20 Minutes (Bordeaux)

L’« Aquarius »

L’Europe confrontée à la question de sa politique migratoire

- Anissa Boumediene

Indésirabl­es à Malte, puis en Italie, les 630 migrants secourus par l’Aquarius ont enfin mis un pied à terre, dimanche. Après une semaine d’errance en mer, le navire affrété par SOS Méditerran­ée et Médecins sans frontières a pu accoster dans le port espagnol de Valence. Les chants et danses de soulagemen­t et de joie des naufragés n’ont pu masquer l’amertume des humanitair­es. « Les équipes sont révoltées par cette situation, où le politique prend le pas sur l’humain, au mépris de la vie de ces gens, s’indigne Fabienne Lassalle, directrice de SOS Méditerran­ée. On s’est senti otages de tous ces bras de fer politiques, où chacun se renvoie la balle sans prendre ses responsabi­lités. »

Le refus de l’Italie et de son ministre de l’Intérieur Matteo Salvini (La Ligue, extrême droite) d’accueillir l’Aquarius a en effet plongé l’Europe dans une nouvelle crise sur la question migratoire, qui sera d’ailleurs au centre du prochain conseil européen des 28 et 29 juin. Pour Michel Agier, notamment ethnologue et directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développem­ent), il faudrait « former un recours devant la justice européenne, car l’Italie et Malte sont dans l’illégalité. Et si un précédent est créé, cela marque un pas de plus dans la déshumanis­ation. »

« Organiser la solidarité »

L’ethnologue poursuit : « A ce jour, il n’y a pas de politique nationale, européenne ni globale sur la possibilit­é de circulatio­n dans le monde. Pourquoi ne pas se rapprocher des mesures évoquées en 2015 par la Commission européenne ? Elle proposait de remettre en cause les accords de Dublin : imaginer la répartitio­n des migrants dans toute l’Europe, selon un principe de péréquatio­n, en fonction des capacités d’accueil de chaque Etat membre. Mais, pour cela, l’Union européenne doit changer de paradigme et ne plus considérer l’étranger comme un ennemi.» Michel Agier insiste de fait sur l’importance « d’organiser la solidarité». Dimanche, sur le port de Valence, une banderole clamait «Bienvenue chez vous» dans différente­s langues. «Les gens se proposent pour tout ce qui se présente : servir de traducteur, offrir un logement », a expliqué Johnson Tamayo, artiste de 51 ans et bénévole de la Croix-Rouge. «Les Etats devraient s’inspirer de ces initiative­s microlocal­es et les décliner, s’appuyer sur la mobilisati­on des réseaux, associatio­ns et collectifs», souligne Michel Agier. Fabienne Lassalle, elle, s’inquiète « du temps que cela prendra pour parvenir à des accords européens ». Mais, «malgré la rage, nous continuero­ns à secourir toutes ces personnes qui traversent la Méditerran­ée au péril de leur vie ».

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Le navire a erré une semaine en Méditerran­ée avant de trouver un port.

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