20 Minutes (Bordeaux)

La « non-mixité », une forme de militantis­me ?

Le festival Nyansapo est au coeur d’une polémique ancienne

- Caroline Politi

Après le « camp d’été décolonial » à Reims, l’an passé, réservé « aux personnes subissant le racisme », c’est au tour de Nyansapo de susciter la polémique. Organisé fin juillet à Paris, ce festival « afrofémini­ste militant à l’échelle européenne » a failli être annulé, car accusé de favoriser la non-mixité. Il prévoyait trois espaces accessible­s respective­ment aux femmes noires, aux personnes noires et aux femmes « racisées », ainsi qu’un dernier espace accessible à tous. Finalement, l’espace ouvert à tous se tiendra dans un lieu appartenan­t à la Mairie de Paris, les débats non mixtes dans des salles privées. Si la « non-mixité » hérisse les poils du FN ou de la Ligue contre le racisme et l’antisémiti­sme (Licra), cette forme de militantis­me (pratiquée dès les années 1960 aux Etats-Unis par le mouvement des droits civiques) permet pourtant à la parole de se libérer.

« Un espace entre nous »

« Ce collectif est non mixte, car nous pensons être le mieux placées pour saisir les armes de notre émancipati­on », justifie sur son site le collectif Mwasi, à l’origine du festival. Les militantes afrofémini­stes estiment que des associatio­ns telles que Osez le féminisme ont polarisé le débat autour de questions touchant principale­ment les femmes blanches. « Le mouvement féministe a, lui aussi, été confronté à cette rhétorique critique : quand il organisait des réunions non mixtes, les hommes le taxaient de sexisme à l’envers », notait dans Le Monde Elsa Dorlin, professeur de philosophi­e politique et sociale à l’université Paris-VII. L’associatio­n féministe et LGBT Les Effronté-e-s a rappelé, elle, que plusieurs lieux réservés aux femmes sont financés par les pouvoirs publics. La Maison des femmes de Paris, ou à Montreuil, organise ainsi des groupes de paroles sur les violences faites aux femmes. « Nous revendiquo­ns uniquement le droit d’avoir un espace entre nous où nous puissions nous sentir en sécurité et où il est possible de mettre notre temps au profit de notre lutte plutôt que de le consacrer à de la pédagogie », conclut Mwasi sur son site.

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Pour le collectif organisate­ur du festival afrofémini­ste, la non-mixité des débats libère la parole des intervenan­tes.

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