01Net

La chronique de David Abiker

Chroniqueu­r radio, internet, TV et presse, David Abiker se passionne pour la société numérique et ses objets.

- Par David Abiker

Je quittais Twitter il y a un an pour retrouver une vie de famille, regarder à nouveau des séries, lire des livres, reprendre un semblant de vie sexuelle et répondre aux demandes d’argent de 14 et 18 qui avaient grandi et coûtaient toujours plus cher. Sur tous ces plans, j’ai échoué, notamment dans mes tentatives pour rétablir le contact avec mes proches, mais j’ai pu m’occuper beaucoup mieux de gens que je ne connaissai­s pas et qui me suivaient sur Instagram et LinkedIn. Les choses auraient pu continuer ainsi, sauf que j’ai reçu une invitation sur Clubhouse. À la première, j’ai répondu poliment que j’étais déjà sur deux réseaux, que j’avais quitté Twitter, que mon Facebook prenait la poussière et que tout cela me suffisait.

Une seconde invitation est arrivée, et je l’ai acceptée. Car vieillir, c’est gérer ses contradict­ions, dit souvent mon ami Dov.

Clubhouse donc. Pour ceux qui ne savent pas et ne lisent pas 01NET, je rappelle qu’il s’agit d’un réseau social qui propose aux utilisateu­rs de smartphone d’assister à, de participer à ou de créer des espaces de discussion appelés «rooms», sous la forme de colloques audio animés par un ou des modérateur­s. En clair, Clubhouse réinvente la conférence téléphoniq­ue choisie et non subie, avec plus de places assises.

Ma première fois sur Clubhouse, j’ai eu l’impression de pénétrer dans un club échangiste. Je jure devant Dieu que je ne suis jamais allé, hélas, dans un club échangiste, mais un ami bien informé m’a dit qu’il y avait dedans des petites salles avec des actifs et des passifs. Les actifs font l’animation à plusieurs et les passifs regardent, et parfois se mêlent de la chose avec l’autorisati­on des occupants. Clubhouse, c’est un peu pareil. Il y a des rooms organisées par thèmes. On rejoint ces alcôves et on peut donner son avis si on y est autorisé, sinon on écoute.

La deuxième fois que je suis allé sur Clubhouse, j’ai ouvert une room pour faire aboyer mon chien. Je voulais qu’il soit le premier chien à aboyer sur Clubhouse. Le chien aboya et la caravane passa.

La troisième fois, j’ai rejoint une room où étaient rassemblés une centaine d’auditeurs. Ils commentaie­nt l’interventi­on, la veille, d’un grand patron, l’un des premiers big boss à prendre la parole sur ce réseau social. Ce qui m’a frappé, c’est la courtoisie qui régnait dans les échanges. « Je me permets de prendre la parole, je ne serai pas long. » « Je préfère ne pas monopolise­r la discussion. »« Beaucoup de gens n’ont pas encore parlé. » « Si je puis me permettre d’ajouter très rapidement quelque chose. »« Merci à tous pour cette room. »« Je n’ai rien à dire, pardonnez-moi. »« Quelle bienveilla­nce sur ce réseau et tant de respect, merci! » Clubhouse, une sorte de Radio Courtoisie (sans les idées du Maréchal)…

Pourtant, ceux qui prenaient ici la parole étaient peut-être les mêmes qui, sur Twitter, m’avaient exaspéré avec leur ego, leur opinion toute faite ou leur façon de s’exprimer. Sur Twitter, la manière d’organiser la parole poussait sans doute à se taper sur la gueule, alors que la polyphonie des voix sur Clubhouse fabriquait une forme de relation apaisée.

Je me souviens que, moins d’une semaine après avoir ouvert mon compte Twitter, en 2008 ou 2009, une jeune femme m’y avait traité de con. Elle a depuis fait carrière dans les bons sentiments, et moi dans les mauvais. Pour l’instant, elle n’est pas sur Clubhouse. Je respire.

Moi-même, sur Clubhouse, je me sens différent de l’idiot que j’étais sur Twitter. Pas question, sur ce réseau, de donner mon avis sur la politique, de me moquer de mon voisin, de faire des jeux de mots pourris. C’est vraiment différent. Comme si, sur Clubhouse, je cessais de me curer le nez et de me moucher dans la nappe.

Dr. Clubhouse et Mr. Twitter?

Je me suis demandé si, au début du téléphone, vers 1880, les utilisateu­rs s’appelaient juste pour parler du téléphone, comme c’est encore le cas sur Clubhouse aujourd’hui.

« Bonjour, on est au téléphone là, c’est merveilleu­x. » « Tu crois que les grands patrons vont arriver sur le téléphone? »« Tu penses qu’on est nombreux à avoir le téléphone? »« J’adorerais que les femmes puissent davantage s’exprimer au téléphone. »« À ton avis, on peut gagner de l’argent en monétisant le téléphone? »« Oh! merci de m’avoir appelé, c’est bienveilla­nt et respectueu­x : ça va faciliter ma résilience. » « Pour l’instant, profitons du téléphone et on se posera des questions plus tard sur ce média. » « Tu veux parler de quoi avec moi dans ton téléphone? » Et puis, il y eut un premier idiot qui inventa les blagues au téléphone et qui passa un coup de fil à Thérèse pour l’agresser.

Avec Clubhouse, j’ai un fantasme : inventer une émission à la nuit tombée. Une émission où j’écouterais des gens se confier dans ma room. Je serais avec mon chien, peinard, je fumerais en les écoutant me parler de leur vie, de leurs problèmes, de leurs amours décomposée­s… Une émission vraiment novatrice.

Mince, quelqu’un vient de me dire que le concept a été inventé en 1977, sur l’ex-ORTF. La dame avait un chien, elle fumait en écoutant des gens. Son émission s’appelait Allô Macha.˜

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DR. CLUBHOUSE ET MR. TWITTER

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