Ils traquent des prédateurs sexuels sur le Net
Des citoyens cherchent à piéger eux-mêmes des pervers, ce qui inquiète les autorités
Ne leur dites surtout pas qu’ils sont des «chasseurs» de pédophiles. «Nous sommes des intercepteurs de pédocriminels, voire des lanceurs d’alerte.» Depuis quelques mois, face à la recrudescence des actes pédophiles sur le Net, des internautes de la société civile ont décidé de partir en guerre contre les pervers sexuels qui sévissent sur les réseaux sociaux. C’est le cas de Steven Moore*.
En mars, ce père de famille qui vit à La Réunion a été contacté par une maman inquiète pour sa fille, qui avait reçu plusieurs messages pornographiques. Pour coincer l’auteur présumé, Steven Moore crée un faux profil de jeune fille sur Facebook. «C’est comme à la pêche, il suffit de poser sa ligne et d’attendre », explique-t-il. En quelques jours, il est contacté par une dizaine de « prédateurs sexuels », qui lui envoient quantité de vidéos, photos ou enregistrements sans aucune ambiguïté. Steven Moore organise une première confrontation en mai, au Tampon, une commune du sud de La Réunion. La vidéo de la rencontre, massivement diffusée sur le Web, permet l’arrestation du pédophile présumé. Ce premier « coup de filet» conforte Steven Moore dans son combat. Avec deux autres mères de famille, il crée la Team Moore, un collectif de lutte contre les cyberpédophiles. « Nous sommes déjà à l’origine de 11 arrestations en à peine six mois», se félicite le militant, qui s’interroge : «Comment un groupe de citoyens, sans aucuns moyens, a réussi à faire mieux en moins de six mois que le gouvernement français, qui dispose, lui, de milliards d’euros ? »
Possiblement dangereux
Selon les chiffres de l’ONU, il y aurait plus de 750000 prédateurs connectés à Internet en permanence. La France ne dispose malheureusement que de 20 cyberpatrouilleurs pour traquer ces pédocriminels. Au Royaume-Uni, ils sont environ 250. «On manque de moyens, comme tous les services de police en France, reconnaît Véronique Béchu, du Groupe central des mineurs victimes, chargé des cyberpatrouilleurs de la police nationale. Mais ça se réglera peutêtre un jour.» Pour le moment, selon elle, l’aide apportée par ces simples citoyens peut se révéler contre-productive, notamment lorsque les preuves collectées ne sont pas de qualité suffisante pour lancer une instruction. De plus, «la personne peut se mettre en danger quand elle se rend à de tels rendez-vous». La Team Moore, elle, ne considère pas oeuvrer dans l’illégalité. D’ailleurs, « pourquoi ne pas mettre en place une cellule composée de réservistes ? », lance-t-elle.
«Vu les enjeux, il faut que la législation évolue sur cette question, que les enquêteurs puissent travailler conjointement avec ces militants, souligne Homayra Sellier, présidente de l’association Innocence en danger. Il y a urgence à agir. » Hakima Bounemoura
* Steven Moore veut conserver l’anonymat, les autorités lui ayant fait comprendre que ses actions étaient passibles de poursuites.