« Une loi pour sortir de l’état d’urgence »
EXCLUSIF. Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, présente à « 20 Minutes » les grandes lignes de son nouveau texte de lutte contre le terrorisme.
« Ce texte s’adapte à l’évolution de la menace terroriste. » Pour lutter contre la radicalisation, « reconstruire une mixité sociale est essentiel ».
Alors que plusieurs lois visant à lutter contre le terrorisme ont été votées sous le précédent quinquennat, les députés se penchent, à partir de ce lundi, sur un nouveau texte. Certains à droite estiment qu’il ne va pas assez loin. D’autres, comme le Défenseur des droits, jugent qu’il met « en cause la protection des libertés ». En marge d’un déplacement au GIGN, mercredi, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a répondu aux questions de 20 Minutes.
A quoi va servir le texte examiné à l’Assemblée nationale ?
Il a vocation à permettre la sortie de l’état d’urgence. On ne peut pas toujours rester dans cet état d’exception, mais il faut, pour en sortir, renforcer le droit applicable avec des textes ciblés exclusivement sur la lutte antiterroriste, pour protéger les Français, y compris en dehors de l’état d’urgence.
En quoi ce texte sera-t-il plus efficace que les précédents ?
Ce texte s’adapte à l’évolution de la menace terroriste. Lors de la montée en puissance de Daesh, les attaques étaient commanditées à partir de la zone irako-syrienne. Aujourd’hui, le groupe terroriste est déstabilisé, mais il incite des gens présents et endoctrinés sur le territoire français à passer à l’acte. C’est d’ailleurs parce que la menace évolue que l’on souhaite un réexamen du texte en 2020. L’Assemblée et le Sénat pourront juger si les mesures étaient pertinentes.
Cette loi transpose-t-elle l’état d’urgence dans notre droit ?
Non, ce n’est pas une transposition, ce serait d’ailleurs impossible. Ce texte vise à prévenir les seuls actes terroristes. Il n’est pas fait pour répondre à des menaces d’ordre public. Pendant l’état d’urgence, des mesures comme l’assignation à résidence ont pu être utilisées pour prévenir des troubles à l’ordre public, mais à l’encontre de personnes, comme des manifestants qui n’avaient aucun lien avec la menace terroriste. Cette prérogative n’est pas reprise dans le droit commun par ce texte.
Quel est l’état de la menace terroriste aujourd’hui ?
Elle reste élevée. Douze attentats ont été déjoués depuis le début de l’année. Nous sommes aussi davantage confrontés à des individus qui s’attaquent à des militaires ou à des policiers avec un couteau, en suivant des consignes de Daesh. Le groupe continue d’endoctriner un certain nombre d’esprits.
Que comptez-vous faire pour lutter contre la radicalisation ?
La réponse ne peut être seulement policière. Le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation va se réunir bientôt. J’ai demandé un bilan des actions menées pour voir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Certains se sont un peu autoproclamés « gourous de la déradicalisation », sans que leur expérience scientifique soit démontrée. Il faut aussi faire appel aux travailleurs sociaux, qui connaissent ces phénomènes et qui comprennent comment on peut passer de la petite délinquance à la radicalisation. Il faut enfin éviter les différences trop importantes entre les communes riches et dynamiques et les quartiers qui se paupérisent. Reconstruire une mixité sociale est essentiel.