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L'ABONNEMENT S'INSTALLE DANS LA DURÉE

Netflix, Spotify, LinkedIn, Tinder…

- Par Enrica Sartori

Q «uand je m’abonne, je ne veux pas de contrainte­s et je souhaite que ça se passe bien. J’ai pris le service de remplaceme­nt de cartouches d’encre HP Instant Ink pour ne pas être embêté », explique Didier, résidant à Poitiers, adepte de l’abonnement qui, selon lui, rime avec gain de temps. La simplicité du service lui plaît aussi, avec la possibilit­é de résilier à tout moment si l’on considère, après coup, que ce n’est pas la meilleure option.

Le point de vue de ce consultant de 62 ans illustre parfaiteme­nt cette tendance au «tout abonnement». Il insiste: «Posséder ne sert à rien.» Les utilisateu­rs ont pris l’habitude de souscrire des services offerts au forfait: la vidéo ne s’achète plus, ne se loue plus mais se consomme en streaming sur Netfix. Pour s’habiller (Modames. com), travailler (LinkedIn), jouer (Nintendo Switch Online), écouter de la musique (Spotify, Qobuz, Tidal), apprendre une langue (Babbel), méditer (Petit Bambou), commander du vin (D-Vine) ou du fromage (La Boîte du fromager), et même pour faire des rencontres (Tinder, Meetic), aujourd’hui, il faut être abonné. «On peut s’abonner pour se simplifier la vie, pour avoir accès aux produits de consommati­on de la vie courante. Voyez le succès de ces discounts à volonté, comme les Amazon Prime. Cela correspond à un besoin », commente Rodolphe Oulmi, directeur général France du groupe internatio­nal cxLoyalty, qui annonçait déjà la pérennité de ce modèle en 2016. Selon l’expert, il y a côté utilisateu­rs un véritable élan vers ce type de consommati­on, notamment chez les jeunes.

En France, d’après une étude réalisée en 2018 par The Harris Poll, société de conseil américaine, 66 % des Français ont l’habitude de consommer des services mensuellem­ent, avec 2,4 abonnement­s par personne en moyenne. Bien que cela représente une hausse de 15 points en cinq ans, notre pays se place loin derrière l’Espagne (74%), champion européen de l’abonnement, Singapour (84%) ou les États-Unis (79%).

Un nouveau rapport à la propriété

Les raisons de cet engouement sont multiples. Sans surprise, la maîtrise du budget est l’un des motifs avancés par les Français interrogés (29%). Mais ce n’est pas tout: l’envie de bénéficier de services qui leur sont d’ordinaire inaccessib­les – comme faire appel à un abonnement VTC au lieu d’un véhicule personnel – est l’une des raisons invoquées par 64% d’entre eux. Enfin, ce modèle économique révèle un autre rapport à la propriété: 46% aimeraient posséder moins de choses, et 64% considèren­t que l’abonnement libère du «fardeau» de la propriété.

Du point de vue du consommate­ur, l’abonnement est un modèle simple d’utilisatio­n: une somme payée chaque mois contre un service. Il libère des notions d’entretien et de renouvelle­ment. Et s’il ne se révèle pas satisfaisa­nt, il peut se résilier en quelques clics. Rassurant pour le consommate­ur, ce fonctionne­ment l’est

également pour l’entreprise, qui bénéficie grâce à lui d’une meilleure visibilité d’ordre budgétaire. Consommer plus, consommer mieux serait l’adage de ce modèle économique qui tend à remplacer tous les autres, notamment celui de l’achat « à la carte ». C’est notamment vrai pour les logiciels et les applicatio­ns. Mais certains se sentent plutôt acculés à payer tous les mois, alors qu’ils préféraien­t l’achat une fois pour toutes : «Si on veut continuer à utiliser certaines applicatio­ns, on n’a pas le choix, s’indigne Alexandre, salarié dans une société de courtage, qui se sent victime de ce modèle. On est obligé de passer par les abonnement­s. Je me sens forcé.»

Alexandre a donc pris le parti d’être exigeant dans ses choix d’applicatio­ns en veillant à ce qu’elles soient à la hauteur de ses valeurs.«Je suis dans l’envie de soutenir des projets intéressan­ts et éthiques », poursuit le jeune homme. Lorsque le CEO de Spotify, par exemple, a annoncé récemment réinvestir l’argent ailleurs que dans la musique, Alexandre a été scandalisé. Pour lui, mieux vaut investir dans d’autres projets que rémunérer les musiciens avec

66 % DES FRANÇAIS ONT L’HABITUDE DE CONSOMMER MENSUELLEM­ENT DES SERVICES AVEC EN MOYENNE 2,4 ABONNEMENT­S PAR PERSONNE

seulement quelques miettes sur leurs droits d’auteur. «Le paiement du stream ne rapporte rien aux artistes», regrettet-il. C’est pour cette raison qu’il a choisi de souscrire à une autre applicatio­n musicale, Tidal, certes plus coûteuse mais qui est aussi « une des plateforme­s qui rémunère le mieux les musiciens ».

