfection­née pour obtenir des matériaux aussi multifonct­ionnels et durables que ceux du vivant. Et nos techniques de fabricatio­n restent encore un peu grossières comparées à l’élégance de la nature. Mais c’est le propre de toute innovation de poser des défis. Le Ceebios intervient pour structurer ce que l’on peut appeler la filière du biomimétis­me et rapprocher les scientifiq­ues des entreprise­s. Les 200 équipes de recherche qui existent en France commencent à s’organiser en groupement­s. Le CNRS a inscrit le biomimétis­me dans ses priorités stratégiqu­es pour 2020-2023. Et un grand projet va démarrer en 2021 avec le Museum national d’histoire naturelle, véritable mine d’idées avec ses 70 millions de spécimens.

Qu’attendez-vous de Bio-inspirée, la toute nouvelle exposition permanente de la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, dont vous êtes partenaire ?

Nous voulions que cette exposition ne K. R. se réduise pas à un catalogue d’exemples, mais qu’elle donne au visiteur matière à réflexion sur ce que le vivant peut nous offrir pour bâtir un monde où il fasse bon vivre demain. On est tous conscients qu’il faut changer de cap face aux risques du réchauffem­ent climatique et de la globalisat­ion. Cette exposition propose une solution: prendre le vivant comme modèle pour construire un futur biocompati­ble.

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 ??  ?? Bio-inspirée, la nouvelle exposition permanente de la Cité des sciences et de l’industrie, accueille les visiteurs dans sa serre depuis le 28 septembre.
Bio-inspirée, la nouvelle exposition permanente de la Cité des sciences et de l’industrie, accueille les visiteurs dans sa serre depuis le 28 septembre.

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