20 Minutes (Bordeaux)

La hantise des conducteur­s

Les chauffeurs de métro et de RER vivent comme un traumatism­e les « accidents graves de voyageurs » dans lesquels ils sont impliqués. Pour les aider, la RATP et la SNCF leur proposent un soutien psychologi­que.

- Caroline Politi

Plus d’un an après, le bruit du choc résonne encore dans la tête de Nicolas. « Ça ressemble un peu à des os qui se brisent mais puissance 10000 », confie pudiquemen­t celui qui conduit depuis une dizaine d’années des RER sur la ligne D. Ce jour-là, il a vu un homme sauter sous son train. « A ce momentlà, on applique la procédure, mais on est presque en apnée. » Comme Nicolas, de nombreux conducteur­s sont confrontés à un « accident grave de voyageur », l’expression employée par la RATP et la SNCF pour désigner des personnes passées sous un train. Si les suicides restent les plus fréquents, les accidents sont aussi redoutés par les chauffeurs. A l’image de celui d’un ado, décédé la semaine passée, alors qu’il faisait du trainsurfi­ng sur le toit de la ligne 6.

« Je ne pouvais pas m’enlever de la tête que j’avais tué quelqu’un. » Nicolas, conducteur de RER

Face à ces drames, la RATP et la SNCF mettent en place des procédures pour prendre en charge les conducteur­s. Ainsi, un agent d’encadremen­t est dépêché sur les lieux pour accompagne­r le salarié dans toutes les démarches, notamment lors de sa déposition – obligatoir­e – au poste de police. Un dépistage d’alcoolémie et de consommati­on de drogue est effectué. Une déclaratio­n d’accident du travail peut être établie par la direction. Enfin, l’employé se voit systématiq­uement proposer un soutien psychologi­que. « Au début, je culpabilis­ais beaucoup, je ne pouvais pas m’enlever de la tête que j’avais tué quelqu’un, se souvient Franck, qui n’a rien pu faire, le 3 juillet 2012, lorsqu’une femme s’est jetée sur les voies à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis). J’en ai énormément parlé autour de moi. » Cinq ans après, Franck repense régulièrem­ent à cette journée, de la chaux sur «40 mètres» étalée sur les rails pour recouvrir les traces de sang, de sa vigilance extrême quand il repassait dans la gare. « Je revois le roulé-boulé qu’elle a fait pour atterrir sur les voies. Il ne faut pas minimiser le traumatism­e. » Nicolas, lui, y pense moins mais reste marqué par l’attitude des passagers, dont certains cherchaien­t à filmer la scène avec leur portable et d’autres qui venaient le voir pour lui demander quand repartait le train. « Certains me disaient maintenant qu’il est mort, ce n’est pas grave, on peut repartir. »

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La station de métro Jaurès, à Paris.
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Après ces drames, la RATP et la SNCF proposent une aide psychologi­que.

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