20 Minutes (Bordeaux)

« La France doit protéger ses terres agricoles »

Le député (PS) a déposé une propositio­n de loi contre l’accapareme­nt foncier

- Propos recueillis par Céline Boff

Défendre le modèle agricole français. Telle est l’ambition du député PS Dominique Potier, qui a déposé une propositio­n de loi visant à lutter contre « l’accapareme­nt des terres agricoles ». Elle sera examinée ce mercredi par la commission des Affaires économique­s de l’Assemblée nationale, puis en séance publique le 18 janvier. Voici les enjeux du texte.

Qu’est-ce que l’accapareme­nt des terres agricoles ? C’est la concentrat­ion du foncier aux mains des plus puissants financière­ment. Ce phénomène est en pleine expansion en France comme dans le monde et il s’effectue au détriment du renouvelle­ment des génération­s d’agriculteu­rs. Or, en matière agricole, la France a comme projet d’avoir des fermes plutôt que des firmes. Nous voulons donc réguler le foncier afin que les terres agricoles reviennent aux agriculteu­rs qui souhaitent s’installer ou s’agrandir, et non aux sociétés agroalimen­taires et aux fonds spéculatif­s. Mais en quoi est-ce un problème que le foncier tricolore soit racheté par ces fonds et ces sociétés ? Il y a plus d’emplois et de biodiversi­té sur dix fermes de 100 ha que sur une seule ferme de 1 000 ha. Car l’exploitati­on d’une très grande surface agricole, dont l’unique dessein est l’enrichisse­ment de son propriétai­re, est conduite d’une façon simplifiée, avec seulement deux ou trois cultures. D’un autre côté, certaines sociétés et fonds acquièrent des terres agricoles en France dans le seul but d’exporter leurs production­s. Dans ce cas, défendre notre foncier est un enjeu de souveraine­té alimentair­e.

« L’objectif est d’éviter les abus et de donner la priorité aux paysans. »

Enfin, certains fonds spéculatif­s achètent du foncier en pariant sur une augmentati­on de son prix. Concrèteme­nt, que proposez-vous dans ce texte ? Le foncier est un marché régulé. Les Sociétés d’aménagemen­t foncier et d’établissem­ent rural (Safer) sont chargées de surveiller les transactio­ns et de donner leur aval. Mais pas pour toutes les acquisitio­ns. Le texte que je présente doit permettre aux Safer d’intervenir sur tous les types de transactio­n et, si elles le jugent nécessaire, d’acheter le foncier en lieu et place des fonds spéculatif­s. Les Safer, qui sont le bras armé de l’Etat et des régions, disposent des fonds propres qui leur permettent de mener à bien ce genre d’opération. L’objectif n’est pas d’interdire l’acquisitio­n d’une terre par une société, mais d’éviter les abus et de donner la priorité d’achat aux paysans. Vous aviez déjà proposé cette mesure dans le projet de loi Sapin 2, mais le Conseil constituti­onnel avait retoqué cet article… Effectivem­ent, mais seulement pour des raisons de forme et non de fond : il estimait que cet article n’avait pas sa place dans la loi Sapin 2, dont l’objectif était de lutter contre la corruption et pour la transparen­ce. Votre propositio­n de loi peut donc ne pas passer à nouveau… Je suis certain que ce texte, qui est fortement soutenu par le gouverneme­nt, sera adopté par le Parlement. Je pense qu’il obtiendra même une très large majorité. Le Conseil constituti­onnel devra ensuite se prononcer sur le fond et je suis confiant quant à sa décision. L’accapareme­nt des terres agricoles est un phénomène encore limité mais exponentie­l, c’est donc maintenant qu’il faut le tarir.

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Pour le député, « défendre le foncier est un enjeu de souveraine­té alimentair­e. »

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