01Net

Sur Twitch, ils font la télé de demain

Le présentate­ur de Questions pour un champion a été rejoint sur la plateforme d’Amazon par l’ancien animateur de Motus. Tous deux s’essayent dans un nouveau concept : l’émission interactiv­e, qui cartonne en ligne.

- Propos recueillis par Antoine Ducarre et Jean-Marie Portal

C’est la plateforme dont tout le monde parle actuelleme­nt. Twitch, le service de streaming vidéo originelle­ment réservé aux gamers mais aujourd’hui en passe d’être investi par les médias traditionn­els (TF1, France Télévision­s, BFM TV…). À l’origine de ce soudain engouement, le succès du journalist­e Samuel Étienne qui, depuis décembre, y anime une revue de presse quotidienn­e. Et maintenant celui du comédien et exanimateu­r télé Thierry Beccaro, avec son rendez-vous hebdomadai­re De tout et de rien. Comment les deux stars du PAF expliquent-ils leur propre intérêt pour Twitch ? Nous leur avons demandé.

01NET Comment avez-vous découvert Twitch?

SAMUEL ÉTIENNE Un peu par hasard. Au début du premier confinemen­t, le streamer Etoiles m’a interpellé sur Twitter pour me demander si je connaissai­s Twitch. J’ai échangé avec lui, et il m’a expliqué le principe de la plateforme, en soulignant qu’elle ne réunissait plus seulement des gamers. Mais aussi que sa reprise de Questions pour un champion attirait des dizaines de milliers de personnes. J’ai tout de suite été fasciné par deux aspects importants pour moi, que je ne retrouve pas dans les médias traditionn­els : la liberté et l’interactiv­ité.

THIERRY BECCARO C’est mon ami David Barbet, un fan de la première heure travaillan­t pour Télépro, en Belgique, qui m’a entraîné là-dedans avec force et insistance. À tel point que j’ai fini par craquer. Il m’a ouvert un compte sur Twitch, je ne savais même pas ce que c’était. Jusqu’à ce que je voie ce que proposait Samuel Étienne. J’ai trouvé assez innovante son idée de traiter l’info comme ça, spontanéme­nt…

01NET Savez-vous qui sont tous ces gens qui vous y retrouvent?

S. E. Récemment, j’ai réalisé un sondage pour mesurer l’âge de mes viewers (spectateur­s, NDLR). Je peux dire qu’ils sont dans la moyenne des twitcheurs: 87 % d’entre eux ont entre 18 et 35 ans. Pour moi, ça a été une surprise. Ce public est moins âgé que celui auquel je m’adresse d’habitude sur les chaînes de France Télé.

T. B. Je n’ai pas eu la sensation qu’il n’y avait que des d’jeuns. Plutôt des gens qui ont aimé ce que j’ai fait, peu importe leur âge. J’ai retrouvé des personnes m’ayant vu au théâtre, d’anciens fans de Motus, des passionnés de cinéma ou de séries… Je pense que c’est le même panel que celui du plateau de Motus. En vingt-neuf ans, ce jeu télévisé a vu défiler des jeunes, des moins jeunes, des enfants ou des petits-enfants d’anciens participan­ts… Il y a une espèce de fédération des âges qui est assez géniale.

01NET Pensez-vous que la pandémie participe au succès de cette plateforme?

S. E. J’en suis sûr. J’ai découvert Twitch pendant le premier confinemen­t, et je pense qu’il représente une bonne méthode pour recréer du lien dans une période qui nous en prive singulière­ment. Le tchat permet aux internaute­s de se retrouver autrement et de débattre de l’actualité.

T. B. Oui, parce que nous vivons actuelleme­nt une période anxiogène. La pandémie nous a figés, immobilisé­s.

Il nous faut trouver, dans cette espèce de stagnation, un espace de liberté. C’est pour cette raison que j’ai fini par céder à l’insistance de David. Je pense qu’il faut vraiment donner la parole aux gens et essayer d’échanger avec eux directemen­t, sans fard, sans maquillage, sans artifice, le plus simplement du monde.

01NET Quel effet ça vous fait de faire partie des pionniers en tant qu’animateurs sur Twitch et de voir les chaînes de télévision vous emboîter le pas?

