Des manques à combler
Le projet de loi sur la bioéthique prévoit l’extension de la procréation médicalement assistée. Mais les conditions de son application restent à assurer.
On parle beaucoup FIV, don de sperme et égalité des droits en cette rentrée. En effet, les auditions à la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur la bioéthique, qui prévoit notamment de donner la possibilité aux couples de lesbiennes et aux femmes seules de recourir à une procréation médicalement assistée (PMA) pour avoir un enfant, ont commencé mardi (lire ci-dessous). Mais, déjà, certaines associations et certains médecins veulent faire pression pour que le texte ne passe pas à côté d’un point essentiel : les conditions matérielles pour garantir que cette PMA pour toutes soit réellement assurée. Sans surprise, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes augmenterait la demande de sperme. Or, aujourd’hui, les couples hétérosexuels qui ont recours à un don de sperme – 2200 en 2016 – attendent généralement entre six mois et deux ans. Ce délai risque donc de s’allonger. D’autant que le projet de loi de bioéthique introduit plusieurs changements, au-delà de la PMA pour toutes. Notamment la possibilité pour les enfants nés d’une PMA avec don d’avoir accès, s’ils le souhaitent et à leur majorité, à l’identité du donneur. Une disposition qui pourrait en refroidir certains.
Stocks de sperme détruits ?
Deuxième problème, le texte prévoit la destruction du stock de gamètes actuel un an après la promulgation de la loi pour éviter la coexistence des dons identifiables et de ceux qui ne le sont pas. «Etre obligé de détruire [ces stocks], c’est de la folie furieuse, s’émeut Catherine Guillemain, vice-présidente de la Fédération des Cecos, les centres qui gèrent les dons de gamètes. La seule possibilité, pour sauver ces paillettes, serait de recontacter tous les donneurs.» Mais au cabinet de la ministre de la Santé, les choses sont claires : « Il est hors de question de recontacter tous les donneurs. C’est matériellement impossible, certains ont pu déménager, par exemple. On peut en revanche envisager d’appeler publiquement les anciens donneurs à se manifester. » Du côté des députés, les auditions devraient permettre d’affiner les choses. « Nous souhaitons attendre la reconstitution de stocks équivalents de gamètes avant de détruire les anciennes réserves», assure Aurore Bergé, députée LREM et membre de la commission spéciale bioéthique. Mais quand bien même. «Sans changement et moyens supplémentaires, on aura du mal à répondre à la demande actuelle et à celle qui se profile», prévient Catherine Guillemain.
Face à ces défis, 350 professionnels de la PMA demandent via une pétition que la loi permette à d’autres centres publics, mais aussi à des centres privés, de gérer les dons de gamètes et l’autoconservation – ces derniers le sont actuellement par les seuls Cecos, au nombre de 29. Cela règlerait-il pour autant la question du nombre de dons ?