RANDONNEES ET BALADES CONNECTEES POUR TOUTE LA FAMILLE
Que vous soyez plutôt vieilles pierres, plutôt nature ou les deux, les outils numériques vous assistent et vous guident. Pour mieux profiter de l’essentiel, le plaisir d’être ensemble.
Trente heures et vingt-cinq minutes. C’est le temps record établi par Lambert Santelli pour parcourir le fameux GR20, sentier qui traverse la Corse en diagonale de Calenzana, au nord-ouest, à Conca, au sud-est. Le sportif a touché au but au soir du samedi 26 juin, après avoir avalé 180 kilomètres et 13800 mètres de dénivelé. Comprenant seize étapes, soit une par jour, ce sentier est réputé pour sa difficulté. Notre recordman n’en fait guère mystère, derrière l’exploit, ce sont des années d’entraînement et un « collectif » qui l’a porté. Que l’on vise ou non la performance, l’important reste d’avancer ensemble.
Avez-vous pensé à prendre un âne ?
Pour Olivier Grangean, 58 ans, chef d’orchestre à la ville et randonneur depuis quatre décennies, l’exercice nous aide à renouer avec « l’essentiel » et « le moment présent ». Il se remémore l’une de ses premières excursions en familles, d’une durée de six jours et en complète autonomie, dans le massif du Queyras, près de Briançon. Mathias, son fils, avait tout juste sept ans. « Les enfants, à cet âge-là, ça râle tout le temps, concède-t-il. Marcher, pour eux, c’est l’horreur. Mais comme on part plusieurs jours, qu’on ne peut pas rentrer à la maison, que la voiture n’est pas au parking, qu’on est coincé, c’est finalement plutôt bien accepté. » Comme souvent, tout est affaire de perception, d’état d’esprit. Ainsi, pour mettre les plus petits dans de bonnes dispositions, Olivier Grangean présente les choses de manière ludique. « Il faut leur dire : tu vas te connecter à une faune extraordinaire, tu vas trouver des fleurs rares qu’on ne trouve nulle part ailleurs – même si les fleurs, concède-t-il, ça les intéresse moins –, tu vas voir de splendides paysages, tu vas passer des nuits à la belle étoile avec une ambiance incroyable. Et on sera en famille, on partagera des moments forts. » Il faut dire aussi que le randonneur profite d’alliés robustes : des ânes, qui peuvent transporter jusqu’à 40 kilos de matériel. Et, des années après, la magie opère toujours. Les enfants sont devenus de jeunes adultes – mais les ânes ont toujours la cote – et le même processus est à l’oeuvre.« Pendant les premières parties de la randonnée, tout le monde parle de plein de choses, raconte Olivier Grangean, les adultes de leurs ennuis au bureau, les petits de la maîtresse et de la fin des classes. Il y en a un qui voudrait se baigner dans la rivière, un autre jouer avec sa PlayStation… Puis, au bout de quelques heures, l’effort nous rassemble tous. Dès le premier bivouac, on se retrouve sur l’essentiel : marcher, manger, dormir. C’est magique! » Est-ce l’habitude de lire des partitions? Notre chef d’orchestre préfère les cartes de papier aux applications pour smartphones et autres GPS. Il est vrai qu’en moyenne montagne, la connexion vient rapidement à manquer. Loin de
Sur les sentiers de rando, on trouve désormais presque toujours du réseau
tout réseau, de toute prise de courant, faut-il pour autant exclure le high-tech de l’équipement des randonneurs?
