20 Minutes (Bordeaux)

La plateforme de signalemen­t peine à se faire connaître

Plus de 4 000 signalemen­ts ont été traités par le portail gouverneme­ntal lancé il y a un an

- Thibaut Chevillard

Quelques mots qui lui ont peut-être sauvé la vie. Le 7 août, Julie* se connecte à la plateforme de signalemen­t de violence sexuelle ou sexiste**, lancée par le gouverneme­nt en novembre. Elle livre à la policière avec qui elle tchate son calvaire. Celui d’une femme victime d’un mari qui devient violent lorsqu’il boit, avec elle, mais aussi avec leurs deux enfants, et même leurs chiens. Cette situation, Julie n’en a jamais parlé à la police. «Il lui interdisai­t de toucher au téléphone et de sortir de chez elle », explique à 20 Minutes la commandant­e Sandrine Masson, qui dirige la plateforme.

La fonctionna­ire s’inquiète quand Julie se déconnecte une première fois, puis une seconde. Est-elle en danger? Immédiatem­ent, les policiers se mettent en branle pour la localiser, via son adresse IP. Ils découvrent qu’elle se connecte depuis la Somme et contactent leurs collègues d’Amiens. «Comme on était dans le cadre du flagrant délit, on a décidé d’interpelle­r cet homme », indique le brigadier major Michael Savoye, chef du groupe de protection des personnes vulnérable­s. L’époux, qui a reconnu les faits, a écopé de quinze mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Julie, elle, a été prise en charge par l’assistante sociale du commissari­at. Elle n’est pas la seule à avoir contacté la plateforme de signalemen­t, depuis sa création il y a moins d’un an.

Seize policiers affectés

Basés à Guyancourt (Yvelines), les 16 policiers expériment­és qui y sont affectés – 8 hommes, 8 femmes – ont déjà traité un peu plus de 4000 signalemen­ts provenant le plus souvent de «femmes majeures», ayant été victimes de violences sexuelles, et qui désirent rester anonymes. «Au départ, elles viennent pour libérer leur parole, remarque Sandrine Masson. On discute avec elles pour les aider à trouver des solutions. On se rend souvent compte qu’elles ont subi un viol et que cette qualificat­ion peut être retenue.» En moyenne, les victimes tchatent cinquante-quatre minutes avec ces policiers disponible­s pour leur répondre 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Il faut parfois discuter avec elles plusieurs fois pour les convaincre d’aller déposer plainte. «On prévient alors le service territoria­lement compétent, qui reprend contact avec la victime au téléphone. Ce qui lui permet de se rendre plus tard au commissari­at sans avoir à expliquer à la personne de l’accueil l’objet de sa venue. Elle indique juste avoir rendez-vous avec l’enquêteur qui, lui, a reçu notre rapport et a connaissan­ce des faits», poursuit Sandrine Masson, rappelant qu’il est préférable de composer le 17 en cas d’urgence.

La création de cette plateforme est une bonne chose, souligne Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol. Mais, regrette-t-elle, «elle aurait besoin d’une vraie visibilité (…) Quand on parle du 3919 [violences femmes info], le nombre d’appels augmente.» D’autant, conclut-elle, que, pour lutter contre les violences faites aux femmes, «nous avons besoin de tous les moyens».

* Le prénom a été changé. ** https://bit.ly/2PXcGdL.

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Le plus souvent, ce sont des femmes ayant été victimes de violences sexuelles qui se connectent à la plateforme.

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