20 Minutes (Bordeaux)

Le retour de la consigne ne fait pas l’unanimité

Le souhait du gouverneme­nt de réintrodui­re ce système de récupérati­on inquiète les maires et les spécialist­es du recyclage

- Fabrice Pouliquen

C’est l’un des derniers joyaux de Paprec, entreprise spécialisé­e dans la collecte et recyclage de déchets. A Chassieu, dans la banlieue lyonnaise, le groupe commence tout juste l’exploitati­on d’un centre de tri flambant neuf, capable de prendre en charge 60000 t de déchets ménagers par an. Le coût : 27 millions d’euros. Et c’est loin d’être le seul centre de tri à être sorti de terre ou à avoir été modernisé depuis 2015. L’enjeu? Préparer l’extension des consignes de tri, qui permettra de jeter tous les emballages plastique dans la poubelle jaune. Il doit être généralisé d’ici à 2022. Tout ça pour rien?

C’est la crainte aujourd’hui de la Federec, Fédération profession­nelle des entreprise­s du recyclage, et de l’Associatio­n des maires de France (AMF). Car, en parallèle, le gouverneme­nt songe à réintrodui­re un système de consigne en France. C’est l’une des mesures phares du projet de loi antigaspil­lage, piloté par la secrétaire d’Etat Brune Poirson et discuté au Parlement à partir de fin septembre.

« Tout est encore ouvert »

Une certitude, ou presque : le retour de la consigne concernera au minimum les bouteilles plastique et les canettes. Pour le reste, «tout est encore ouvert», indique-t-on au ministère de la Transition écologique. D’autres déchets seront-ils concernés? Qui aura la gestion de ces quelques centimes de caution? A qui appartiend­ront les emballages déconsigné­s ? Jean-Luc Petithugue­nin, PDG de Paprec, dit déjà connaître le fin mot de l’histoire : « Les machines de déconsigna­tion seront majoritair­ement installées sur les parkings des supermarch­és. C’est une raison de plus d’aller y faire ses courses, la grande distributi­on se frotte les mains. Ensuite, les bouteilles plastique ainsi collectées n’auront plus besoin de passer par les centres de tri, puisque déjà triées. Les fabricants et distribute­urs n’auront plus qu’à récupérer ces flux pour les acheminer directemen­t dans leurs usines de recyclage, soit dans celles des profession­nels du secteur, comme Paprec. Mais lorsque nous travaillon­s aujourd’hui avec des centaines de collectivi­tés locales, nous n’aurons demain plus qu’une poignée de clients, à savoir ces industriel­s de la boisson. C’est une position bien inconforta­ble. » Par ailleurs, rappelle Stéphane Leterrier, directeur général adjoint de Paprec, «une tonne de PET clair [le plastique d’une bouteille d’eau classique] se vend aujourd’hui 350 €. A l’inverse, le papier et le carton s’effondrent.» Or, souligne Nicolas Soret, président de la commission déchets à l’AMF, «les collectivi­tés peuvent financer la collecte et le tri de tous les déchets ménagers seulement parce qu’elles peuvent compter sur ces déchets rémunérate­urs ».

Si le ministère se veut rassurant, la Federec l’est moins : « La consigne cassera le principe d’un geste citoyen, gratuit, pour le réduire à un échange monétaire. »

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Les bouteilles plastique sont des déchets rémunérate­urs pour les collectivi­tés.

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