En mode avion et avec un chargeur solaire
Yann Romaneix (lire ci-contre), guide de haute montagne, ne saurait nous déconseiller d’emporter une bonne vieille carte en papier, mais il apprécie aussi les avantages des smartphones et des GPS. « Pour rebrousser chemin et revenir sur sa trace quand on est perdu, c’est très pratique », souligne-t-il. Les gens qui ont moins d’expérience dans la lecture des cartes Top 25 et Série Bleue de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) apprécieront. Cependant, en moyenne et haute montagne, nous prévient-il, « il vaut mieux basculer en mode avion ». Car en constante recherche d’une accroche réseau, un smartphone épuise encore plus vite sa réserve d’énergie. Aux batteries externes qui nous alour
dissent inutilement, on préférera d’ailleurs des chargeurs solaires. Ils s’arriment sur le sac à dos, rechargeant nos équipements électroniques, placés au préalable dans une poche spéciale à l’abri des intempéries, pendant la marche. Si le temps, très changeant en altitude, n’est pas trop mauvais, on peut ainsi récupérer de précieux pourcentages d’énergie en quelques heures. Mais seuls les modèles qui se déploient valent le coup. Les batteries externes flanquées d’un petit panneau sur le dessus relèvent plus du gadget qu’autre chose. On trouve des modèles intéressants, par exemple chez BigBlue, à partir d’une soixantaine d’euros. Cependant, tout le monde ne randonne pas avec un âne ou un sherpa, loin de là. Au contraire, certains privilégient plutôt la MUL (la marche ultralégère, à ne pas confondre avec le courageux équidé). Le but est cette fois de se délester le plus possible, de réduire le poids en s’équipant en conséquence. Philippe Fontaine, journaliste habitué de nos colonnes, en est un adepte. Il souligne le coût élevé des équipements et vêtements techniques. « Un matelas, une tente, un sac de couchage, si l’on est en autonomie, sont très vite assez lourds », fait-il valoir. Pour chasser le superflu et ménager ses finances, Philippe Fontaine se renseigne sur le forum Randonnerleger.org. Les passionnés y trouvent des « listes prévisionnelles » de matériel à emporter pour se lancer sur tel ou tel itinéraire, de même que les traces des prédécesseurs au format GPX (standard permettant l’échange de coordonnées GPS). Des données qu’il est possible d’exporter vers son GPS ou d’intégrer à Google Maps. « Ainsi, on sait exactement où il faut passer », explique le journaliste randonneur. D’autant qu’il a pu constater, au fil des années, sur les sentiers de grande randonnée marqués par deux traits rouge et blanc, les progrès de la couverture réseau en France et dans le monde. Ce n’est, selon lui, plus vraiment un problème aujourd’hui. « On trouve presque toujours un moment dans la journée où on a du réseau, même si je progresse généralement portable éteint », résume-t-il.
Les grands acteurs à la traîne sur les applis
Nous en parlions l’année dernière dans le numéro 934 (p. 32), les fédérations françaises de randonnée, de vélo et d’équitation ont balisé nombre
En montagne, basculez votre smartphone en mode avion pour économiser la batterie
travaillé sur les plantes qui nous entouraient. Quand l’application est sortie, elle ne couvrait que 800 espèces. Aujourd’hui, elle recense la quasi-totalité de la flore française, c’est-à-dire plus de
8 000 variétés qui se développent naturellement dans notre milieu. Face à la demande, nous avons aussi travaillé à la reconnaissance des espèces ornementales, présentes dans les jardins ou dans les maisons.
01NET Une fois que nous avons pris une photo, comment ça marche ?
P. B. Les utilisateurs soumettent la photo à l’application à partir de la galerie de leur téléphone. En s’appuyant sur la technologie d’itinéraires dûment vérifiés par leurs adhérents. Ainsi, les cartes de GeoCheval, Veloenfrance.fr ou encore Mon GR sont facilement accessibles en ligne. Si l’on remarque l’absence de toute application, ces sites sont toutefois riches d’informations. Ils classent les parcours par difficulté, qualifient le revêtement, repèrent des points d’intérêt et des hébergements possibles. Dénominateur commun, ils se fondent très largement sur les cartes de Géoportail, un site gouvernemental mis en oeuvre par l’IGN. C’est là que le bât blesse. Très appréciés des randonneurs, ces relevés topographiques sont consultables à l’aide de n’importe quel navigateur web. Cependant, comme nous l’explique Max Barel, créateur de l’application (Android et iOS) iPhiGéNie, « l’interface web de Géoportail ne permet pas d’afficher une trace, un suivi ou des repères. Et le cache local du navigateur ne garde qu’une petite image de la carte, du deep learning (sous-domaine de l’intelligence artificielle où la machine est capable d’apprendre par elle-même, notamment grâce aux réseaux neuronaux, NDLR), celle-ci leur propose une liste d’espèces ordonnées par score de confiance. Pour augmenter ce dernier, ils peuvent réaliser de nouvelles photos close up
(de la macrophotographie, NDLR) de la plante, en capturant des détails plus discriminants, comme les fruits ou les fleurs. Mais cela fonctionne aussi avec les feuilles et, dans une moindre mesure, avec les tiges. Certaines espèces sont visuellement très proches. Pour les différencier, on a besoin de critères très fins qui sont très difficiles à retranscrire sur une image, soit parce que la plante ne les exprime pas, soit parce que l’optique de l’appareil photo ne le permet pas, soit parce que guère plus ». On comprend dès lors tout l’intérêt de télécharger une application, qui se révèle à la fois plus complète, plus souple et, par essence, plus mobile.
