20 Minutes (Bordeaux)

Le procès de l’antiterror­isme

Présentées en 2008 comme des « terroriste­s d’ultra-gauche », huit personnes sont jugées, à partir de ce mardi, pour la dégradatio­n d’une ligne SNCF. La défense dénonce des irrégulari­tés dans l’enquête.

- Hélène Sergent Suivez le procès en direct sur le compte Twitter de notre journalist­e @heleneserg­ent et retrouvez le compte rendu sur notre site.

L ’affaire du « groupe de Tarnac » est-elle l’illustrati­on d’un fiasco politique et judiciaire? C’est ce que tenteront de démontrer à partir de ce mardi les huit prévenus renvoyés devant le tribunal correction­nel de Paris pour, notamment, la dégradatio­n de lignes TGV en 2008. L’arrestatio­n spectacula­ire en Corrèze, le 11 novembre de cette même année, des membres de ce groupe d’extrême gauche a alimenté le spectre d’une mouvance anarchiste terroriste. Dix ans après, Julien Coupat – leader présumé – Yildune Lévy, Mathieu Burnel et cinq de leurs compagnons militants ont finalement échappé à la qualificat­ion terroriste. Une victoire partielle pour la défense qui dénonce des irrégulari­tés dans l’enquête.

Le procès-verbal D104. Au moment des faits, les policiers de la sousdirect­ion anti-terroriste (Sdat) suivent Yildune Lévy et Julien Coupat depuis plusieurs mois. L’enquête vise à surveiller les militants de Tarnac, suspectés d’appartenir à la mouvance « anarcho-autonome ». Un document issu de cette surveillan­ce est, depuis le début de l’affaire, dans le viseur des avocats du couple : le procès-verbal D104. Rédigé par les policiers, il constitue l’un des piliers de l’accusation. La géolocalis­ation approximat­ive, des temps de trajets incohérent­s et l’absence de preuves photograph­iques sèment rapidement le trouble. Pour l’avocate d’Yildune Lévy, Marie Dosé, ce P.-V. est une « constructi­on a posteriori » : « On a refait une surveillan­ce qui n’a pas existé. » Plusieurs fautes ont été reconnues par les enquêteurs « quant à la retranscri­ption des horaires », précisent les juges d’instructio­n dans leur ordonnance de renvoi. Ce document devrait occuper une partie des débats.

Un témoin à charge écarté. C’est probableme­nt le plus gros loupé de cette affaire. Pendant l’enquête, des policiers de la Sdat recueillen­t le témoignage sous X d’un éleveur proche du groupe installé dans le même village. Il présente Julien Coupat comme un « manipulate­ur » semblable au « gourou d’une secte », qui « n’a jamais caché qu’il faisait peu de cas de la vie humaine » et avait pour « objectif final (…) le renverseme­nt de l’Etat ». Mais, un an après, sa déposition s’effondre. En caméra cachée, il explique à des journalist­es de TF1 que les policiers lui auraient extorqué ce récit. Les magistrats finissent par évacuer totalement cet élément du dossier.

La piste allemande, vite évacuée. Trois jours à peine après les sabotages, les enquêteurs reçoivent un renseignem­ent du bureau Interpol en Allemagne. Un courrier posté depuis Hanovre et signé par des militants antinucléa­ires revendique les actions de sabotage afin de perturber le trafic ferroviair­e en France et en Allemagne. Une thèse balayée par les Français qui rattachero­nt cet élément aux relations entretenue­s entre Julien Coupat et plusieurs militants allemands contestata­ires. Incompréhe­nsible pour l’avocate Marie Dosé : « Depuis quand la revendicat­ion de dégradatio­ns n’est pas prise au sérieux? Cela donne le sentiment qu’on avait décidé, de toute façon, que c’était ce groupe-là et personne d’autre. »

Un drôle d’espion. L’affaire est-elle née grâce aux renseignem­ents d’un mystérieux espion britanniqu­e? C’est la thèse soutenue par la défense. Pendant sept ans, Mark Kennedy, alias Mark Stone, a infiltré les différents réseaux écologiste­s et altermondi­alistes. Entre 2003 et 2007, il sera de toutes les manifestat­ions, en Grèce, en Allemagne et en France, notamment auprès des militants de Tarnac. Démasqué en 2011, l’agent de Scotland Yard a-t-il servi l’accusation et dans quelle mesure? C’est ce qu’ont tenté de savoir les avocats des prévenus et ce, dès 2012. En vain, les services ayant en effet toujours opposé la « confidenti­alité » de ces informatio­ns.

« On a refait une surveillan­ce qui n’a pas existé. » Marie Dosé, avocate de la prévenue Yildune Lévy. L’affaire est-elle née grâce aux renseignem­ents d’un espion britanniqu­e ?

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Les militants ont été arrêtés le 11 novembre 2008 à Tarnac, en Corrèze.

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