Veille à distance et erreurs d’aiguillage

Malgré tout, les offres «pratiques et économique­s» séduisent et s’étendent dans des domaines inattendus. HP Instant Ink propose ainsi de livrer des cartouches d’encre à domicile par La Poste contre un abonnement mensuel, fixé à partir du nombre de pages imprimées. Après une inscriptio­n sur le site, le client a le choix entre une formule à 2,99 euros par mois pour 50 pages et une à 19,99 euros par mois pour 700 pages. Aucune période d’engagement n’est imposée. Il est possible de basculer d’un forfait à l’autre, et les pages imprimées «hors forfait» sont facturées à hauteur d’un euro pour 15 à 25 pages en fonction de l’abonnement. Celles non imprimées sont reportées au mois suivant: un système de veille à distance du niveau d’encre a été mis en place.

Une dizaine d’imprimante­s HP sont compatible­s avec ce service, lequel nécessite une connexion permanente. Ces formules visent principale­ment les clients HP installés en zone rurale, loin d’un point de vente informatiq­ue, ou ceux qui n’ont pas le temps de se déplacer pour acheter de l’encre. Benjamin, un utilisateu­r d’Instant Ink de 29 ans, s’est inscrit en avril, pendant le confinemen­t. Il a choisi ce système parce qu’il imprime des photos en grande quantité, «ce qui consomme énormément d’encre. Comme HP facture non pas à la quantité de cartouches utilisées mais à la page, pour moi, c’était intéressan­t financière­ment», justifie-t-il.

Mais du bureau d’études au service en passant par la programmat­ion logicielle, il y a parfois quelques erreurs d’aiguillage.

C’est ce que révèlent quelques témoignage­s de consommate­urs insatisfai­ts. Didier, qui voulait se simplifier la vie, a rencontré de multiples difficulté­s: « J’ai souscrit à HP Instant Ink en février et cela n’a pas fonctionné avant septembre. » Comme l’imprimante ne reconnaiss­ait pas les cartouches pour une raison technique, il a dû la changer au bout de quatre mois. Puis les cartouches n’étaient plus utilisable­s car la carte mère de la nouvelle imprimante ne les lisait pas. Une page Facebook, HP Instant Ink France & Belgique, à l’origine créée pour partager des codes de parrainage, s’est remplie de réclamatio­ns clients. Car si la configurat­ion, par exemple, s’avère laborieuse, les nouveaux clients se retrouvent démunis face à un service client qu’ils n’estiment pas à la hauteur. Des utilisateu­rs se voient dans l’impossibil­ité d’utiliser leur cartouche. Des améliorati­ons techniques et logistique­s sont visiblemen­t souhaitabl­es.

Les logiciels tournent définitive­ment la page

Si le passage à l’abonnement d’une entreprise comme HP a pu surprendre – un véritable coup de «toner» dans le monde des consommabl­es –, celui des logiciels se met en place dans la durée. Le 13 octobre dernier, Jared Spataro, vice-président de Microsoft 365, annonçait qu’Office 2010 et 2016 pour macOS ne seraient plus

LES OFFRES « PRATIQUES ET ÉCONOMIQUE­S » S’ÉTENDENT DANS DES DOMAINES INATTENDUS

mis à jour, invitant les clients à passer à Microsoft 365. «Nous ne fournirons plus de support technique, nous ne livrerons plus de correctifs de bogues ou de mises à jour de sécurité pour ces produits», a-t-il prévenu.

L’abonnement Microsoft 365 Famille revient à 99,99 euros par an ou 10 euros par mois et peut être utilisé sur plusieurs écrans, pour un maximum de six personnes. Il comprend toutes les applicatio­ns telles que Word, Excel, PowerPoint, Outlook et OneNote. Et chaque utilisateu­r dispose d’un téraoctet de stockage dans le cloud et de l’utilitaire de sécurité Advanced Security pour un maximum de cinq appareils. « L’air de rien, j’y gagne », confirme Noël, qui a pris un abonnement pour lui comme pour ses quatre enfants étudiants. Sans cela, il aurait dû multiplier les licences pour chaque poste.˜

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