Taxe sur les fonds cartographiques de l'IGN
Se pose également l’épineuse question de la gratuité, ou plutôt de la pseudogratuité des ressources cartographiques. « La situation n’est pas claire, prévient Max Barel. Les cartes sont en accès gratuit pour les promeneurs sur le site Géoportail, sur certains sites privés et même sur certaines applis mineures qui ne drainent pas un gros trafic – soit parce qu’elles n’ont jamais réussi à avoir une large audience, soit parce qu’elles sont très spécialisées. Mais l’IGN fixe en réalité une limite d’usage, en nombre d’accès. » Or ce seuil n’est pas fixé par utilisateur, mais par diffuseur. « Cela signifie que les applications très utilisées, comme iPhiGéNie, dépassent ce quota et doivent les conditions météo ne facilitent pas la reconnaissance. Les vues de la plante entière marchent de mieux en mieux, mais nous essayons d’orienter les utilisateurs vers des prises de vue centrées sur un organe plus reconnaissable. 01NET Car la reconnaissance s'améliore d'année en année ? P. B.
Oui, tout à fait. Depuis dix ans, nous organisons chaque année un benchmark pour évaluer les techniques de reconnaissance visuelle. Nous mettons à disposition un jeu de données pour comparer nos techniques avec celles d’autres équipes dans le monde. Nous constatons que même si la tâche est plus complexe – puisque le nombre d’espèces a considérablement augmenté –, les performances ont nettement progressé. s’acquitter d’une redevance auprès de l’IGN », conclut Max Barel. Quant à la mémorisation pour une utilisation hors connexion, elle reste toujours payante. L’abonnement à l’application iPhiGéNie coûte d’ailleurs une quinzaine d’euros à l’année, redevance des fonds cartographiques comprise. Mais d’autres, comme Visorando, sont un peu plus chères, avec un tarif établi souvent à 20 ou 25 euros. L’IGN offre toutefois une période d’essai de sept jours pour tester le service de son choix. Les atouts d’une mémorisation des cartes avec des applications comme iPhiGéNie, OpenRunner, Visorando ou SityTrail sont néanmoins multiples. En plus de l’enregistrement de ses traces et des imports et exports au format GPX, le fondateur d’iPhiGéNie insiste sur les fonctions annexes offertes par son application. Ainsi, le mode « balise » permet d’être suivi par ses
proches. Pratique, et surtout très sécurisant, lorsque l’on part seul. Lors de ses balades à cheval, Max Barel utilise cette fonctionnalité qui renvoie le guidage vers son Apple Watch. « Je prépare mon tracé en amont et, une fois à cheval, je ne sors même plus mon smartphone, je regarde sur ma montre. Les gens croient que, sur une montre, on ne voit rien, mais quand vous arrivez à une bifurcation, un coup d’oeil au cadran suffit pour voir précisément le point de bascule, où ça va tourner », nous démontre-t-il.
Les balades forment la jeunesse
Chemins informatiquement balisés, cumuls de dénivelés calculés, haltes préparées, points d’intérêt documentés, poids d’équipement maîtrisé, le numérique est un parfait sherpa. Mais il sait aussi se muer en guide touristique en pleine nature. L’appel des grands espaces n’est pas tout, il faut aussi savoir observer la faune et la flore. Olivier Rovellotti, fondateur de l’application (Android et iOS) et du site ecoBalade, propose des « sentiers d’interprétations numériques ». Fiches récapitulatives à l’appui, les utilisateurs partent à la recherche d’espèces tout au long d’un parcours donné, parmi une centaine en France. Le but, prétend le développeur, est de « s’initier en douceur à l’univers des sciences naturelles, que les parents et les enfants puissent faire des découvertes ». Pour chaque balade, une centaine de spécimens sont à reconnaître. Et pour les oiseaux, parfois difficiles à identifier visuellement, on peut même écouter des sons préenregistrés pour confirmer ou non leur présence. En tout, ecoBalade recense quelque 1500 espèces. « Un gros travail effectué sur plusieurs années » qui ne représente « que la partie émergée de l’iceberg, puisqu’il existe plus de 8 000 taxons en France », nous confie Olivier Rovellotti. Contrairement à Pl@ntNet (lire encadré p. 40), l’application ne va pas jusqu’à reconnaître automatiquement la flore tel un « Shazam des plantes ». Mais on accède à des descriptifs détaillés que l’on peut conserver dans un carnet de terrain. Point notable, ecoBalade reste gratuit pour les utilisateurs, puisque ce sont les territoires qui désirent faire valoir leur biodiversité qui financent les nouvelles excursions. D’autres applications et portails, comme Cirkwi (bit.ly/3wkLo1i), recensent des balades sportives, des itinéraires à vélo, à moto, ainsi que de nombreux points d’intérêt culturels et historiques. Leur credo pourrait être « l’aventure commence au coin de la rue ». La carte de Cirkwi est collaborative et exhaustive. On y trouve de tout, des offres commerciales aux visites guidées, en passant par des locations de gyropodes Segway pour explorer Paris. Sans oublier des itinéraires de randonnée plus classiques avec possibilité de télécharger les fameux fichiers GPX.
