Le retour de la consigne ne fait pas l’unanimité
Le souhait du gouvernement de réintroduire ce système de récupération inquiète les maires et les spécialistes du recyclage
C’est l’un des derniers joyaux de Paprec, entreprise spécialisée dans la collecte et recyclage de déchets. A Chassieu, dans la banlieue lyonnaise, le groupe commence tout juste l’exploitation d’un centre de tri flambant neuf, capable de prendre en charge 60000 t de déchets ménagers par an. Le coût : 27 millions d’euros. Et c’est loin d’être le seul centre de tri à être sorti de terre ou à avoir été modernisé depuis 2015. L’enjeu? Préparer l’extension des consignes de tri, qui permettra de jeter tous les emballages plastique dans la poubelle jaune. Il doit être généralisé d’ici à 2022. Tout ça pour rien?
C’est la crainte aujourd’hui de la Federec, Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, et de l’Association des maires de France (AMF). Car, en parallèle, le gouvernement songe à réintroduire un système de consigne en France. C’est l’une des mesures phares du projet de loi antigaspillage, piloté par la secrétaire d’Etat Brune Poirson et discuté au Parlement à partir de fin septembre.
« Tout est encore ouvert »
Une certitude, ou presque : le retour de la consigne concernera au minimum les bouteilles plastique et les canettes. Pour le reste, «tout est encore ouvert», indique-t-on au ministère de la Transition écologique. D’autres déchets seront-ils concernés? Qui aura la gestion de ces quelques centimes de caution? A qui appartiendront les emballages déconsignés ? Jean-Luc Petithuguenin, PDG de Paprec, dit déjà connaître le fin mot de l’histoire : « Les machines de déconsignation seront majoritairement installées sur les parkings des supermarchés. C’est une raison de plus d’aller y faire ses courses, la grande distribution se frotte les mains. Ensuite, les bouteilles plastique ainsi collectées n’auront plus besoin de passer par les centres de tri, puisque déjà triées. Les fabricants et distributeurs n’auront plus qu’à récupérer ces flux pour les acheminer directement dans leurs usines de recyclage, soit dans celles des professionnels du secteur, comme Paprec. Mais lorsque nous travaillons aujourd’hui avec des centaines de collectivités locales, nous n’aurons demain plus qu’une poignée de clients, à savoir ces industriels de la boisson. C’est une position bien inconfortable. » Par ailleurs, rappelle Stéphane Leterrier, directeur général adjoint de Paprec, «une tonne de PET clair [le plastique d’une bouteille d’eau classique] se vend aujourd’hui 350 €. A l’inverse, le papier et le carton s’effondrent.» Or, souligne Nicolas Soret, président de la commission déchets à l’AMF, «les collectivités peuvent financer la collecte et le tri de tous les déchets ménagers seulement parce qu’elles peuvent compter sur ces déchets rémunérateurs ».
Si le ministère se veut rassurant, la Federec l’est moins : « La consigne cassera le principe d’un geste citoyen, gratuit, pour le réduire à un échange monétaire. »