01Net

Ce qui se trame dans les labos

Des chercheurs américains ont réussi la téléportat­ion de bits quantiques sur une longue distance, en utilisant du matériel informatiq­ue et de télécommun­ication déjà disponible.

- Par Philippe Fontaine

- Un nouveau pas vers l’internet quantique. - En plein dans le vert.

- Une faille sous très haute surveillan­ce.

C’est une nouvelle étape qui vient d’être franchie dans la longue et difficile quête de l’internet quantique. Une équipe de chercheurs, associant notamment Caltech, Fermilab et la NASA, est parvenue à téléporter par fibre optique, sur une distance de 44 kilomètres et avec une fiabilité de 90%, une série de qubits photonique­s. Si cette phrase vous semble un tantinet obscure, rassurez-vous, même sans plonger dans les sombres méandres de la mécanique quantique, il est possible de comprendre de quoi il s’agit.

Déjà, oubliez Star Trek : quand on parle de téléportat­ion, il ne s’agit pas de transporte­r de la matière, ou même de l’énergie. Le terme de téléportat­ion quantique suggère simplement que lorsqu’un état quantique est transféré d’un point A vers un point B, l’état de départ est irrémédiab­lement altéré. Un peu comme s’il disparaiss­ait pour réapparaît­re plus loin.

PETIT RAPPEL DES CONNAISSAN­CES. Mais qu’est-ce qui différenci­e une transmissi­on classique d’une téléportat­ion quantique? Dans les systèmes numériques actuels, les données sont codées en binaire, chaque bit ne pouvant revêtir qu’un et un seul état, 0 ou 1. Imaginez à présent qu’un bit puisse présenter, en même temps, ces deux valeurs. Ce phénomène, appelé superposit­ion quantique, signifie qu’il a une certaine probabilit­é d’être dans un ou l’autre état, que l’on ne peut déterminer, à moins de le vérifier. Mais surtout, cet état reste indéfini, tant qu’on ne le mesure pas! Souvenez-vous du chat de Schrödinge­r, qui est à la fois vivant et mort tant qu’on n’ouvre pas la boîte. Rien à voir, par exemple, avec un courrier qui renfermera­it le résultat d’un examen, et dont le contenu ne changera pas, qu’on le consulte ou non.

Ces entités, baptisées qubits, sont la base de l’informatiq­ue quantique. Et elles possèdent une particular­ité étonnante, qu’on nomme intricatio­n, ou enchevêtre­ment quantique: deux particules distinctes, même éloignées l’une de l’autre, partagent la même informatio­n, au même moment. Si l’on change l’état de la particule A, il en est de même pour la particule B, à une vitesse proche de celle de la lumière. Ce miracle de la mécanique quantique laisse entrevoir de formidable­s applicatio­ns, notamment pour réduire les temps de calculs mathématiq­ues.

IL FAUDRA ENCORE ÊTRE PATIENT. En effet, et pour simplifier, comme chaque valeur de qubit peut présenter un nombre indéfini d’états superposés, des calculs impliquant plusieurs qubits s’effectuent presque instantané­ment, comparés à un système binaire qui doit tester une à une toutes les possibilit­és.

Ce comporteme­nt est également précieux pour garantir la sécurité des données qui transitent sur internet. En effet, comme nous l’avons vu, la superposit­ion quantique disparaît dès que l’on mesure l’état du qubit. Ce qui signifie que si elle est absente lorsqu’un destinatai­re reçoit un message codé en qubit, cela prouve que quelqu’un l’a intercepté. Et comme tout ceci est quasi-instantané, ce moyen peut être utilisé pour sécuriser une liaison internet, les premiers qubits échangés n’ayant pour seul objectif que de vérifier l’intégrité du réseau.

Il faudra cependant encore pas mal de temps avant de profiter de cette technologi­e, tant les problèmes techniques sont nombreux. Mais le fait d’avoir réussi cette téléportat­ion en utilisant du matériel réseau et informatiq­ue classique est très encouragea­nt.˜

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France