«Je ne connais pas un seul condamné pour bizutage »
Délit Le militant Jean-Claude Delarue s’offusque que la loi ne soit pas appliquée
C’est une actualité qui revient à chaque rentrée : le bizutage. Cette année encore, la pratique a fait parler d’elle, avec plusieurs blessés à Rennes et un mort en Belgique, lors d’un événement organisé par une école rouennaise. Elle est pourtant interdite par la loi depuis vingt ans, tance Jean-Claude Delarue, président de SOS Bizutage.
Que dit la loi sur le bizutage ?
La loi de Ségolène Royal, qui date de 1998, dit que le bizutage, imposé ou «consenti», est interdit. Elle prévoit des peines de prison [six mois et 7 500 € d’amende] que je n’ai jamais vu appliquer.
Comment l’expliquez-vous ?
Je vais être un peu virulent : les «voyous» des quartiers et les «voyous» des beaux quartiers ne sont pas traités de la même façon. Je ne connais pas un seul condamné pour bizutage : j’ai l’impression qu’on ne veut surtout pas leur faire de la peine, les stigmatiser, gêner la suite de leurs études, etc. Il y a quand même un côté justice ou comportement de classe. C’est aussi le directeur d’école qui a la trouille. Car faut-il encore que ça aille jusqu’au tribunal.
Malgré tout, grâce à cette loi, voit-on une régression du problème ?
Je suppose que oui. Mais le bizutage étant interdit, on ne le crie pas sur les toits. Le problème, c’est qu’il y a toujours une tentation de dominer le plus jeune, l’inférieur. Or, on ne peut pas lutter contre le harcèlement en entreprise si on ne le combat pas dans la «préentreprise» (…). En plus, avec les téléphones portables, les photos, les vidéos… tout cela circule.
Ce lundi, des militaires sont jugés pour la mort de Jallal Hami, élève officier à Saint-Cyr-Coëtquidan (Morbihan), lors de l’équivalent d’une soirée d’intégration, en 2012. Les écoles militaires sont-elles des cas particuliers ?
Dans l’armée, quand il y a des ordres, vous obéissez. Là, l’école a des ordres qui disent : «On ne fait pas de bizutage.» Si même l’armée ne peut pas faire appliquer le règlement et la loi… Ce n’est pas supportable.