Un débat épineux
L’idée d’interdire l’épandage de pesticides à moins de 150 m des habitations fait son chemin. Les opposants, eux, pointent du doigt la réduction des surfaces agricoles que cela impliquerait.
Le 18 mai, Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), a lancé un pavé dans la mare en signant un arrêté (depuis suspendu par la justice), interdisant l’épandage de pesticides de synthèse, utilisés en agriculture conventionnelle, dans un périmètre de 150 m autour des habitations. Depuis, une quarantaine de maires, et même le président du conseil départemental du Val-de-Marne, ont pris des arrêtés similaires. En réponse, le gouvernement a ouvert lundi une consultation publique* sur les distances minimales à respecter entre habitations et zones d’épandage. Christian Durlin, président de la chambre d’agriculture du Nord-Pasde-Calais et membre de la FNSEA, invite déjà à s’interroger sur la surface de terre agricole qui tomberait sous le coup de ces bandes de non-traitement de 150 m si les 36 000 maires de France prenaient tous des arrêtés antipesticides. Vingt pour cent, estime d’ores et déjà le ministère de l’Agriculture. D’où la crainte avancée la semaine passée par son locataire, Didier Guillaume, que la France soit contrainte d’importer une plus grande part encore de son alimentation (elle en importe déjà 20%).
« Produire moins et mieux »
Pour Cécile Claveirole, responsable du réseau agriculture à France Nature Environnement (FNE), comme pour Arnaud Gauffier, codirecteur des programmes au WWF France, Didier Guillaume joue avec nos peurs. « Nous ne demandons pas que ces “zones-tampons” deviennent des friches, mais qu’on y cultive sans utiliser de pesticides de synthèse», indique la première. «Surtout, si on épand tant de pesticides en France, c’est pour produire des quantités astronomiques et pouvoir exporter, ajoute le second. Un autre modèle est possible. Il consisterait à produire peut-être un peu moins, mais mieux, en transformant directement les aliments en France. Pas sûr, alors, que nos importations augmentent.» Une conversion à marche forcée qui ne plaît guère à Emmanuel Ferrand, agriculteur et maire LR de Saint-Pourçainsur-Sioule (Allier). « Ce ne sont pas les parcelles agricoles qui empiètent sur la ville, mais bien l’inverse. Dans ma région, nous avons des vignes vieilles de soixante ans. Les maisons se sont construites autour, et on demanderait aujourd’hui aux viticulteurs de réorganiser leur production à leurs abords, au risque de perdre une bande de 150 m de terre?» «Pourquoi ne pas plutôt demander aux promoteurs immobiliers de prévoir, sur leurs terrains, cette zone-tampon?», lance-t-on au ministère de l’Agriculture. Emmanuel Ferrand regrette aussi que les arrêtés pris ne mentionnent pas les pesticides utilisés en agriculture biologique, qui, s’ils sont mal appliqués, «sont tout aussi dangereux pour l’homme et l’environnement ». La consultation publique doit durer trois semaines. Suffisant?