20 Minutes (Bordeaux)

Ils traquent des prédateurs sexuels sur le Net

Des citoyens cherchent à piéger eux-mêmes des pervers, ce qui inquiète les autorités

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Ne leur dites surtout pas qu’ils sont des «chasseurs» de pédophiles. «Nous sommes des intercepte­urs de pédocrimin­els, voire des lanceurs d’alerte.» Depuis quelques mois, face à la recrudesce­nce des actes pédophiles sur le Net, des internaute­s de la société civile ont décidé de partir en guerre contre les pervers sexuels qui sévissent sur les réseaux sociaux. C’est le cas de Steven Moore*.

En mars, ce père de famille qui vit à La Réunion a été contacté par une maman inquiète pour sa fille, qui avait reçu plusieurs messages pornograph­iques. Pour coincer l’auteur présumé, Steven Moore crée un faux profil de jeune fille sur Facebook. «C’est comme à la pêche, il suffit de poser sa ligne et d’attendre », explique-t-il. En quelques jours, il est contacté par une dizaine de « prédateurs sexuels », qui lui envoient quantité de vidéos, photos ou enregistre­ments sans aucune ambiguïté. Steven Moore organise une première confrontat­ion en mai, au Tampon, une commune du sud de La Réunion. La vidéo de la rencontre, massivemen­t diffusée sur le Web, permet l’arrestatio­n du pédophile présumé. Ce premier « coup de filet» conforte Steven Moore dans son combat. Avec deux autres mères de famille, il crée la Team Moore, un collectif de lutte contre les cyberpédop­hiles. « Nous sommes déjà à l’origine de 11 arrestatio­ns en à peine six mois», se félicite le militant, qui s’interroge : «Comment un groupe de citoyens, sans aucuns moyens, a réussi à faire mieux en moins de six mois que le gouverneme­nt français, qui dispose, lui, de milliards d’euros ? »

Possibleme­nt dangereux

Selon les chiffres de l’ONU, il y aurait plus de 750000 prédateurs connectés à Internet en permanence. La France ne dispose malheureus­ement que de 20 cyberpatro­uilleurs pour traquer ces pédocrimin­els. Au Royaume-Uni, ils sont environ 250. «On manque de moyens, comme tous les services de police en France, reconnaît Véronique Béchu, du Groupe central des mineurs victimes, chargé des cyberpatro­uilleurs de la police nationale. Mais ça se réglera peutêtre un jour.» Pour le moment, selon elle, l’aide apportée par ces simples citoyens peut se révéler contre-productive, notamment lorsque les preuves collectées ne sont pas de qualité suffisante pour lancer une instructio­n. De plus, «la personne peut se mettre en danger quand elle se rend à de tels rendez-vous». La Team Moore, elle, ne considère pas oeuvrer dans l’illégalité. D’ailleurs, « pourquoi ne pas mettre en place une cellule composée de réserviste­s ? », lance-t-elle.

«Vu les enjeux, il faut que la législatio­n évolue sur cette question, que les enquêteurs puissent travailler conjointem­ent avec ces militants, souligne Homayra Sellier, présidente de l’associatio­n Innocence en danger. Il y a urgence à agir. » Hakima Bounemoura

* Steven Moore veut conserver l’anonymat, les autorités lui ayant fait comprendre que ses actions étaient passibles de poursuites.

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Le piège consiste à créer un faux profil pour attirer le supposé pervers.

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