20 Minutes (Bordeaux)

Pour Cascadeur, la discrétion, c’est tout un art

Cascadeur, le Messin casqué, sort son troisième album, « Camera », ce vendredi

- Benjamin Chapon

Le saviez-vous? Le vendredi qui précède Pâques est un jour férié en Alsace-Moselle. La maison de disques de Cascadeur l’ignorait. L’artiste lui-même n’y avait pas vraiment songé quand a été arrêtée la date de la sortie, ce vendredi, de son troisième album, Camera. A Metz, où il vit depuis son plus jeune âge, Cascadeur ne pourra donc pas aller acheter son propre disque : « C’est assez ironique pour un artiste comme moi qui travaille sur la notion de disparitio­n. » Au-delà de l’anecdote, si son album s’appelle « Camera », il n’est pas sûr qu’il permette à son auteur d’être à nouveau sous le feu des projecteur­s. Rien à voir avec son talent, énorme, ni avec la qualité de l’album, son meilleur, tout simplement. Il s’agirait plutôt d’une question d’air du temps. « Je sens bien qu’il y a un climat général dans lequel il faut du nouveau tout le temps. Or je travaille sur la lenteur, le motif. Je travaille sur l’anonymat à l’heure de l’ultra-visibilité. Je travaille sur l’intime à l’heure du tout-public. » Repéré en 2008 avec le prix CQFD, Cascadeur signe ensuite avec Universal qui sort son premier album, The Human Octopus, en 2011. A cette époque, les maisons de disques peinent encore à croire que les gens ne veulent plus acheter de CD, et le lancement de l’album se fait en grande pompe. Pour le second, Ghost Surfer, en 2014, ce sera déjà plus discret, mais il sera couronné d’une victoire de la musique en 2015. Et pour Camera ? « On verra, philosophe le musicien. Mais l’accueil du disque conditionn­e un peu le nombre de concerts. Et ça, c’est très important pour moi. » A l’écoute de Camera, on salive d’avance à l’idée d’entendre ces chansons cinématogr­aphiques sur scène. Surtout que Cascadeur, avec ses masques et artifices, mais pas seulement, a toujours su y instaurer des atmosphère­s uniques, alternant transes tranquille­s et éclats mélodiques. Au Centre Pompidou-Metz, où 20 Minutes est allé le rencontrer, entre des chefs-d’oeuvre colorés de Matisse ou de Klein et des oeuvres numériques japonaises des années 1980, Cascadeur devise sur son rapport à l’art, à l’intemporal­ité. Il raconte comment il s’est frotté à de nouveaux outils pour composer cet album. « Je voulais pouvoir contrôler les sons avec mes doigts », explique-t-il.

« Je travaille sur l’anonymat à l’heure de l’ultra-visibilité, sur l’intime à l’heure du tout-public. » « Ce casque est mon identité. Le porter signifie aussi bien plaisir que douleur. »

Il parle aussi de son casque, qui le protège et le heurte sur scène. « Ce casque est mon identité. Elle est parfois pesante et contraigna­nte, comme une infirmité, ou comme une discipline. Le porter signifie aussi bien plaisir que douleur. » Mais se déguiser est aussi un « jeu enfantin, [celui] du plaisir de changer de peau. Là, j’achète plein de fringues pour le live. Des trucs en lien avec le monde du cinéma. » Artiste sans fausse pudeur, qui n’a pas peur de réfléchir à la nature de son oeuvre, Cascadeur pratique une musique limpide audacieuse­ment inadaptée aux moeurs contempora­ines. « Pourtant, sur les réseaux sociaux et même dans la vie de tous les jours, tout le monde s’affiche masqué », note Cascadeur, qui, sans son casque, ose demander ce que peu d’artistes osent demander : « Et tu as aimé l’album ? »

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L’artiste, ici au Zénith de Paris, a reçu une victoire de la musique en 2015.

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