S. E. Ça me fait beaucoup rire de me dire que je suis un pionnier! C’est bien la première fois en vingt-cinq ans. Il y a quelques mois, un grand responsabl­e de la télévision française m’a dit qu’à la place de mon patron, il m’interdirai­t d’aller sur Twitch, car cela ne présentait alors aucun intérêt. Et aujourd’hui, une de ses chaînes s’apprête à se lancer sur la plateforme! Comme quoi, tout arrive.

T. B. Ça fait plaisir! Mais aussi de constater que le nombre d’années ne fait rien à l’affaire. Après, j’ai la sensation qu’il y a de la place pour tout le monde. On peut venir sur Twitch pour jouer aux jeux vidéo, suivre la revue de presse de Samuel le matin, parler de tout et de rien avec moi le vendredi soir, et puis sans doute faire d’autres choses. J’ai vu que TF1 préparait quelque chose… Mais nous, on aura été les premiers! (rires)

01NET L’interactiv­ité, avec le public qui interpelle en temps réel sur le tchat, est-elle vraiment gérable?

S. E. C’est un peu frustrant car, sur chacun de mes streams, il y a souvent plus de dix mille personnes qui se réunissent. Les messages du tchat défilent donc à toute vitesse. Aussi souvent que possible, j’essaye d’en relever certains et de répondre à des questions, même si c’est difficile. Je dois trouver un équilibre entre ma propositio­n éditoriale et la tentation permanente de regarder les commentair­es. Le risque, c’est que mes viewers se sentent frustrés mais, pour le moment, je n’ai pas l’impression qu’ils le soient. Ils savent que je ne peux pas tout lire. Et que cela ne les empêche pas de discuter entre eux.

T. B. Ça va à une vitesse folle! Je suis épaté par les questions, les réponses, les réactions qui fusent… Bam, bam, bam! Mais l’intérêt que j’y trouve, justement, est de s’accrocher, de regarder l’écran et ici de rebondir sur une phrase, là de répondre à une question… Pour, comme je le propose, parler de tout et de rien.

01NET Que dites-vous aux internaute­s qui essaient de se lancer comme vous?

S. E. Je trouve ça très bien parce que Twitch est un outil d’expression formidable, et je suis fier d’engendrer de telles envies. N’importe qui peut le faire. Cependant, ça ne fonctionne­ra pas pour tout le monde. La plateforme a ses codes, et pour y arriver, il faut les respecter tout en essayant de se démarquer. Ce n’est pas un exercice facile.

T. B. Si je fais naître des vocations, d’abord j’éclaterai de rire! Que ce soit moi qui pousse les autres à aller sur Twitch alors que j’ai eu tant de mal à entrer dans le XXIe siècle! Vous savez, j’ai longtemps persisté à demander que l’on me faxe des dossiers… (Rires) Donc, si d’autres veulent me suivre aujourd’hui, j’en serai très heureux. Et je remerciera­i David Barbet de m’avoir permis d’être parmi les pionniers, comme vous dites.

01NET Vous vous faites donc plaisir sur Twitch…

S. E. J’ai un emploi du temps très chargé du fait que je cumule déjà trois emplois: présentate­ur de la matinale de France Info, animateur de Questions pour un champion et, mon préféré, père de famille. Donc si je le fais, c’est bien par plaisir. Néanmoins, j’ai dû trouver le temps et sacrifier mes deux heures de sport quotidienn­es. C’est une solution bancale et provisoire, parce que le sport est un pilier essentiel de ma vie.

T. B. Oui, comme Samuel, je suis très heureux de faire ça. Je trouve formidable cette façon de converser ou, pour faire d’jeuns, de tchatter. Ça fait beaucoup de bien. C’est très émouvant de voir que l’on est écouté depuis la Thaïlande, Montréal, etc. Et, quelque part, je suis un peu comme un enfant qui découvre un nouveau jouet.˜

 ??  ??
 ??  ?? THIERRY BECCARO retrouve son public tous les vendredis à 19 h pour parler De tout et de rien.
THIERRY BECCARO retrouve son public tous les vendredis à 19 h pour parler De tout et de rien.
 ??  ??
 ??  ?? SAMUEL ÉTIENNE donne rendez-vous chaque matin à ses 295 000 abonnés autour d’une revue de presse. La Matinée est tienne.
SAMUEL ÉTIENNE donne rendez-vous chaque matin à ses 295 000 abonnés autour d’une revue de presse. La Matinée est tienne.

Newspapers in French

Newspapers from France