Comment ils font
Ils sont passés de la science-fiction à la réalité, du domaine militaire à la vie quotidienne. Pour porter des charges lourdes, soulager son dos, skier… Tout le monde peut désormais s’en équiper, et les prix ont chuté.
Des exosquelettes pour tous.
Baudrier sanglé en haut des cuisses, scratchs ajustés sur les jambes, vérins fixés aux chaussures, Corinne s’élance sur la piste noire. Elle slalome avec élégance sur les bosses, sans fatigue ni douleurs. «Avec cet exosquelette sous ma combinaison, je retrouve le plaisir de skier de mes 20 ans, s’enthousiasme cette mère de famille de Pontault-Combault (77). Il faut dire que je m’étais faite opérer du ménisque très jeune et que, depuis, je souffrais souvent du genou le soir, à tel point que je pensais abandonner le ski. »
Bien mieux qu’un antalgique, son exosquelette, baptisé Ski-Mojo, la soulage et atténue les effets des flexions/ extensions répétées sur les jambes. Plus de dix mille personnes l’utilisent déjà. Des amateurs de snowboard, monoski, télémark ou de ski comme Corinne, mais aussi des seniors et de plus en plus de jeunes qui souhaitent profiter au maximum de leur séjour à la montagne. De nombreux moniteurs l’ont également adopté, comme Cyril qui le porte au quotidien : « Avec des résultats bluffants, pour protéger préventivement l’usure de mes articulations. Le soir, je n’ai plus les genoux fatigués, et cela se ressent surtout en fin de saison.» Même des champions, comme le skieur alpin belge Armand Marchant, s’entraînent avec pour améliorer leur endurance, gagner en technique et en précision. Un exosquelette pour faire du sport! Comment en est-on arrivé là?
De l’Ironman militaire aux travaux publics
Commercialisé dès 2016, Ski-Mojo est sans doute le vrai premier équipement articulé grand public. Efficace, mais bien loin de l’homme augmenté imaginé initialement. « Au début des années 2010, les ingénieurs avaient le fantasme d’un exosquelette universel qui remplisse toutes les tâches », se souvient Serge Grygorowicz, fondateur et PDG de RB3D, basé à Auxerre (Yonne). Un Ironman destiné aux militaires pour accélérer leurs mouvements, porter des charges sur une longue distance ou résister à la fatigue. Mais aussi aux handicapés pour compenser les déficiences physiques et permettre aux patients de retrouver tout ou partie de leur autonomie.
Or, il y a peu de débouchés pour ce type d’appareillage coûteux aux performances optimales. Alors, pour rentabiliser leurs investissements, les constructeurs ont choisi de viser des besoins particuliers, étendus aux tâches fatigantes ou nécessitant
des efforts répétés afin de répondre aux problématiques de pénibilité au travail et de protection de la santé. C’est ainsi qu’est apparu en 2014 l’Exopush, premier exosquelette 100% électrique et autonome, conçu par RB3D et destiné aux ouvriers des travaux publics. Fin 2020, l’entreprise décline un second modèle, baptisé Exoback, destiné à soulever et transporter des charges lourdes.
Des débouchés dans tous les secteurs
« Si un exosquelette soulage certains travaux, il n’aide pas pour autant à les exécuter plus vite, nuance Jean Theurel, directeur du programme Exosquelette pour l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Si son atout est d’abord de préserver physiquement, son rôle est également d’attirer des jeunes vers des métiers dits pénibles ou, mieux encore, de les inciter à venir avec l’envie de bénéficier de nouvelles technologies. » Depuis 2015, sous l’impulsion de l’INRS, les exosquelettes ont fait leur entrée dans les entreprises afin d’aider des personnes souffrant du dos, préserver celles qui assurent des missions statiques ou répétitives, comme le travail en hauteur, le ponçage, voire la traite des vaches ou le tri des déchets.
«En fait, tous les secteurs sont concernés, estime Jean Theurel. Seul écueil: l’arrivée d’une aide articulée peut altérer la représentation de certains métiers où la performance physique personnelle est d’abord mise en avant, comme le secteur du BTP ou chez les pompiers. Pour les autres, plusieurs critères facilitent ou freinent l’acceptabilité, comme la rapidité à le revêtir, la simplicité d’usage, la performance atteinte, le confort corporel, la perception des collègues. » En revanche, toutes les
études mettent en avant le ressenti positif des utilisateurs dès le premier essai, notamment chez les personnes qui souffrent du dos.
Des appareils professionnels adaptés pour les particuliers
La multiplication des modèles à des prix en baisse continuelle, couplée à l’arrivée d’un nombre croissant d’intégrateurs de solutions spécialisés dans l’analyse de l’ergonomie, catalyse le marché. Cobo4you propose ainsi quatre modèles passifs produits par plusieurs fabricants européens: ShivaExo (Ergosanté), Skelex et Noonee (Gobio) ou Mate (Comau Robotics), pour une gamme de prix allant de 5000 à 8500 euros, intégration incluse. «Ces exosquelettes servent à de nombreuses applications professionnelles, comme les interventions en hauteur, le travail assis/debout, la manutention ou l’assistance musculaire, détaille son président Benoit Lyautey. Dans la pratique, et à l’avenir, il n’y a plus d’obstacle à ce qu’ils soient utilisés par Monsieur tout le monde pour des fonctions domestiques ou de loisirs, comme le bricolage, la taille de haie, le jardinage ou un déménagement, par exemple. »
La déclinaison récente de modèles professionnels pour les particuliers, comme Hapo, l’Ergosquelette de
Kiloutou ou celle prochaine de Japet.C (lire encadrés ci-dessus), avec le choix de l’achat ou de la location, en témoignent. D’autant qu’en termes de diffusion, les freins sont souvent plus difficiles à franchir dans une entreprise qu’auprès du grand public. Comme le montre depuis longtemps l’explosion du marché de l’informatique personnelle. «Voilà pourquoi je ne serais pas surpris que l’usage d’exosquelettes aboutisse plus rapidement dans des usages domestiques que dans le milieu professionnel, prédit Jean Theurel. À l’occasion de travaux de peinture ou en extérieur, ou simplement pour soulager un mal de dos…» Le marché est ouvert!z