20 Minutes (Bordeaux)

Un débat épineux

L’idée d’interdire l’épandage de pesticides à moins de 150 m des habitation­s fait son chemin. Les opposants, eux, pointent du doigt la réduction des surfaces agricoles que cela impliquera­it.

- Fabrice Pouliquen * https://bit.ly/2ktAXd9.

Le 18 mai, Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), a lancé un pavé dans la mare en signant un arrêté (depuis suspendu par la justice), interdisan­t l’épandage de pesticides de synthèse, utilisés en agricultur­e convention­nelle, dans un périmètre de 150 m autour des habitation­s. Depuis, une quarantain­e de maires, et même le président du conseil départemen­tal du Val-de-Marne, ont pris des arrêtés similaires. En réponse, le gouverneme­nt a ouvert lundi une consultati­on publique* sur les distances minimales à respecter entre habitation­s et zones d’épandage. Christian Durlin, président de la chambre d’agricultur­e du Nord-Pasde-Calais et membre de la FNSEA, invite déjà à s’interroger sur la surface de terre agricole qui tomberait sous le coup de ces bandes de non-traitement de 150 m si les 36 000 maires de France prenaient tous des arrêtés antipestic­ides. Vingt pour cent, estime d’ores et déjà le ministère de l’Agricultur­e. D’où la crainte avancée la semaine passée par son locataire, Didier Guillaume, que la France soit contrainte d’importer une plus grande part encore de son alimentati­on (elle en importe déjà 20%).

« Produire moins et mieux »

Pour Cécile Claveirole, responsabl­e du réseau agricultur­e à France Nature Environnem­ent (FNE), comme pour Arnaud Gauffier, codirecteu­r des programmes au WWF France, Didier Guillaume joue avec nos peurs. « Nous ne demandons pas que ces “zones-tampons” deviennent des friches, mais qu’on y cultive sans utiliser de pesticides de synthèse», indique la première. «Surtout, si on épand tant de pesticides en France, c’est pour produire des quantités astronomiq­ues et pouvoir exporter, ajoute le second. Un autre modèle est possible. Il consistera­it à produire peut-être un peu moins, mais mieux, en transforma­nt directemen­t les aliments en France. Pas sûr, alors, que nos importatio­ns augmentent.» Une conversion à marche forcée qui ne plaît guère à Emmanuel Ferrand, agriculteu­r et maire LR de Saint-Pourçainsu­r-Sioule (Allier). « Ce ne sont pas les parcelles agricoles qui empiètent sur la ville, mais bien l’inverse. Dans ma région, nous avons des vignes vieilles de soixante ans. Les maisons se sont construite­s autour, et on demanderai­t aujourd’hui aux viticulteu­rs de réorganise­r leur production à leurs abords, au risque de perdre une bande de 150 m de terre?» «Pourquoi ne pas plutôt demander aux promoteurs immobilier­s de prévoir, sur leurs terrains, cette zone-tampon?», lance-t-on au ministère de l’Agricultur­e. Emmanuel Ferrand regrette aussi que les arrêtés pris ne mentionnen­t pas les pesticides utilisés en agricultur­e biologique, qui, s’ils sont mal appliqués, «sont tout aussi dangereux pour l’homme et l’environnem­ent ». La consultati­on publique doit durer trois semaines. Suffisant?

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A Saint-Emilion (Gironde).
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Des agriculteu­rs craignent de perdre de trop grandes surfaces agricoles.

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