Deux camps remontés à bloc
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, reste sur ses positions, mais se heurte à l’opposition des parlementaires
Nouveau coup dur pour Boris Johnson. Samedi, le chef du gouvernement britannique, qui n’a plus de majorité au Parlement, a vu sa ministre du Travail et des Retraites annoncer sa démission. Amber Rudd a justifié son départ par son désaccord avec la stratégie du Premier ministre sur le Brexit. Depuis plusieurs jours, la tactique de Boris Johnson est court-circuitée par le Parlement. Les députés, puis les lords, ont adopté la semaine passée une proposition de loi qui le contraint à repousser de trois mois la date du Brexit, prévu le 31 octobre, s’il ne trouve pas un accord de divorce avec l’Union européenne d’ici au 19 octobre. Le chef du parti conservateur, qui a décidé de suspendre le Parlement pendant plusieurs semaines, souhaite donner ce lundi une « dernière chance » à l’opposition de voter en faveur d’élections anticipées. « Chaque camp essaie de trouver des astuces, des outils institutionnels pour atteindre ses objectifs sur le Brexit, assure Olivier de France, responsable du programme Europe à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Boris Johnson se dit qu’un retour aux urnes pour obtenir une nouvelle majorité est la seule manière de sortir du blocage institutionnel.» Le leader britannique reste sur la même ligne : il dit préférer « mourir au fond d’un fossé » plutôt que de repousser une fois encore la sortie du pays.
Votée il y a plus de trois ans, la sortie du Royaume-Uni de l’UE reste toujours aussi floue et incertaine. Le Premier ministre britannique accuse, en creux, une partie de la classe politique britannique de jouer la carte de la souveraineté populaire contre les institutions.
« C’est un débat infini et inextricable, assure Emmanuelle Saulnier-Cassia, professeure de droit public et spécialiste du Brexit. Le peuple a parlé via le référendum, un outil peu classique au Royaume-Uni, même s’il s’est multiplié ces dernières années, mais le Parlement reste souverain, et c’est par lui que la voix populaire se fait classiquement entendre. »
« En décidant de soumettre le Brexit par référendum, [l’ex-Premier ministre] David Cameron a mis le doigt dans l’engrenage : il a alors opposé la légitimité populaire et la légitimité parlementaire. Depuis, le piège de Tocqueville [qui avait analysé ces tensions entre démocraties directe et représentative] s’est refermé sur la plus vieille démocratie parlementaire, qui ne se fait plus confiance, analyse Olivier de France. Cette opposition des légitimités a polarisé encore plus le pays. Chaque camp se pose maintenant comme plus démocrate que l’autre. Boris Johnson veut faire respecter la volonté du peuple, alors que, paradoxalement, il n’est pas élu, et le Parlement élu dit que les Britanniques n’ont pas voté pour une sortie sans accord. »