Le Japon à la relance
En accueillant la Coupe du monde, le pays espère donner envie à ses habitants de renouer avec ce sport.
Le 19 septembre 2015, le monde du rugby s’est arrêté. Le Japon venait de battre l’Afrique du Sud (34-32) en phase de poules du Mondial. L’exploit face au double champion du monde, baptisé par certains «le plus grand renversement de l’histoire», a fait naître des espoirs pour les Brave Blossoms, qui malgré une présence assidue en Coupe du monde depuis 1987, n’avaient triomphé qu’une fois jusque-là. Pourtant, le rugby et le Japon, qui espère cette année se qualifier pour les quarts de finale, c’est une vieille histoire. Le ballon ovale est présent dans l’archipel depuis le XIXe siècle, et des championnats nationaux lycéens et universitaires existent depuis 1918 et 1964. Plus d’une vingtaine de mangas sur le thème du rugby ont même été publiés dans l’archipel tandis qu’une série sur le rugby a été diffusée tout l’été à la télé. Un film retraçant l’exploit de 2015, The Brighton Miracle, a également été programmé jeudi.
Un championnat semi-pro
Mais le rugby n’a jamais suscité aussi peu d’intérêt dans le pays. Le nombre de licenciés a même chuté (de 122 000 en 2011 à 108 000 en 2018). Interrogés sur l’équipe nationale, les Japonais ne peuvent généralement citer qu’un nom, celui d’Ayumu Goromaru, qui détient le record de points inscrits en Coupe du monde (58). Problème, l’ailier, passé par Toulon, n’est plus dans la sélection. «Le rugby a énormément perdu en popularité depuis les années 1980, où il était supérieur au foot», explique Hinato Akimoto, expert du rugby japonais, derrière le site francophone Japon Rugby. Un effondrement attribué notamment au refus des instances de professionnaliser le championnat en 1995, au moment où la Fédération internationale a mis fin à « l’obligation d’amateurisme». «Ça a été l’un des deux gros tournants, note Hinato, avec le désastre de Bloemfontein», du nom de la ville sud-africaine où le Japon a encaissé un 145-17 face à l’équipe B des All Blacks pendant le Mondial 1995. «Aujourd’hui, la Top League est un championnat intermédiaire, avec des clubs qui appartiennent à des grandes entreprises et des joueurs semi-pros, salariés, qui ont ainsi un emploi assuré après la fin de leur carrière », poursuit le spécialiste. Les équipes n’ont pas de stade attitré et peuvent donc jouer «à domicile» à l’autre bout du pays. En août, la finale de Top League, entre les Kobelco Steelers de Kobe et les Kubota Spears de Chiba, a attiré moins de 8 000 spectateurs. Pour relancer le rugby japonais, beaucoup évoquent sa nécessaire professionnalisation. En juillet, Katsuyuki Kiyomiya, figure de l’Ovalie, a annoncé son intention de lancer un championnat pro, avec 12 équipes basées dans les 12 villes hôtes du Mondial.