Le géocaching, ou le retour de la chasse au trésor
Il existe une pléthore de guides, d’applications, de portails tous plus ou moins fiables et réputés pour nos escapades touristiques. Nous n’allons pas ouvrir le dossier « agences de voyages » et les passer en revue. Mais nous intéresser plutôt à cette nouvelle et durable tendance qu’est la « gamification » des parcours. Jeu de piste, résolution d’énigmes, épreuves chronométrées… Des développeurs aux offices de tourisme, tous
les acteurs de la culture et du patrimoine essayent désormais de donner un tour ludique à nos visites. Le procédé du « géocaching », soit une chasse au trésor mondiale mettant à contribution nos appareils GPS, s’est ainsi largement diffusé depuis quelques années. Déjà, par l’application et le site du même nom (bit.ly/2SQ gxvS), mais surtout par l’appropriation du principe par les collectivités locales. La région Nouvelle-Aquitaine fait ici figure de pionnière dans le genre avec son application Tèrra Aventura (bit.ly/2TIz5P9), qui fête déjà ses dix ans d’existence. Elle a réuni quelque deux millions d’usagers lors de la dernière saison (car l’aventure et les caches changent tous les ans). Son principe est relativement simple. Pour commencer, il suffit de choisir parmi l’un des 500 parcours disponibles sur l’appli, puis de se rendre au point de départ de l’aventure. Là, les Poï’z, de petites créatures malicieuses – chacune étant représentative d’un thème comme la nature, l’écologie, le littoral… – dispensent des informations touristiques de manière amusante. Il faut ponctuellement répondre à des questions afin d’accéder, si toutes nos réponses sont bonnes, à la dernière épreuve et au trésor qu’elle recèle. En échange de leurs efforts, les participants sont récompensés par l’obtention d’un badge. Certains utilisateurs se piquent de les collectionner. Plus fort encore, des équipes déposent leur propre badge confectionné par leurs soins dans des « géocaches ». En effet, il est de tradition, avec le géocaching, de prendre, mais aussi de déposer quelque chose. Si l’on est tenté de croire que cette ambiance quelque peu jeux vidéo s’adresse exclusivement aux enfants, on aurait tort, nous explique Carine Pauliac, responsable presse de Tèrra Aventura. « Comme dans le film Shrek, il existe plusieurs niveaux de compréhension de sorte que les enfants, mais aussi les parents, y trouvent leur compte. »
Les escape games, quelles échappées belles !
Résoudre un mystère, déjouer un complot… Le but est de nous rendre acteur de notre visite
Autre approche, encore plus « gamer », avec Foxie (bit.ly/3qPp1A6), une appli qui entend nous faire vivre différemment nos excursions touristiques. Pour l’instant, elle centralise un peu plus d’une vingtaine de parcours dans onze villes, principalement en France, mais aussi à Athènes ou Rome. Sa coconceptrice, Amandine Hesse, nous explique comment lui est venue l’idée. Il s’agissait, pour elle et son associé, de pallier un manque et de trouver une solution qui étanche cette soif de « découverte des villes et des quartiers, d’avoir un guide de voyage qui présente les anecdotes historiques et culturelles de manière ludique, qui permette de visiter hors des sentiers battus ». D’autant que « les visites guidées traditionnelles, souvent réservées à la dernière minute, sont prises d’assaut » et qu’il est devenu très difficile d’y participer. Le résultat de cette réflexion est une appli avec trois niveaux de jeu plus ou moins marqués. On trouve d’abord des « visites ludiques », soit des balades ponctuées d’énigmes d’observation. Viennent ensuite des « jeux de piste » combinant observation et réflexion. Enfin, des « enquêtes » reprenant l’esprit des escape games, avec un format plus scénarisé. Il sera question de « résoudre un mystère, de trouver un coupable ou de déjouer un complot ». Le but, continue Amandine Hesse, « n’est pas de nous balader d’un point A à un point B, mais bien de nous rendre acteur de notre visite ». Le maître-mot est ici l’immersion. Tous les moyens rendus possibles par l’utilisation d’un smartphone sont employés. « Vous recevez des appels téléphoniques qui rythment votre visite, vous racontent une anecdote ou vous disent de regarder ici ou là, nous dévoile Amandine Hesse. Vous devez aussi scanner des objets. » Contrairement à d’autres applications qui font financer les parcours par des entreprises ou des collectivités locales à des fins de communication, les balades Foxie sont téléchargeables par les particuliers. Les prix varient de 8 à 13 euros en moyenne par participant et par ville. Mais rappelons-nous, randonnée ou balade touristique, en famille ou entre amis, l’essentiel n’est pas la destination, mais de partager sa route et de se créer de chouettes souvenirs.