SURFER SUR LA HOULE
La start-up française Blue Fins compte réduire de plus d’un quart la pollution des navires géants en greffant à leur poupe un foil ayant la forme d’une queue de baleine.
Saviez-vous que les bateaux consomment plus de 10 % de la production pétrolière mondiale, soit la bagatelle de 250 millions de tonnes par an? Un gros brûle de 140 à 300 tonnes de fuel lourd par jour. En outre, ce carburant est fait de résidus de pétrole, pas très sains pour la santé. On y retrouve notamment du soufre à un taux en moyenne 3500 fois plus élevé que la limite autorisée dans les carburants automobiles. Une étude de l’Organisation maritime internationale a de plus révélé que le trafic en mer était responsable de 2,5 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et que celles-ci pourraient augmenter de 50 à 250 % d’ici à 2050.
Afin de réduire cette consommation, la start-up française Blue Fins prévoit d’équiper d’un foil ces mastodontes des mers. Cet appendice, qui a permis aux bateaux du Vendée Globe de littéralement voler au-dessus des vagues, ne sera pas placé ici le long de la coque mais à l’arrière du navire. Appelée hydrofoil, cette pièce – pour le moment modélisée en 3D seulement – sera attachée à un grand bras articulé et pourra utiliser le mouvement de la houle pour faire avancer le navire.
Comme les ailes d’un avion immergé
« Notre système reproduit et combine deux phénomènes physiques », explique Olivier Giusti, architecte navale à la tête de Blue Fins. Les foils sont comme les ailes d’un avion immergé : ils soutiennent le navire et réduisent les frottements de sa coque sur l’eau. En parallèle, leur mouvement, généré par la houle, fait avancer le navire, à la manière de la queue d’une baleine. Ou d’un nageur équipé de palmes qui se laisserait porter par la houle. Adapté à la taille du navire, l’hydrofoil peut atteindre 25 mètres de long et 10 mètres de large pour un bateau de 300 mètres de long. Autre avantage, il est rétractable et peut être sorti de l’eau lorsque la houle est absente, ou au contraire trop présente. Équipés d’un tel système, les bateaux consommeraient 20 à 30 % de carburant en moins.
Aujourd’hui, cette queue de baleine d’un genre nouveau, pour laquelle plusieurs brevets ont été déposés, n’est qu’un projet, mais Blue Fins a reçu le soutien de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer et prévoit de fabriquer d’ici à la fin 2022 une maquette à l’échelle 1/35e pour vérifier que son concept fonctionne. Si c’est le cas, un prototype à l’échelle 1/2e sera monté sur un navire de commerce dès 2023.z