Une dose d’art, et ça repart
Des visites de musées sont prescrites à titre expérimental à Montréal, au Canada, pour soigner des dépressions
Alors que la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) bat son plein au Grand Palais, à Paris (8e) jusqu’à dimanche, Montréal expérimente les visites de musées… sur ordonnance. La directrice du musée des Beauxarts de Montréal, Nathalie Bondil, a mis en place des « prescriptions muséales » que les médecins québecois peuvent donner à leurs patients. L’objectif est d’aider notamment les personnes dépressives ou en état de stress et d’améliorer leur « bien-être émotionnel » grâce à l’art. Les médecins participant à l’opération s’appuient sur des études montrant que le « contact avec les oeuvres d’art a un réel impact sur l’état de santé physique et mentale de la population », selon la docteure Hélène Boyer. « La magie de l’art peut opérer quand on ne cherche pas à comprendre à quoi ça sert, explique Alexia Guggémos, spécialiste de l’art contemporain et créatrice du musée du Sourire (smilemuseum.fr). Si on commence à attendre une émotion, on peut être déçu. » De quoi démentir ce lieu commun qui prétend que les visites de musées devraient être remboursées par la Sécurité sociale. Si l’on admet malgré tout que l’art peut être un médicament, convient- il de le prescrire à dose homéopathique ou à dose de cheval? «Pour éprouver quelque chose devant une oeuvre, il faut accepter de s’y plonger tout entier, explique Alexia Guggémos. Il ne faut pas se contenter de passer devant ou de considérer les oeuvres comme des trophées qu’il faut “avoir vus” en fonction de leur notoriété. » Comme les touristes qui «font» un pays comme on coche une to-do list.
Au contraire, l’émotion jaillit de la surprise. « Et toutes les émotions ! On peut passer par la peur, le dégoût, la joie, la tristesse, précise Alexia Guggémos. Face à une oeuvre, on est à la fois émetteur et récepteur d’émotions. On aime l’art pour cela, parce qu’il nous fait sentir vivants. Voilà pourquoi “fréquenter” les oeuvres d’art peut faire du bien. De là à dire que l’art soigne, il y a un pas. »
Et la créatrice du musée du Sourire de poursuivre : « Surtout, aller dans un musée dans ce but-là risque de tuer l’effet de surprise. Dans les jardins des Tuileries, où sont installées des sculptures pour la Fiac, la plupart des passants ne voient pas les oeuvres ou ont des réactions négatives en se demandant “A quoi servent-elles ?” Si on commence à se demander à quoi une oeuvre d’art va nous être utile, on lui ôte la possibilité de nous émouvoir.» L’art serait donc plutôt un médicament anti-placebo qui ne « fonctionne » que si on ne sait pas qu’on le prend.
« Face à une oeuvre, on est émetteur et récepteur d’émotions.» Alexia Guggémos, créatrice du musée du Sourire