Ce qui se trame dans les labos
Des chercheurs américains ont réussi la téléportation de bits quantiques sur une longue distance, en utilisant du matériel informatique et de télécommunication déjà disponible.
- Un nouveau pas vers l’internet quantique. - En plein dans le vert.
- Une faille sous très haute surveillance.
C’est une nouvelle étape qui vient d’être franchie dans la longue et difficile quête de l’internet quantique. Une équipe de chercheurs, associant notamment Caltech, Fermilab et la NASA, est parvenue à téléporter par fibre optique, sur une distance de 44 kilomètres et avec une fiabilité de 90%, une série de qubits photoniques. Si cette phrase vous semble un tantinet obscure, rassurez-vous, même sans plonger dans les sombres méandres de la mécanique quantique, il est possible de comprendre de quoi il s’agit.
Déjà, oubliez Star Trek : quand on parle de téléportation, il ne s’agit pas de transporter de la matière, ou même de l’énergie. Le terme de téléportation quantique suggère simplement que lorsqu’un état quantique est transféré d’un point A vers un point B, l’état de départ est irrémédiablement altéré. Un peu comme s’il disparaissait pour réapparaître plus loin.
PETIT RAPPEL DES CONNAISSANCES. Mais qu’est-ce qui différencie une transmission classique d’une téléportation quantique? Dans les systèmes numériques actuels, les données sont codées en binaire, chaque bit ne pouvant revêtir qu’un et un seul état, 0 ou 1. Imaginez à présent qu’un bit puisse présenter, en même temps, ces deux valeurs. Ce phénomène, appelé superposition quantique, signifie qu’il a une certaine probabilité d’être dans un ou l’autre état, que l’on ne peut déterminer, à moins de le vérifier. Mais surtout, cet état reste indéfini, tant qu’on ne le mesure pas! Souvenez-vous du chat de Schrödinger, qui est à la fois vivant et mort tant qu’on n’ouvre pas la boîte. Rien à voir, par exemple, avec un courrier qui renfermerait le résultat d’un examen, et dont le contenu ne changera pas, qu’on le consulte ou non.
Ces entités, baptisées qubits, sont la base de l’informatique quantique. Et elles possèdent une particularité étonnante, qu’on nomme intrication, ou enchevêtrement quantique: deux particules distinctes, même éloignées l’une de l’autre, partagent la même information, au même moment. Si l’on change l’état de la particule A, il en est de même pour la particule B, à une vitesse proche de celle de la lumière. Ce miracle de la mécanique quantique laisse entrevoir de formidables applications, notamment pour réduire les temps de calculs mathématiques.
IL FAUDRA ENCORE ÊTRE PATIENT. En effet, et pour simplifier, comme chaque valeur de qubit peut présenter un nombre indéfini d’états superposés, des calculs impliquant plusieurs qubits s’effectuent presque instantanément, comparés à un système binaire qui doit tester une à une toutes les possibilités.
Ce comportement est également précieux pour garantir la sécurité des données qui transitent sur internet. En effet, comme nous l’avons vu, la superposition quantique disparaît dès que l’on mesure l’état du qubit. Ce qui signifie que si elle est absente lorsqu’un destinataire reçoit un message codé en qubit, cela prouve que quelqu’un l’a intercepté. Et comme tout ceci est quasi-instantané, ce moyen peut être utilisé pour sécuriser une liaison internet, les premiers qubits échangés n’ayant pour seul objectif que de vérifier l’intégrité du réseau.
Il faudra cependant encore pas mal de temps avant de profiter de cette technologie, tant les problèmes techniques sont nombreux. Mais le fait d’avoir réussi cette téléportation en utilisant du matériel réseau et informatique classique est très encourageant.